OCIO Y OCIOS DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES)
ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC
Centre de Recherche sur l’Espagne Contemporaine133(malgré le manque criant d'infrastructures), le pluriempleo auquel est contrainte unepartie de la population laisse très peu de temps pour d’autres loisirs que la télévision,massivement « consommée » (73 % de la population la regarde quotidiennement) 17 . Lamême année, un Congrès consacré aux Loisirs réunit à Bruxelles 700 experts del'Unesco. La polémique y fait rage. Le (vieux) débat autour de la définition du loisirdivise encore les pays occidentaux :A pesar de que la cuestión del ocio no acaba de verse muy clara, recientemente se celebróun Congreso en Bruselas dedicado al tema. Durante tres días, 700 expertos de la Unescoreconociero « el derecho del hombre a buscar entretenimientos positivos y constructivos parasu personalidad y, en definitiva, a tener en horas fuera de su trabajo habitual satisfaccionesque le hagan sentirse feliz ». También se reconoció « el derecho a obtener educaciónpermanente, quien la desee ». Lo que sucede es que los congresistas no se ponían de acuerdoen lo que es ocio, ni en lo que es educación permanente, ni en lo que es entretenimientopositivo y constructivo. Los diversos tipos de sociedad se echaban en cara sus mutuosdefectos. Los representantes de los países comunistas achacaban a los capitalistas lasdestructivas formas de ocio en Occidente. Los capitalistas argüían que es en las sociedades delEste donde no existen las libertades mínimas para que el ser humano elija susentretenimientos 18 .À défaut de déboucher sur un accord, le Congrès adopte une sorte de charte, sousforme de lettre adressée à l'Unesco, puis ratifiée par les Nations Unies, stipulant « lesdroits et les devoirs de l'être humain face au loisir » 19 . La construction de la démocratieespagnole garantit désormais, avec l’adoption en 1978 de la Constitution, les libertésfondamentales.La jeunesse, à laquelle est plus particulièrement consacrée ce travail, peut doncthéoriquement « jouir sans entraves » comme le scandaient les graffitis parisiens en mai68… Car les loisirs sont autant d'espaces de plaisir. Il ne s’agit pas ici d’établir unetypologie des loisirs des jeunes pendant la transition, tout au plus de proposer un brefaperçu des pratiques dont la presse rend ponctuellement compte à l’époque. Nombred’articles publiés entre 1976 et 1981, par El País, examinent les types de loisirsal 22 por 100 de los entrevistados les queda menos de dos horas libres al día. Aunque un 23 por 100dispone de más de cinco horas, la media de la población general española se sitúa en un poco más de treshoras libres al día.[…] Los españoles hacen mucho más deporte que hace diez años. Mientras en 1963 había 700 000 sociosen clubs y sociedades deportivas, en 1973, la cifra se multiplicó por diez : 2 000 000 fue la cifra de sociosdeportivos en ese año. Los deportes preferidos son, por este orden, caza, pesca fluvial, fútbol,balonmano, baloncesto. La afición al tenis aumentó bastante ».Alfonso GARCÍA PÉREZ, « El ocio de los españoles cuando el pluriempleo lo permite », El País, 18-VII-1976.17 Si l'on en croit l'étude consacrée — à partir d'une enquête effectuée auprès de 17000 enfants âgés de 6à 13 ans — aux « habitudes culturelles de la population infantile » (publiée par le Ministère de la Culture,en 1979, à l'occasion de l'Année de l'Enfant), ces derniers ne sont pas en reste : la télévision monopolise,en effet, une large part de leurs loisirs. Cf., Rosa RIVAS, « Los juegos y la televisión monopolizan elocio de los niños españoles », El País, 02-IX-1980.18 Ibid.19 Ibid.ISSN 1773-0023
134DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLESpratiqués par les jeunes. On observe, à la lecture de ces reportages ou compte rendusd’enquêtes ministérielles, que l’aspect festif, les espaces de convivialité que les jeuness’approprient, l’emportent sur le loisir conçu comme activité culturelle. Un certainhédonisme et sa variante plus radicale le pasotismo 20semblent caractériser lescomportements d’une grande partie de la jeunesse post-franquiste au détriment depratiques plus « utiles », « édifiantes », etc. La jeunesse semble se détourner de laréalité sociale et politique. Bernard Bessière rappelle ainsi, dans son étude consacrée àla culture espagnole de l’après-franquisme 21 , les propos d’Enrique Tierno Galván, mairesocialiste de Madrid de 1979 à 1986, déplorant la désaffection générale de sesconcitoyens vis-à-vis des idéaux politiques :Il y a aujourd'hui un phénomène qui affecte la plupart des Espagnols y compris lessocialistes et qui est la disparition des idéaux, le scepticisme voire une certaineirresponsabilité. Ils préfèrent s'abandonner à un loisir de pur bien-être […]. Jamais lesEspagnols n’ont été si dépourvus d’enthousiasme idéologique. Nous sommes devenus unpeuple d’indifférents. Le peuple ne veut plus entendre parler de contenus idéologiques dansles programmes municipaux : il veut avant tout des administrateurs efficaces qui puissent leurgarantir le bien-être. La question du « pour quoi vivre » ne les intéresse pas, mais seulement le« comment bien vivre ». Ce sont les bons administrateurs qui gagnent les élections, et non pasles bons idéologues. Nous sommes dans un tunnel dont je veux croire que nous pourronssortir bientôt. Mais aujourd’hui les idées sont en crise 22 .La crise de valeurs est réelle. Les notions d’effort, de travail, cèdent le pas à unemorale de l’hédonisme. La jeunesse espagnole adopte rapidement des habitudes deloisir semblables à celles des pays occidentaux. Les institutions franquistes destinées àencadrer le temps libre des jeunes ont désormais disparu au profit d’une pluralité del’offre, dans une société libérée du carcan de la dictature.Du Frente de Juventudes à la Organización Juvenil Española : de la chemise bleue à la chemisebeige, la quête d'une légitimité ?20 Le phénomène du jeune pasota, caractérisé par une indifférence affichée à l'égard de la réalité sociopolitiqueet de la culture, est analysé par le sociologue Amando de Miguel en ces termes : « Le pasota estla contraction barbare de pasivo et idiota, celui qui se fout de tout [pasa de todo] et qui reste seul avec sapropre intimité, sans participer à la vie publique. Pour être très franc, le pasota représente le plus basniveau de sentiment d’autoculpabilité et le degré le plus élevé d’apolitisme et d’anticompétitivité ludique.Pasar de todo signifie la mort de Jésus-Christ, de Marx, d'Einstein et de Freud, autrement dit l’abandonde la religion, de la politique, de la science et de la conscience », in Amando de MIGUEL, Los Narcisos,Barcelone, Kairós, 1979, p. 83-84, cité par Bernard BESSIÈRE, La culture espagnole, les mutations del'après-franquisme (1975-1992), Paris, L'Harmattan, 1992, p. 235.21 Bernard BESSIÈRE, La culture espagnole…22 Interview accordée à Pilar URBANO, Época, 2-IX-1985, cité par Bernard BESSIÈRES, La cultureespagnole…, p.221.ISSN 1773-0023
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