OCIO Y OCIOS DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES)
ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC
Centre de Recherche sur l’Espagne Contemporaine111Dans l’offre des divertissements et des plaisirs citadins, les cafés de la premièremoitié du XIXe siècle apparaissent déjà comme l’une des premières formes organiséesde sociabilité urbaine contemporaine. Au cours de la deuxième moitié, certains de cescafés vont devenir cantantes, conciertos ou líricos 1 , en agrémentant le plaisir de seréunir et de consommer avec un spectacle musical chaque fois plus sophistiqué ; ilscontribueront de la sorte à l’organisation industrielle et commerciale du divertissement.À Séville et à Madrid 2 , les cafés cantantes qui se spécialisent de plus en plus dans ladiffusion du genre flamenco, exemple de culture populaire urbaine, connaissent unsuccès croissant jusqu’à l’aube du XXe siècle, en instaurant la mode du flamenquismodans toutes les couches de la société espagnole 3 .Pour comprendre le succès de ces cafés cantantes, lieux publics de loisirs, ilconvient d’analyser la stratégie commerciale de leurs directeurs ou propriétaires quimisent sur un divertissement culturellement et économiquement accessible à un publiclarge et socialement très varié. Devenant ainsi un lieu propice à la mixité sociale, onpeut se demander comment s’organisent les identités de classe, d’âge et de sexe selon latemporalité sociale du loisir. Finalement, l’étude du discours répressif à l’égard de cescafés cantantes, émanant de la bourgeoisie libérale et présent dans la presse et lalittérature de l’époque, montre que l’influence de cette forme de loisir, liée audivertissement festif, est perçue comme une menace contre l’ordre social bourgeois et àsa moralité.José Blas Vega, dans son ouvrage Los cafés cantantes de Sevilla, présente le Caféde los Lombardos, inauguré à Séville, en 1847, comme le premier café cantante de laville 4 . Or, dans la presse locale de cette date, cet établissement, qui est en réalité uneannexe du Teatro de San Fernando, n’apparaît pas encore sous la dénomination de cafécantante. La clientèle de ce café, qui doit son appellation à la rue Verdi où il se trouve,1 Cf. Emilio CASARES RODICIO, « El Café Concierto en España », in Tiempo y espacio en el Arte,Homenaje al Profesor Antonio Bonet Correa, Madrid, Editorial Complutense, 1994, p. 1285-1293.2 Barcelone n’est pas incluse dans cette étude car, si les spectacles flamencos ont été diffusés parquelques cafés cantantes (moins d’une dizaine au total), leur développement dans la capitale catalane aété beaucoup plus tardif qu’à Madrid ou à Séville (vers 1890) en raison de la persistance du modèlebourgeois du café concierto. Par ailleurs, la mode du flamenquismo a été délibérément contrecarrée parl’influence des secteurs catalanistes, alliés à la bourgeoisie industrielle qui considérait ces lieux dedivertissement populaire comme nuisible pour le travail : « No debe extrañar que se redoblaran losataques contra la moda flamenca. Pongamos sólo un ejemplo, en 1899, la revista La Renaixensa decía“els hermosos cants de la terra han d´esser l´arma principal per a combatre´l flamenquisme” », Javier M.LÓPEZ, « Flamenco en Cataluña ¿Una cultura nacional? », in Alboreá, revista electrónica del CentroAndaluz de Flamenco, n°5, 2000-2005, http://caf.cica.es/mundo_flamenco/revista/n005/salida05.html.3 À propos de la mode du flamenquismo et de son influence cf. Mercedes GÓMEZ-GARCÍA PLATA,« El género flamenco : estampa finisecular de la España de pandereta », in S. SALAÜN, E. RICCI, M.SALGUES (eds.), La escena española en la encrucijada (1890-1910), Actes du colloque de la Casa deVelázquez de février 2002, Madrid, Ediciones Fundamentos, 2005, p. 101-125.4 José BLAS VEGA, Los cafés cantantes de Sevilla, Madrid, Cinterco, colección Telethusa, 1984, p. 27.ISSN 1773-0023
112DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLESà l’affiche le jour de son inauguration, n’est autre que le public du théâtre qui s’y réunitavant la représentation ou pendant l’entracte, mais il n’est pas question d’introductiond’une ambiance musicale (récital de piano) avant 1851 5 .Deux années plus tard, en juillet 1853, deux articles 6 publiés dans la presse sévillaneannoncent la réouverture du café du Teatro Principal, suite à un changement dedirection, qui sera désormais assumée par « el Señor Felipe, director del Café cantantede Barcelona ». C’est probablement ce nouveau directeur, venu de la capitale catalane,qui introduit la dénomination de café cantante, surprenante pour les journalistessévillans 7 . En effet, celle-ci est une traduction littérale du français « café chantant »,terme utilisé dans la capitale française pour désigner ce type d’établissement où leplaisir de se réunir et de consommer s’accompagne d’un récital de chant ou de piano.Les nouvelles direction et dénomination ne sont pas les seuls changements à affecter lecafé du Teatro Principal, puisque le Señor Felipe, qui se place délibérément sous lesigne de la modernité française, introduit des récitals de chants, assurés par des artistesfrançaises ou italiennes, qui auront lieu avant ou pendant les entractes desreprésentations théâtrales. La réclame de l’établissement spécifie également que l’accèsau café est gratuit, les clients-spectateurs n’ayant à payer que les consommations quisont au même prix que dans les autres établissements de type équivalent de la ville ;cette précision d’ordre financier à l’égard des futurs clients montre bien qu’il s’agit làd’une nouveauté dans l’offre des divertissements sévillans.Entre 1853 et 1866, plusieurs propriétaires ou gérants vont suivre l’exemple duSeñor Felipe et transformer leur café en café cantante. Ces transformations, annoncéesà grand renfort de publicité dans la presse locale, se traduisent par des travauxd’agrandissement des établissements pour en augmenter la capacité d’accueil etpermettre l’aménagement d’une scène — pour l’un d’entre eux, on la fait venirexpressément de Paris 8 . Quant aux journalistes qui en font la chronique, ils se félicitent5 « Progreso de los cafés.- Recordarán nuestros lectores que fuimos los primeros que iniciamos el deberen que se hallaban esos establicimientos de recreo, de transformarse, no sólo presentándolos bajo unestado elegante, sino adoptando la introducción del piano, como está propagado en la corte y en los másinsignificantes pueblos de Cataluña. Los de Iberia, Lombardos y Recreo han introducido notablesmejoras, que nos prueban el adelanto de estos establecimientos, principalmente los dos primeros que hanadmitido el piano », El Porvenir, 6-XII-1851, in José Luís ORTÍZ NUEVO, ¿Se sabe algo ? Viaje alconocimiento del Arte Flamenco en la prensa sevillana del XIX, Sevilla, Ediciones el Carro de la Nieve,1990, p. 99.6 « Café del Teatro Principal », El Porvenir, 21-VII-1853 ; « El café cantante », El Porvenir, 23-VII-1853, id., p. 78.7 « De manera que, las cantantes son las artistas y no el café. Ya decíamos nosotros que un cafécantante… era lo mismo que un INTERESANTE A LOS COMERCIANTES », El Porvenir, 23-VII-1853, id., p. 78.8 « Nos aseguran que habiendo tomado otra persona el café de Iberia, el nuevo arrendatario se dispone aintroducir en él grandes reformas y que proyecta convertirlo en café cantante, para cuyo fin se haISSN 1773-0023
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112<strong>DU</strong> <strong>LOISIR</strong> <strong>AUX</strong> <strong>LOISIR</strong>S (<strong>ESPAGNE</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>–</strong> <strong>XXe</strong> <strong>SIÈCLES</strong>à l’affiche le jour de son inauguration, n’est autre que le public du théâtre qui s’y réunitavant la représentation ou pendant l’entracte, mais il n’est pas question d’introductiond’une ambiance musicale (récital de piano) avant 1851 5 .Deux années plus tard, en juillet 1853, deux articles 6 publiés dans la presse sévillaneannoncent la réouverture du café du Teatro Principal, suite à un changement dedirection, qui sera désormais assumée par « el Señor Felipe, director del Café cantantede Barcelona ». C’est probablement ce nouveau directeur, venu de la capitale catalane,qui introduit la dénomination de café cantante, surprenante pour les journalistessévillans 7 . En effet, celle-ci est une traduction littérale du français « café chantant »,terme utilisé dans la capitale française pour désigner ce type d’établissement où leplaisir de se réunir et de consommer s’accompagne d’un récital de chant ou de piano.Les nouvelles direction et dénomination ne sont pas les seuls changements à affecter lecafé du Teatro Principal, puisque le Señor Felipe, qui se place délibérément sous lesigne de la modernité française, introduit des récitals de chants, assurés par des artistesfrançaises ou italiennes, qui auront lieu avant ou pendant les entractes desreprésentations théâtrales. La réclame de l’établissement spécifie également que l’accèsau café est gratuit, les clients-spectateurs n’ayant à payer que les consommations quisont au même prix que dans les autres établissements de type équivalent de la ville ;cette précision d’ordre financier à l’égard des futurs clients montre bien qu’il s’agit làd’une nouveauté dans l’offre des divertissements sévillans.Entre 1853 et 1866, plusieurs propriétaires ou gérants vont suivre l’exemple duSeñor Felipe et transformer leur café en café cantante. Ces transformations, annoncéesà grand renfort de publicité dans la presse locale, se traduisent par des travauxd’agrandissement des établissements pour en augmenter la capacité d’accueil etpermettre l’aménagement d’une scène — pour l’un d’entre eux, on la fait venirexpressément de Paris 8 . Quant aux journalistes qui en font la chronique, ils se félicitent5 « Progreso de los cafés.- Recordarán nuestros lectores que fuimos los primeros que iniciamos el deberen que se hallaban esos establicimientos de recreo, de transformarse, no sólo presentándolos bajo unestado elegante, sino adoptando la introducción del piano, como está propagado en la corte y en los másinsignificantes pueblos de Cataluña. Los de Iberia, Lombardos y Recreo han introducido notablesmejoras, que nos prueban el adelanto de estos establecimientos, principalmente los dos primeros que hanadmitido el piano », El Porvenir, 6-XII-1851, in José Luís ORTÍZ NUEVO, ¿Se sabe algo ? Viaje alconocimiento del Arte Flamenco en la prensa sevillana del XIX, Sevilla, Ediciones el Carro de la Nieve,1990, p. 99.6 « Café del Teatro Principal », El Porvenir, 21-VII-1853 ; « El café cantante », El Porvenir, 23-VII-1853, id., p. 78.7 « De manera que, las cantantes son las artistas y no el café. Ya decíamos nosotros que un cafécantante… era lo mismo que un INTERESANTE A LOS COMERCIANTES », El Porvenir, 23-VII-1853, id., p. 78.8 « Nos aseguran que habiendo tomado otra persona el café de Iberia, el nuevo arrendatario se dispone aintroducir en él grandes reformas y que proyecta convertirlo en café cantante, para cuyo fin se haISSN 1773-0023