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LE PLAISIR DES LARMES UN PLAISIR VERTUEUX

LE PLAISIR DES LARMES, UN PLAISIR VERTUEUX - CREC

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38Patricia MAUCLAIR PONCELINauteur d'un ouvrage consacré à l'histoire des larmes 3 , cite Marmontel qui, lors des soupers deMadame Geoffrin, lisait ses contes à haute voix : « Ce qui me ravissait moi-même, c'était devoir de près les plus beaux yeux du monde donner des larmes aux petites scènes où je faisaisgémir la nature et l'amour » 4 . Richardson et Rousseau sont les deux auteurs de référence de lalittérature sensitive et participative. Les effets que leurs romans provoquent sont amplementcommentés et dépassent les effusions admises jusque là. Même les personnages masculinspleurent. Le XVIIIe siècle a effacé la honte de se laisser aller à pleurer. Les scènes d'effusionsinondent les correspondances, les comptes rendus de spectacles. Les larmes se partagent, semêlent avec délice.Rousseau pense que les pleurs signalent la transmigration de son âme dans celle du lecteur.« Fluide d'expansion cordiale », selon l'expression de Barthes, les larmes permettent cetteconfusion, ce mélange des âmes qui les poussent à faire le bien en les incitant à la vertu.Même dans la solitude, ces larmes font sortir une humeur noble du corps et accompagnent unesensation délicieuse en jouant le rôle de signe de l'âme.La sensibilité intègre même le domaine des Sciences. Dans sa théorie de la nature humaine,Mistelet dit que les larmes sont au sommet de la hiérarchie des signes du plaisir qu'exprime lecorps :Tous les hommes cherchent le plaisir et les méchants comme les autres, et tous expriment celui qu'ilsressentent par des signes et des sons. Les plaisirs qui ne touchent que superficiellement nos organes, sefont connaître par les ris ; mais ceux dont nous sommes réellement affectés, qui remplissent nos âmes, lesgrands plaisirs enfin restent concentrés dans notre cœur ou ne s'expriment que par des larmes 5 .Il s'agit donc de disqualifier les rieurs, ainsi que ceux qui font rire pour vanter la sensibilitéde l'artiste qui s'intéresse au genre larmoyant. Dans l'article de l'Encyclopédie consacré à lasensibilité, Fouquet s'intéresse également à ce phénomène biologique lié à la production delarmes : il explique que la sensation de plaisir provoque une dilatation de l'âme sensitive dans3 Anne-Vincent BUFFAULT, L'histoire des larmes, Paris, s.i., 1985, 2 vols.4 Jean-François MARMONTEL, Mémoires, Paris, Tourneux, 1891, T.II, p. 180.

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