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Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

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nombre <strong>de</strong>s conseillers qui nous avaient accordé un <strong>entre</strong>tien trouvaient inutile <strong>de</strong> remplir lequestionnaire, soit parce qu’ils estimaient nous avoir « tout dit », soit parce qu’ils rechignaientà réduire « leur vie à <strong>de</strong>s croix dans <strong>de</strong>s cases » 187 . Tous se sentaient obligés <strong>de</strong> nous prévenir<strong>de</strong>s difficultés que nous aurions à obtenir <strong>de</strong>s réponses. Et qu’ils dénoncent les tempéraments<strong>de</strong> l’autre collège ou qu’ils tentent d’excuser les ré<strong>action</strong>s <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> leur collège,salariés <strong>et</strong> employeurs nous répétaient régulièrement que « les employeurs étaient <strong>de</strong>sindividualistes » <strong>et</strong> que les « salariés étaient peu disciplinés ». Nous nous attendions à <strong>de</strong>telles réticences, surtout <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s employeurs qui sont réputés réfractaires aux formesd’objectivation sociologique 188 . Pourtant, le taux <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our est paritaire comme si la différence<strong>entre</strong> les <strong>de</strong>ux collèges s’effaçait autour d’un même intérêt à répondre sur le fonctionnement<strong>de</strong> l’institution, nous perm<strong>et</strong>tant ainsi <strong>de</strong> prolonger notre hypothèse sur l’existence d’unecertaine unité <strong>et</strong> une véritable solidarité <strong>de</strong> l’institution par <strong>de</strong>là les clivages habituels, <strong>et</strong> enparticulier les clivages <strong>de</strong> collège. (cf. chapitre 3)La distribution <strong>de</strong>s taux <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our selon les départements laisse à penser que ce n’est pas tantle contact personnel que nous avions pu lier avec les chefs <strong>de</strong> juridiction qui a favorisé <strong>de</strong>sréponses nombreuses, que la taille du CPH. En eff<strong>et</strong>, dans les gros <strong>conseils</strong>, comme Paris (808conseillers), Lyon (244 conseillers, que nous pouvons assimilér au département du Rhônecompte tenu du faible poids du CPH <strong>de</strong> Givors <strong>et</strong> <strong>de</strong> Villefranche sur Saône, respectivement32 <strong>et</strong> 38 conseillers) ou encore Nanterre (198 conseillers), le taux <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our est assezmédiocre. Nous aurions dû non seulement nous adresser au prési<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> vice-prési<strong>de</strong>ntgénéraux mais aussi aux prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> sections. En revanche, dans les départementscomprenant <strong>de</strong>s <strong>conseils</strong> plus restreints, le taux <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our est plus élevé comme si le faiblenombre <strong>de</strong> conseillers favorisait les liens avec le greffier. Dans un gros conseil comme celui<strong>de</strong> Lyon qui compte 35 fonctionnaires <strong>de</strong>s greffes, il est plus difficile <strong>de</strong> passer par leurconcours pour mobiliser les conseillers <strong>et</strong> les inciter à répondre au questionnaire que dans unp<strong>et</strong>it CPH <strong>de</strong> 32 conseillers, où le greffier, parfois aidé d’un adjoint, connaît individuellementtous les conseillers <strong>et</strong> peut prendre le temps d’évoquer avec lui le questionnaire. Aussi, cen’est pas tant les contacts noués personnellement avec les prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong>s Conseils où nousenquêtions qui ont influencé le taux <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our que la taille du conseil, son volume d’activité <strong>et</strong>son mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement. Mais là encore, <strong>de</strong>s disparités sont fortes <strong>entre</strong> les différentsCPH. Dans certains, les conseillers disposent <strong>de</strong> casiers personnels <strong>et</strong> peuvent prendre (ounon) le questionnaire lors <strong>de</strong> leur passage en bureau <strong>de</strong> jugement. Dans d’autres, les chefs <strong>de</strong>juridiction ont attendu que se tienne une assemblée générale pour distribuer les questionnaires(mais comme c<strong>et</strong>te date était lointaine, le questionnaire n’a pas été distribué). Enfin, dans <strong>de</strong>très p<strong>et</strong>its <strong>conseils</strong> où l’activité est réduite, les dates d’audience sont tellement éloignés queles conseillers ne viennent que très peu ou pas <strong>et</strong> ils ne pouvaient donc pas prendreconnaissance du questionnaire. Ce fut le cas <strong>de</strong> Péronne dans la Somme. Au total, cependant,un certain nombre <strong>de</strong> prési<strong>de</strong>nts <strong>et</strong> vice-prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong> ont été trèssensibles à notre questionnaire, parce qu’ils y voyaient une <strong>de</strong>s rares preuves d’intérêt envers187 C<strong>et</strong>te attitu<strong>de</strong> n’est rien entendu pas propre aux conseillers <strong>prud’hommes</strong> <strong>et</strong> elle renvoie les individus à leur« hantise » du classement social. Plusieurs conseillers, <strong>et</strong> en particulier <strong>de</strong>s cadres, ont ainsi refusé <strong>de</strong>répondre à la <strong>de</strong>rnière partie du questionnaire sur leurs propriétés <strong>et</strong> leurs trajectoires sociales <strong>et</strong> politiques,certains allant jusqu’à rayer rageusement l’ensemble <strong>de</strong> ces questions, d’autres appelant le CURAPP pour seplaindre du caractère personnel <strong>de</strong>s questions. Ainsi, l’un <strong>de</strong> nous, venant observer une audience <strong>de</strong> bureau<strong>de</strong> jugement, se vit ainsi interpellé par un conseiller lors d’une pause : « venez à la barre <strong>et</strong> expliquez-moipourquoi vous avez <strong>de</strong>mandé dans le questionnaire l'opinion politique <strong>de</strong> mes arrière grands-parents ! » Au<strong>de</strong>là<strong>de</strong> ces quelques exemples, la plupart <strong>de</strong>s conseillers ont cependant accepté <strong>de</strong> répondre à l’ensemble <strong>de</strong>ces questions.188 Cf. Michel Pinçon <strong>et</strong> Monique Pinçon-Charlot, Voyage en gran<strong>de</strong> bourgeoisie : journal d'enquête. Paris :PUF, 2002 (2ème édition).78

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