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Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

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<strong>de</strong>s salariés, les prési<strong>de</strong>nts ont mis en place, dans plusieurs lieux, une commission chargée <strong>de</strong>discuter d'une convention avec le barreau local, qui perm<strong>et</strong>trait <strong>de</strong> réduire le nombre <strong>de</strong>renvois. Quoi qu'il en soit, le fait que le nombre important <strong>de</strong> renvois affaiblisse lesprud'hommes est un signe <strong>de</strong> sa fragilité : il empêche le conseil <strong>de</strong> jouer son rôle <strong>et</strong> m<strong>et</strong> auxprises les conseillers avec <strong>de</strong>s logiques autres, <strong>et</strong> en l'occurrence sur un sens pratique <strong>de</strong> laprofession d'avocat, fondé sur un jeu avec les formes <strong>et</strong> la procédure, ainsi que sur un rapportau temps très différent.Plus largement, il faut noter une autre forme <strong>de</strong> ressentiment <strong>de</strong>s conseillers envers lesavocats, assez général <strong>et</strong> largement partagé, qui est lié à l'activité même <strong>de</strong>s avocats : celle <strong>de</strong>faire <strong>de</strong>s plaidoiries, <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s récits, <strong>et</strong> finalement <strong>de</strong> défendre leurs clients. Ainsi, unconseiller CGT <strong>de</strong> la section <strong>de</strong>s Activités diverses d'un conseil d'une ville moyenne ditlorsque l'on l'interroge sur les plaidoiries <strong>de</strong>s avocats :« on prend <strong>de</strong>s notes, on écoute, après vous avez le jeu <strong>de</strong>s conclusions que vous parcourez, vousécoutez d'une oreille parce qu'il faut suivre le p<strong>et</strong>it bout qui va être intéressant, <strong>et</strong> généralement,si vous avez les conclusions <strong>de</strong> l'employeur, vous les lisez en même temps. Donc il y a unmoment... ben c'est <strong>de</strong>s baveux, ils racontent... « cause toujours, tu m'intéresses ».La longueur <strong>de</strong>s plaidoiries, le jeu avec la vérité <strong>et</strong> la difficulté à démêler les faits, constituentautant <strong>de</strong> critiques <strong>de</strong>s conseillers envers les avocats, qui donnent lieu à nombre <strong>de</strong> miniinci<strong>de</strong>nts,sortes d’affrontements symboliques complexes : alors que les avocats préten<strong>de</strong>nt aumonopole <strong>de</strong> la détention <strong>et</strong> <strong>de</strong> la manipulation <strong>de</strong>s catégories juridiques, <strong>et</strong> plusparticulièrement face aux conseillers prud'hommes considérés comme <strong>de</strong>s profanes, lesconseillers jouent sur leur légitimité proprement judiciaire qui leur donne, dans les faits sinonsymboliquement, une autorité importante sur les avocats : ils ont le pouvoir suprême <strong>de</strong> fairecondamner leurs clients. D'où le fait que <strong>de</strong> nombreux prési<strong>de</strong>nts d'audience soient parfoisdirectifs, voire vindicatifs, envers les avocats. Bien entendu, comme on le verra, c<strong>et</strong>te attitu<strong>de</strong>dépend d'abord <strong>de</strong> leur rapport au droit <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur capacité à déplacer à leur profit lesfrontières <strong>de</strong> leur légitimité à dire le droit, <strong>et</strong> ceux qui se préten<strong>de</strong>nt les plus juristes sont ceuxqui sont les plus durs avec les « enrobés », comme disent certains. De fait; pour les conseillersprud'hommes, critiquer les avocats est presque une figure <strong>de</strong> style, qui perm<strong>et</strong> à l'inverse <strong>de</strong> seconférer une légitimité, en quelque sorte d'être plus juristes que les juristes. <strong>Les</strong> <strong>entre</strong>tienscomme les observations donnent à voir c<strong>et</strong>te manière <strong>de</strong> se « grandir » symboliquement encritiquant les avocats. Ainsi ce conseiller prud'homme, employeur <strong>et</strong> militant <strong>de</strong> la CGPME,dans le conseil d'une gran<strong>de</strong> ville, qui compare les <strong>défense</strong>urs syndicaux – qui appartiennentau même mon<strong>de</strong> juridico-syndical que le sien – aux avocats : « Parce qu'ils [les <strong>défense</strong>urssyndicaux] sont <strong>de</strong>s vrais spécialistes du droit du travail, alors que certains avocats quiviennent sont <strong>de</strong>s rigolos, , <strong>de</strong>s jeunes qui ont besoin d'apprendre. Ou <strong>de</strong>s gens qui ont étécommis d'office <strong>et</strong> qui n'ont rien à voir avec le droit social. Le droit social est un vrai droit, ledroit social est une chose vraiment importante, <strong>et</strong> qui méritent que les gens y travaillentbeaucoup. Tout le mon<strong>de</strong> ne peur pas être formé au social, même chez les avocats. » 160Audience <strong>de</strong> bureau <strong>de</strong> jugement dans un conseil <strong>de</strong> prud'hommes d'une gran<strong>de</strong> ville,section encadrement 161160Au passage, il est intéressant <strong>de</strong> remarquer que les représentations que les conseillers ont <strong>de</strong>s avocats sont trèsproches <strong>de</strong>s représentations communes <strong>et</strong> ce, malgré le fait qu'ils côtoient très souvent. Mais comme nous l'avonsvu, ces critiques correspon<strong>de</strong>nt d'abord à <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> revalorisation <strong>de</strong> soi.161Observation du 23 novembre 200561

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