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LE PLAISIR DES LARMES UN PLAISIR VERTUEUX

LE PLAISIR DES LARMES, UN PLAISIR VERTUEUX - CREC

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<strong>LE</strong> <strong>PLAISIR</strong> <strong>DES</strong> <strong>LARMES</strong>, <strong>UN</strong> <strong>PLAISIR</strong> <strong>VERTUEUX</strong> 39tout le corps qui accroît sa surface perceptive et reçoit un surcroît d'existence, tandis que ladouleur concentre l'âme sensitive dans le noyau du corps « dont elle laisse languir lesfonctions » 6 . Etrange paradoxe que de faire l'apologie des larmes quand on sait les effetsnégatifs qu'elles auront sur la santé !Ce que Louis Sébastien Mercier craint, c'est l'absence de larmes propre à la mélancolie :Qui connaît les souffrances de l'être infortuné dont les nerfs sont trop tendus ou trop relâchés ontperdu leur équilibre ? [...] la sombre mélancolie flétrit son cœur, plus de larmes, plus de rires, plusd'attendrissement : les heures de la vie sont pour lui lentes et cruelles ; il ne peut à la lettre ni vivre, nimourir 7 .Mercier avait déjà entrevu le remède au stress et à la dépression.Derrière toutes ces marques d'intérêt pour la sensibilité et les larmes transparaît donc unevolonté des hommes de lettres de délimiter un bon usage des larmes. Pleurer doit êtresynonyme de plaisir ou de thérapie, ou les deux à la fois.Cette théorisation des larmes révèle aussi un intérêt nouveau pour l'intime dont uneconception nouvelle est, selon Anne-Vincent Buffault, donnée par Rousseau : l'expériencesubjective d'une dissolution individuelle des larmes douces s'explique par le fait que lesentiment d'exister s'accompagne de l'impression de ne pas s'appartenir. On pleure sansraison, on est transporté hors de soi, mais on l'écrit, on le décrit avec lyrisme, comme si cemoment privilégié portait une signification essentielle pour la subjectivité.Cette absence de contrôle sur cette émotion sera exploitée à des fins didactiques puisquel'on considère que le sujet peut recevoir un enseignement moral sans que la raison intervienne.Cette facilité à recevoir cet enseignement s'explique d'autant mieux qu'elle est issue du plaisirprocuré, comme l'exprime Dorat, dans sa préface des Malheurs de l'inconstance : « On neregrette pas la leçon qui s'insinue dans les larmes. Elle se fait jour et pénètre à l'insu même del'esprit que l'âme trompe alors, pour n'être point contredite dans ses plaisirs » 8 .5 MISTE<strong>LE</strong>T, De la sensibilité par rapport aux drames, aux romans et à l'éducation, Amsterdam-Paris, MérigotJeune, 1777, pp. 26-27.6 Anne-Vincent BUFFAULT, L'histoire..., p. 52.7 Mon bonnet de nuit, Neufchâtel, Imp. de la société typographique, 1784, t.II, p. 131.8 C.J. DORAT, Les malheurs de l'inconstance, Paris, Ed. Desjonquières, 1772, p. 11.

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