OCIO Y OCIOS DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES)
ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC
Centre de Recherche sur l’Espagne Contemporaine171mode ou le sport. Les revues, en particulier féminines, la publicité, élaborent uneEspagne moderne, « européenne », modernité certes réelle, mais limitée aux grandscentres urbains et à certains groupes sociaux : villes électrifiées, développement timidedu téléphone, du réseau ferroviaire, du nombre de voitures. Madrid, au centre des récitsd’Elena Fortún, représente cette image de modernité : cinémas de Callao, grandesavenues, orchestres de musiciens noirs, cafés.Les loisirs de la plage et la pratique, très présente dans les textes, de la villégiature,restituent cette progressive européisation de la société, dont il faut toutefois situer lesdébuts bien avant la période en question. Avec un décalage évident par rapport àl’Angleterre ou la France, l’Espagne au XIXe siècle, du moins ses classes aisées,découvrent la villégiature balnéaire. Biarritz, lancé par l’Impératrice Eugénie, estdevenue une destination internationale, en particulier pour l’aristocratie espagnole.Santander et Saint-Sébastien deviennent ensuite des lieux de distinction pour unearistocratie rapidement imitée par la bourgeoisie. Au cours des années 20, lesinstitutions liées au Tourisme ont été créées. Les premiers éléments datent en réalité desdébuts du règne d’Alphonse XIII. En 1911, avait été créé le Commissariat Royal dont lebut était le développement du tourisme, un tourisme culturel et une ébauche de tourismenaturel ou vert, dans lequel l’influence de la Institución de Libre Enseñanza estimportante. Cette première planification s’accompagnait d’une première structurationdes moyens de transport, points critiques du pays. Au début des années 20, l’image vajouer un rôle décisif avec les affichistes, la presse, les différentes expositions. Lepatrimoine national est restauré et adapté, avec, par exemple, la naissance des premiers« paradores ». Mais la planification vraiment professionnelle commence en 1928, avecla création du « Patronato de Turismo », ce qui coïncide avec la période qui nousconcerne.Ces tentatives d’organisation se font dans une période où le tourisme commence àne plus concerner exclusivement la « classe de loisir », il existe ainsi un tourismebalnéaire populaire, par exemple en Catalogne, tourisme souvent de proximité, lié parexemple à ce qu’on a appelé les « trenes botijo », sur les côtes ou autour de Madrid.La valeur de distinction reste cependant très sensible dans les textes d’Elena Fortún,à travers les réflexions des enfants ou de certains personnages ; ainsi, la Côte d’Azurdemeure le lieu paradigmatique d’une classe cosmopolite, destiné à faire rêver dans lalittérature comme au cinéma. Mais on perçoit aussi, derrière ces pratiques mondaines unpeu convenues qui renvoient précisément à des lieux communs, la réalité de nouveauxcomportements privés, en ce qui concerne, par exemple, le corps ou l’hygiène. Le corpsest un des territoires essentiels de la modernité, il rejoint les domaines du loisir commede la santé, dont les liens vont devenir étroits.ISSN 1773-0023
172DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLESLe tennis a bien une place particulière dans l’esthétique et l’imaginaire social de lapériode, et participe aussi de la régénération du corps et, surtout, du changement ducorps féminin. Si les progressistes défendent le sport féminin, les plus conservateursétablissent un lien coupable entre sport et virilisation, l’inquiétude morale etidéologique se dissimulant ainsi derrière le discours médical.Le sport s’introduit en Espagne à travers l’influence des modèles étrangers ; lessports d’équipe, tout comme le tennis, apparaissent dans les médias et font l’objet d’unepratique variable et encore réduite selon les classes et les régions. Le tennis est le sport« distingué » et qui, en quelque sorte, « distingue ». L’esthétique et la mode ont un rôleessentiel dans la diffusion d’un sport qui représente un certain « glamour ». Il y a biensûr des figures étrangères comme Suzanne Lenglen, mais il faut aussi rappeler quel’Espagne a une figure mythique de ce sport : Lili Álvarez (1905-1998). C’est une vraiestar de la période, représentation presque caricaturale de ce cosmopolitisme d’avantguerre: née en Italie, élevée en Suisse puis sur la Côte d’Azur, elle fréquentel’aristocratie et ce qu’on appellerait aujourd’hui la « jet set ». Elle devient célèbre poursa pratique de divers sports : patinage sur glace, équitation et, surtout, pour sesmédailles dans les compétitions de tennis. Sa participation à trois finales de Wimbledon,en 1926, 1927 et 1928, puis sa victoire en double à Roland Garros, en 1929, en font unmodèle social 50 . Ses tenues blanches, sa coupe à la garçonne font rêver. Il faut soulignerque si la pratique reste exceptionnelle, limitée à une classe bourgeoise aisée, l’esthétiquede ce sport, comme d’autres, peut avoir eu une diffusion bien plus grande.Cette situation espagnole des loisirs et donc du tourisme suggère des différences nonpas qualitatives avec les autres sociétés, mais quantitatives, dans la mesure où les loisirsconcerneraient une part plus réduite de la société. Une des causes de cette présencemoindre du loisir dans la société espagnole est peut-être dans la part inférieure descongés par rapport au reste des pays européens 51 . Le dimanche chômé est accordé dansle monde industriel en 1904, les vacances estivales restent le fait d’une hautebourgeoisie, des fonctionnaires – 15 jours leur ont été accordés en 1918 –, des militaireset des professions libérales. Mais ces vacances sont devenues progressivement unerevendication dans toute l’Europe durant la période qui nous concerne ; la République aaccordé sept jours de congés payés le 21 novembre 1931, bien avant la France donc ;50 Lili Álvarez a un parcours intéressant où se mêlent le romanesque et la politique. Après l’avènement dela République, elle se lance dans le journalisme politique Elle épouse, en 1934, un aristocrate français,s’en sépare en 1939, rentre en Espagne en 1941, mais rompt avec les structures sportives du Régime aprèsavoir dénoncé le machisme des responsables. Elle amorce dans les années 60 un étrange chemin vers leféminisme et le catholicisme social.51 Jorge URÍA, , « El nacimiento del ocio contemporáneo. Algunas reflexiones sobre el caso español », inFiesta, juego y ocio en la Historia, Salamanca, Ediciones Universidad, 2004, p. 347-382.ISSN 1773-0023
- Page 122 and 123: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 124 and 125: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 126 and 127: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 128 and 129: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 130 and 131: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 132 and 133: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 134 and 135: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 136 and 137: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 138 and 139: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 140 and 141: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 142 and 143: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 144 and 145: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 146 and 147: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 148 and 149: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 150 and 151: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 152 and 153: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 154 and 155: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 156 and 157: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 158 and 159: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 160 and 161: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 162 and 163: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 164 and 165: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 166 and 167: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 168 and 169: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 170 and 171: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 174 and 175: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 176 and 177: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 178 and 179: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 180 and 181: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 182 and 183: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 184 and 185: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 186 and 187: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 188 and 189: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 190 and 191: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 192 and 193: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 194 and 195: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 196 and 197: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 198 and 199: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 200 and 201: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 202 and 203: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 204 and 205: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 206 and 207: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 208 and 209: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 210 and 211: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 212 and 213: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 214 and 215: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 216 and 217: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 218 and 219: Centre de Recherche sur l’Espagne
- Page 220 and 221: Centre de Recherche sur l’Espagne
Centre de Recherche sur l’Espagne Contemporaine171mode ou le sport. Les revues, en particulier féminines, la publicité, élaborent uneEspagne moderne, « européenne », modernité certes réelle, mais limitée aux grandscentres urbains et à certains groupes sociaux : villes électrifiées, développement timidedu téléphone, du réseau ferroviaire, du nombre de voitures. Madrid, au centre des récitsd’Elena Fortún, représente cette image de modernité : cinémas de Callao, grandesavenues, orchestres de musiciens noirs, cafés.Les loisirs de la plage et la pratique, très présente dans les textes, de la villégiature,restituent cette progressive européisation de la société, dont il faut toutefois situer lesdébuts bien avant la période en question. Avec un décalage évident par rapport àl’Angleterre ou la France, l’Espagne au XIXe siècle, du moins ses classes aisées,découvrent la villégiature balnéaire. Biarritz, lancé par l’Impératrice Eugénie, estdevenue une destination internationale, en particulier pour l’aristocratie espagnole.Santander et Saint-Sébastien deviennent ensuite des lieux de distinction pour unearistocratie rapidement imitée par la bourgeoisie. Au cours des années 20, lesinstitutions liées au Tourisme ont été créées. Les premiers éléments datent en réalité desdébuts du règne d’Alphonse XIII. En 1911, avait été créé le Commissariat Royal dont lebut était le développement du tourisme, un tourisme culturel et une ébauche de tourismenaturel ou vert, dans lequel l’influence de la Institución de Libre Enseñanza estimportante. Cette première planification s’accompagnait d’une première structurationdes moyens de transport, points critiques du pays. Au début des années 20, l’image vajouer un rôle décisif avec les affichistes, la presse, les différentes expositions. Lepatrimoine national est restauré et adapté, avec, par exemple, la naissance des premiers« paradores ». Mais la planification vraiment professionnelle commence en 1928, avecla création du « Patronato de Turismo », ce qui coïncide avec la période qui nousconcerne.Ces tentatives d’organisation se font dans une période où le tourisme commence àne plus concerner exclusivement la « classe de loisir », il existe ainsi un tourismebalnéaire populaire, par exemple en Catalogne, tourisme souvent de proximité, lié parexemple à ce qu’on a appelé les « trenes botijo », sur les côtes ou autour de Madrid.La valeur de distinction reste cependant très sensible dans les textes d’Elena Fortún,à travers les réflexions des enfants ou de certains personnages ; ainsi, la Côte d’Azurdemeure le lieu paradigmatique d’une classe cosmopolite, destiné à faire rêver dans lalittérature comme au cinéma. Mais on perçoit aussi, derrière ces pratiques mondaines unpeu convenues qui renvoient précisément à des lieux communs, la réalité de nouveauxcomportements privés, en ce qui concerne, par exemple, le corps ou l’hygiène. Le corpsest un des territoires essentiels de la modernité, il rejoint les domaines du loisir commede la santé, dont les liens vont devenir étroits.ISSN 1773-0023