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OCIO Y OCIOS DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES)

ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES - CREC

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Centre de Recherche sur l’Espagne Contemporaine229temps libres dégagés par la nouvelle organisation du travail, ont servi de contexte où laculture populaire a été redéfinie sur la base des loisirs 31 .La visée morale des promoteurs de ces loisirs populaires est manifeste. La nouvelleculture des loisirs qu’ils proposent n’est pas seulement un substitut aux usagestraditionnels, elle se veut en rupture avec les pratiques spontanées des travailleursurbains, considérées comme pernicieuses. Il s’agit, à travers les loisirs, de lutter contrel’oisiveté, la paresse et l’alcoolisme supposés de l’ouvrier. Ces théories présupposent unétat d’immaturité chez l’ouvrier et justifient ainsi l’intérêt manifesté par les classesprivilégiées. Alain Corbin, coordinateur d’un ouvrage approfondi sur l’avènement d’unecivilisation des loisirs, reprend ainsi la distinction surgie à l’époque entre deux types deloisirs : les loisirs dits « rationnels », jugés enrichissants, utiles et productifs, que l’onopposait aux distractions moins respectables, aux divertissements réalisés sans finalitémorale 32 . Cette classification traduit de la part de la bourgeoisie le désir de modeler leloisir de l’autre, considéré comme un être inférieur, puéril, soumis au désordre desinstincts. Ainsi, tout un ensemble de pratiques considérées comme utiles et agréablespar l’élite sont promues, du jardinage aux travaux manuels, en passant par le sportamateur ou les lectures constructives. En ce sens, la culture populaire que l’on cherche àpromouvoir n’a pas vocation à distinguer — comme ce sera le cas pour les loisirs del’élite —, mais à éduquer collectivement. On cherche donc à détourner l’ouvrier de lataverne ou du cabaret. Une lecture superficielle attribuera cette attention à la générositéet à l’altruisme. Il semble pourtant que le caractère paternaliste de cette entrepriserenvoie plutôt à un problème de domination symbolique, qu’elle soit réelle ouimaginaire, dans la soumission du temps libre. Fondamentalement, il s’agit d’uneréaction contre les loisirs spontanés des travailleurs : on leur refuse le choix, qu’il soitconsumériste ou déviant, comme dans le cas de la taverne ou des activités politiquesjugées « subversives » (songeons à la culture politique et syndicale, d’inspirationsocialiste ou anarchiste). On impose un modèle alternatif d’en haut, démarche qui n’estguère différente de celle suivie par les industries culturelles alors florissantes (théâtre de31 L’historien Jorge Uría a réalisé une série d’études sur cette question de redéfinition d’une culturepopulaire dans l’Espagne du premier tiers du XX e siècle. On songera, en particulier, à ses articles « Lacultura popular en la Restauración. El declive del mundo tradicional y desarrollo de una sociedad demasas », in La cultura española en la Restauración, Santander, Sociedad Menéndez Pelayo, 1999, p. 103-144, et « Lugares para el ocio. Espacio público y espacios recreativos en la Restauración española », inHistoria social, n°41, 2001, p. 89-112.32 Alain CORBIN (coord.), L’avènement des loisirs 1850-1960, Paris, Champs Flammarion, 1995.ISSN 1773-0023

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