OCIO Y OCIOS DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES)

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Centre de Recherche sur l’Espagne Contemporaine205consacrée à ce type de production cinématographique. Malheureusement, comme nousl’avons dit, ce quatrième numéro de la deuxième époque de Nuestro Cinema est aussi ledernier, si bien que cette initiative ne passera pas le cap de l’annonce.Cependant ce projet connaîtra une éclosion très rapide un an plus tard, quand laGuerre Civile éclatera. En effet, dès les premières semaines des combats, des déléguésdes différents syndicats et partis politiques de la coalition républicaine s’emparent decaméras légères pour aller filmer les combats sur les champs de bataille, mais aussi pourréaliser des fictions propagandistes qui partageront l’affiche avec des films nationauxhérités de l’avant-guerre, quelques films étrangers en faveur de la République et,surtout, les productions les plus représentatives de la cinématographie soviétique, dontle célèbre Tchapaieff (1934), de Serguei et Georgi Vassiliev. On notera que, parmi lesréalisateurs de ces films « amateurs » de la Guerre Civile, se trouvent nombre d’ancienscollaborateurs de Nuestro Cinema : Antonio del Amo, Rafael Gil, Fernando G.Mantilla, Juan Manuel Plaza, entre autres 81 . Le conflit de 1936-1939 a ainsi confirmél’intuition qu’avait eue Juan Piqueras 82 dès le début de la décennie, car c’est alors que,réellement, le cinéma s’est transformé en une arme de classe.Les articles publiés par Nuestro Cinema durant sa courte histoire sont assezrévélateurs de l’attitude des communistes occidentaux face au cinéma bourgeois, et dela manière dont ils essayaient d’appliquer dans leurs pays respectifs les consignesédictées en URSS par la Conférence du Parti sur la Cinématographie et ses principauxdirigeants, comme Anatoli Lounatcharski, Maxime Gorki, Andrei Jdanov et GyörgyLukacs, c’est-à-dire le réalisme socialiste. C’est pourquoi, face au cinéma dedivertissement que propose l’industrie cinématographique occidentale qui, pour eux, estsynonyme de décervelage du public populaire, les collaborateurs de la revue défendentun cinéma qui soit le reflet exact des réalités que vit le prolétariat. Conscients del’influence intellectuelle du Septième Art, ils défendent un cinéma social, destiné auxmasses laborieuses — comme le cinéma soviétique —, qui serait un moyen d’amener àla culture, mais aussi à la révolution, une frange de la population qui n’a pas accès à81 Cf. Ramón SALA NOGUER, El cine en la España republicana durante la Guerra Civil, Bilbao,Ediciones Mensajero, 1995, p. 115-140.82 Juan Piqueras n’a pas pu voir la concrétisation de ses thèses, puisqu’il a été tué dans les premiers joursde la Guerre Civile, à Venta de Baños (Palencia), à l’âge de 32 ans.ISSN 1773-0023

206DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe XXe SIÈCLESl’écrit. La censure capitaliste rendant difficile la projection des œuvres russes, lacréation de ciné-clubs prolétaires s’offre comme solution pour la réappropriation ducinéma par le peuple, le second outil de sa transformation en arme de classe étant lecinéma dit « amateur », au matériel plus facile d’utilisation.Toutefois, la lecture de Nuestro Cinema laisse assez perplexe. Il est assez difficilede déterminer à quel public il s’adresse, car si ses rédacteurs se prétendent issus duprolétariat, et critiquent parfois les intellectuels, leurs positions quant à l’occupation desloisirs ouvriers ne sont pas très éloignées de celles exprimées par des intellectuels plusréactionnaires : tous veulent contrôler ce qui arrive aux yeux des spectateurs, mais paspour les mêmes raisons. Par ailleurs, il existe un décalage assez grand entre le cinémaque Nuestro Cinema revendique au nom du prolétariat, et celui qui est plébiscité par lepeuple espagnol. Dans son article consacré au ciné-club de Chamartín de la Rosa,Antonio del Amo affirme :El obrero trabaja… Cuando le queda un rato libre, lee a Lenín, lee a Molotov… ; seinteresa por las luchas sociales y políticas en la Prensa revolucionaria, y por las sindicales enla Prensa sindical. Al rudo trabajador no le interesa el cinema más que un comino : ve en éloperetas, comedias frívolas..., cuya realidad se da de patadas con los callos de sus manos 83 .Or, on l’a dit, les années de la Seconde République constituent un âge d’or ducinéma espagnol qui, de 6 films en 1931, arrivera à en produire 28 dans les six premiersmois de l’année 1936 84 . Si l’on étudie la répartition par genre de ces films, on constateque ce sont les comédies qui occupent le devant de la scène durant toute la période, etque l’espagnolade, tant décriée par Juan Piqueras et les siens, constitue une part toujoursplus importante au sein de la cinématographie nationale (jamais moins de 25% de laproduction annuelle) 85 . Par conséquent, il semble qu’en dépit de ses déclarationsd’intention, Nuestro Cinema n’a jamais été qu’une revue destinée aux élites de gauche.Malgré tout, elle a aussi été la première revue totalement indépendante, comme ellel’affirmait dans une publicité parue dans son n°4 :La crítica que hace Nuestro Cinema es la más independiente de España. Mucho antes deque las casas productoras inunden la prensa española de noticias y comentarios, NuestroCinema ofrece un análisis de los films que más interés negativo o afirmativo presentan.[...] Nuestro Cinema no es una revista redactada por los gabinetes de publicidad de losproductores. Piensa por sí misma y actúa con absoluta independencia 86 .83 Antonio DEL AMO, « Ejemplo de cineclub proletario », Nuestro Cinema, n°13 (octobre 1933), p. 225.84 Cf. R. GUBERN, El cine sonoro..., p. 71.85 Id., p.97.86 Nuestro Cinema, n°4 (septembre 1932), p. 95.ISSN 1773-0023

206<strong>DU</strong> <strong>LOISIR</strong> <strong>AUX</strong> <strong>LOISIR</strong>S (<strong>ESPAGNE</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>–</strong> <strong>XXe</strong> <strong>SIÈCLES</strong>l’écrit. La censure capitaliste rendant difficile la projection des œuvres russes, lacréation de ciné-clubs prolétaires s’offre comme solution pour la réappropriation ducinéma par le peuple, le second outil de sa transformation en arme de classe étant lecinéma dit « amateur », au matériel plus facile d’utilisation.Toutefois, la lecture de Nuestro Cinema laisse assez perplexe. Il est assez difficilede déterminer à quel public il s’adresse, car si ses rédacteurs se prétendent issus duprolétariat, et critiquent parfois les intellectuels, leurs positions quant à l’occupation desloisirs ouvriers ne sont pas très éloignées de celles exprimées par des intellectuels plusréactionnaires : tous veulent contrôler ce qui arrive aux yeux des spectateurs, mais paspour les mêmes raisons. Par ailleurs, il existe un décalage assez grand entre le cinémaque Nuestro Cinema revendique au nom du prolétariat, et celui qui est plébiscité par lepeuple espagnol. Dans son article consacré au ciné-club de Chamartín de la Rosa,Antonio del Amo affirme :El obrero trabaja… Cuando le queda un rato libre, lee a Lenín, lee a Molotov… ; seinteresa por las luchas sociales y políticas en la Prensa revolucionaria, y por las sindicales enla Prensa sindical. Al rudo trabajador no le interesa el cinema más que un comino : ve en éloperetas, comedias frívolas..., cuya realidad se da de patadas con los callos de sus manos 83 .Or, on l’a dit, les années de la Seconde République constituent un âge d’or ducinéma espagnol qui, de 6 films en 1931, arrivera à en produire 28 dans les six premiersmois de l’année 1936 84 . Si l’on étudie la répartition par genre de ces films, on constateque ce sont les comédies qui occupent le devant de la scène durant toute la période, etque l’espagnolade, tant décriée par Juan Piqueras et les siens, constitue une part toujoursplus importante au sein de la cinématographie nationale (jamais moins de 25% de laproduction annuelle) 85 . Par conséquent, il semble qu’en dépit de ses déclarationsd’intention, Nuestro Cinema n’a jamais été qu’une revue destinée aux élites de gauche.Malgré tout, elle a aussi été la première revue totalement indépendante, comme ellel’affirmait dans une publicité parue dans son n°4 :La crítica que hace Nuestro Cinema es la más independiente de España. Mucho antes deque las casas productoras inunden la prensa española de noticias y comentarios, NuestroCinema ofrece un análisis de los films que más interés <strong>–</strong> negativo o afirmativo <strong>–</strong> presentan.[...] Nuestro Cinema no es una revista redactada por los gabinetes de publicidad de losproductores. Piensa por sí misma y actúa con absoluta independencia 86 .83 Antonio DEL AMO, « Ejemplo de cineclub proletario », Nuestro Cinema, n°13 (octobre 1933), p. 225.84 Cf. R. GUBERN, El cine sonoro..., p. 71.85 Id., p.97.86 Nuestro Cinema, n°4 (septembre 1932), p. 95.ISSN 1773-0023

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