OCIO Y OCIOS DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES)
ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC
Centre de Recherche sur l’Espagne Contemporaine173l’Autriche, la Finlande, l’Italie, la Suisse, la Suède, l’URSS l’avaient fait entre 1919 et1925.Ce temps libre n’est vraiment acquis pour la consommation de loisirs que lorsqu’il ya essor des revenus. Cette impression s’affirme durant les années 20, ce qui est palpabledans les premiers volumes de Celia. Au début des années 30, certains changements seconfirment, l’alphabétisation progresse et favorise l’expansion de l’édition, qui durant lapériode s’efforce d’ouvrir de nouveaux marchés plus populaires. Il s’agit donc d’unepériode complexe, où coexistent des réalités très diverses, et plus que la restitutionlittérale de la réalité, « Celia » restitue cette atmosphère par petites touches, où l’humouret la dérision sont essentiels.Les anecdotes, allusions ou épisodes plus longs présents dans les textes examinésrestituent certains aspects du pays, cette sensation d’entre-deux qui se dégage de la findes années 20 et du début des années 30. Le personnage central s’inscrit dans un milieubien particulier, au cœur, précisément, de cette ambiguïté. Les détails et les situationsprésentent une bourgeoisie aisée : appartements vastes et confortables, domesticiténombreuse — gouvernantes anglaises ou françaises pour Celia —, dépensesvestimentaires, voitures, voyages lointains. La sociabilité urbaine (Madrid, Paris) ou devillégiature (Santander, Côte d’Azur) suggère l’aisance financière. Le père semble dansles affaires, mais se retrouve ensuite simple avocat salarié dans une étude. Car la fortuneest fluctuante, les différents membres de la famille ne jouissent pas tous de la mêmeaisance financière. Certains semblent rentiers, comme l’oncle Rodrigo, revenu duMaroc avec un jeune domestique indigène, le grand-père paternel, un ancien général, estpropriétaire terrien dans un village près de Ségovie. L’aisance économique que l’onperçoit dans les premiers volumes semble correspondre à la réalité de la fin des années20, mais la fragilité de cette opulence est déjà dans Celia, lo que dice :Papá y mamá hablaban sentados en la terraza, y yo jugaba a hacer casitas a su lado.- Este año hemos gastado mucho – decía papa. El viaje a París y la estancia en Suiza hansubido un pico …- He tenido yo la culpa, contestaba mamá. La visita a los modistos me hizo perder un pocola cabeza… Luego, tú me animabas a comprar…- ¡Claro, mujer! Y estoy muy contento de que lo hicieras. ¡No faltaba más!… Ahora llega elinvierno y normalizaremos los gastos y el trabajo… ¡Hay que trabajar de firme!… 52Ces difficultés économiques sont explicites dans Celia madrecita, après lacatastrophe familiale de la mort de la mère, et s’exprime par la voix de commèresmalveillantes, lors du mariage d’un oncle :52 Celia, lo que dice, p. 182. Pleine de bonnes intentions, Celia décide de partir travailler comme servantedans une ferme des environs.ISSN 1773-0023
174DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES- El general tampoco tiene nada, y el chico acaba de conseguir un destino. En el inviernomurió una hija… que ha dejado cuatro… El marido se arruinó en malos negocios… Están conel agua en el cuello… 53L’aisance sociale des personnages est donc évidente dans les trois premiers volumesde « Celia », ainsi que dans la série Cuchifritín, frère de Celia ou de la cousineMatonkiki, mais le thème de l’argent est présent dès le début, dans les inquiétudes dupère, ou les références aux classes plus défavorisées. Avec Celia madrecita, l’argent etla satisfaction des besoins les plus essentiels deviennent la question centrale, commedans Celia en la Revolución, où la faim est omniprésente, ou dans Celia institutriz enAmérica, qui raconte l’exil en Amérique du Sud.Mais l’argent n’est pas le seul élément qui caractérise cette bourgeoisie. Un certainnombre d’éléments plus ou moins vagues rendent compte d’orientations idéologiques,de choix culturels qui définissent une bourgeoisie cultivée, plutôt humaniste et tournéevers le monde extérieur. Si ces détails sont comme semés dans les premiers volumes, ilsdeviennent explicites dans le volume Celia madrecita, où les conflits sociaux etpolitiques surgissent au détour d’une conversation ou d’une rencontre, et qui s’achèvesur une remarque inquiète sur le 18 juillet. Naturellement, Celia en la revolución poseun problème à part, par le décalage chronologique entre écriture et publication, mais ilest bon de rappeler qu’il est écrit très peu d’années après le traumatisme de la guerre etde l’exil.Parmi les éléments qui permettent de désigner une classe précise, le rôle des femmeset, surtout, leur nouveau rapport à la culture sont particulièrement évidents dans lestextes. La bourgeoisie favorable à la République est aussi celle des membres duLyceum 54 , d’une sociabilité nouvelle, extérieure au foyer et à l’Église. Ce Lyceum Clubde Madrid, dont Elena Fortún était une des premières membres, créé selon le modèleanglais, était dans son projet destiné à accueillir les femmes mariées qui s’ennuyaientchez elles, voulaient sortir et s’investir ailleurs que dans les bonnes œuvres. La structurefut moquée par les conservateurs, vilipendée par la presse ou les autorités religieusesqui, en réalité, se montraient fort perspicaces, puisque les noms de toutes les femmes lesplus actives politiquement et intellectuellement, les plus créatives aussi, se retrouventsur les listes du Lyceum : María Lejárraga, Margarita Nelken, María de Maeztu, ClaraCampoamor, Zenobia Camprubí, Victoria Kent, María Teresa León, et un certainnombre de femmes moins célèbres, mariées aux intellectuels et personnalités de53 Celia madrecita, p. 67.54 Celia, lo que dice, p. 64 : « tomar el té con mis amigas del Lyceum ».ISSN 1773-0023
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