pratiques. Mais pour les conseillers qui n’ont pas <strong>de</strong> passif militant, il n’est pas évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> sefaire porte-parole d’un secteur d’activité, d’un type d’<strong>entre</strong>prise ou d’une catégoried’employeurs ou <strong>de</strong> salariés dont ils ne sont pas forcément familiers. Ils ont donc à effectuerun véritable travail d’i<strong>de</strong>ntification à un collectif (dont ils ne se sentent a priori passpécialement membre) <strong>et</strong> <strong>de</strong> représentation <strong>de</strong> celui-ci. Pour ce faire, les ressources dont ilsdisposent dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leur intégration à l’institution prud’homale <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur socialisation<strong>syndicale</strong>. Si la première invite les conseillers à s’i<strong>de</strong>ntifier à un collège, la secon<strong>de</strong> leur offreune grille <strong>de</strong> lecture <strong>et</strong> d’analyse <strong>de</strong> ces situations à laquelle ils peuvent se référer pour juger.Ainsi, les conceptions <strong>syndicale</strong>s les ai<strong>de</strong>nt non seulement à remplir leur rôle <strong>de</strong> représentant<strong>de</strong>s salariés ou <strong>de</strong>s employeurs mais aussi à se faire juge dans c<strong>et</strong>te perspective.a) La casqu<strong>et</strong>te, pas l’étiqu<strong>et</strong>te<strong>Les</strong> conseillers peuvent donc compter sur l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong>professionnelles pour prendre leur rôle qui est défini d’abord par le collège d’appartenance <strong>et</strong>ensuite par les conceptions <strong>syndicale</strong>s <strong>de</strong> la <strong>défense</strong> <strong>de</strong>s salariés ou <strong>de</strong>s employeurs. Même sipour beaucoup <strong>de</strong> conseillers interrogés, les <strong>de</strong>ux définitions ten<strong>de</strong>nt à se confondre, leurmilitantisme est avant tout un militantisme <strong>de</strong> collège. A c<strong>et</strong> égard, « quitter sa casqu<strong>et</strong>te »pour « juger en droit » peut donner lieu à <strong>de</strong>s interprétations différentes. Pour un observateurextérieur, c’est-à-dire hors <strong>de</strong> la logique prud’homale, cela signifie que le conseiller doitcesser d’être syndicaliste <strong>et</strong> adopter une attitu<strong>de</strong> objective <strong>et</strong> neutre. Une telle interprétationrevient d’une part à réduire les conseillers à <strong>de</strong>s syndicalistes. Or, nous le verrons, si du côté<strong>de</strong>s salariés, la plupart sont effectivement adhérents à une organisation <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> ontsouvent <strong>de</strong>s responsabilités <strong>syndicale</strong>s dans l’<strong>entre</strong>prise, du côté <strong>de</strong>s employeurs, c<strong>et</strong>teéquation est loin d’être vérifiée. D’autre part c’est adopter une définition judiciaire <strong>de</strong>sConseils <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong> comme s’ils étaient une juridiction comme les autres, avec un jugeunique. Or, il s’agit d’une institution organisée sur le mo<strong>de</strong> du paritarisme <strong>et</strong> ce serait mêmela garantie pour obtenir <strong>de</strong>s jugements « mieux balancés ». C<strong>et</strong>te définition qui se c<strong>entre</strong> surl’ambivalence, voire la contradiction, du juge militant, est une définition exogène aux<strong>prud’hommes</strong> qui s’est imposé peu à peu mais qui relève davantage du champ judiciaire (cf.infra chapitre suivant) que <strong>de</strong> la logique prud’homale.En revanche, si l’on se situe dans c<strong>et</strong>te logique propre <strong>de</strong> l’institution prud’homale, il s’agitprécisément <strong>de</strong> « m<strong>et</strong>tre sa casqu<strong>et</strong>te » pour juger en <strong>prud’hommes</strong>, autrement dit, <strong>de</strong> se fairejuge <strong>de</strong> collège. C’est bien ce qu’exprime ce conseiller, prési<strong>de</strong>nt salarié d’un p<strong>et</strong>it CPH d’unerégion industrielle, tentant <strong>de</strong> répondre aux critiques dont sont l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong>s conseillers<strong>prud’hommes</strong> :« on dit toujours qu'on porte une casqu<strong>et</strong>te. Mais c'est pour ça que c'est bien, le conseil <strong>de</strong>sprud'hommes. Parce que vous avez <strong>de</strong>ux employeurs <strong>et</strong> vous avez <strong>de</strong>ux salariés. Donc,automatiquement, les employeurs, ils voient <strong>de</strong> leur façon. Nous, du côté <strong>de</strong>s salariés, on le voit<strong>de</strong> notre façon. De ce fait, on a <strong>de</strong>s bonnes discussions. (…) Je vous dis, c’est pour ça que c’estsain… On serait tous du côté employeur, on serait <strong>de</strong>s juges professionnels, on penserait<strong>de</strong>scendre <strong>de</strong> la cuisse <strong>de</strong> Jupiter, il y aurait plein <strong>de</strong> problèmes/ tandis que là, non, vu qu’onvient <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux places différentes. » 136Il s’agit effectivement <strong>de</strong> jouer son rôle <strong>de</strong> représentant d’un collège, voire <strong>de</strong> militant d’uncollège face à l’autre collège. La structure paritaire <strong>de</strong>s CPH qui les place dans laconfrontation leur perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> se faire militant puisqu’ils se r<strong>et</strong>rouvent à défendre une position136Entr<strong>et</strong>ien n°C0550
opposée. Et c’est ce type <strong>de</strong> militantisme qui est prisé au sein <strong>de</strong>s Conseils <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong>,qui est attendu <strong>et</strong> sans lequel les jeux sont perturbés. Comme le rappelle à son tour cereprésentant d’une organisation territoriale du Me<strong>de</strong>f, également prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> CPH : « Onleur dit en permanence qu’à partir du moment où ils sont présentés par le MEDEF, ilsdoivent avoir un engagement, l’engagement patronal <strong>de</strong> défendre les <strong>entre</strong>prises. On leurrépète en permanence. » 137 Pour lui, comme pour les autres responsables syndicaux, lemilitantisme consiste d’abord en un engagement en faveur <strong>de</strong> son collège d’appartenance.C’est dans la confrontation à l’autre collège que les conseillers apprennent peu à peu à secomporter en <strong>défense</strong>ur <strong>de</strong> leur collège <strong>et</strong> qu’ils <strong>de</strong>viennent militants. La première mission <strong>de</strong>sorganisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> professionnelles est donc <strong>de</strong> rappeler c<strong>et</strong>te appartenance à uncollège <strong>et</strong> <strong>de</strong> fournir <strong>de</strong>s moyens, cognitifs <strong>et</strong> juridiques, pour pouvoir agir au sein <strong>de</strong>s CPHconformément à c<strong>et</strong>te i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> collège. <strong>Les</strong> formations <strong>syndicale</strong>s s’avèrent à c<strong>et</strong> égard trèsimportantes puisqu’elles perm<strong>et</strong>tent aux conseillers d’apprendre à jouer son rôle au sein d’uncollège à travers <strong>de</strong>s simulations <strong>et</strong> ce que l’on appelle à juste titre <strong>de</strong>s « jeux <strong>de</strong> rôle »,comme le rappelle ce conseiller employeur, formateur pour le Me<strong>de</strong>f : « on leur dit ce qu'ilfaut faire, ce qu'il ne faut pas faire, comment il faut réagir quand un prési<strong>de</strong>nt salarié faitceci ou fait cela, si il dit cela, voilà ce qu'il faut entendre... Et on leur fait faire <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong>rôles. » 138C<strong>et</strong>te socialisation est plus facile pour les conseillers qui ont déjà une intégration au seind’une organisation <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> professionnelle <strong>et</strong> qui ont appris à penser « collectivement » <strong>et</strong>à adopter <strong>de</strong>s lignes d’<strong>action</strong>. Pour ceux qui n’ont guère l’habitu<strong>de</strong> d’inscrire leur <strong>action</strong> dans<strong>de</strong>s formes d’<strong>action</strong>s collectives, il est plus difficile <strong>de</strong> jouer ce rôle <strong>et</strong>, surtout, <strong>de</strong> s’y tenir.En eff<strong>et</strong>, loin d’être un obstacle dans la manière <strong>de</strong> juger, la ligne <strong>syndicale</strong> constitue unvéritable gar<strong>de</strong> fou pour le conseiller qui dispose ainsi d’un cadre d’<strong>action</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> ressourcespour rester dans son rôle. Ainsi, si les responsables syndicaux craignent tant l’« électronlibre » c’est parce qu’il est toujours susceptible <strong>de</strong> jouer contre son camp <strong>et</strong>, partant, <strong>de</strong>perturber le jeu <strong>de</strong> la confrontation <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux collèges faute <strong>de</strong> s’inscrire parfaitement dans unrôle <strong>et</strong> <strong>de</strong> se contenter <strong>de</strong> jouer sa partition. On comprend alors qu’une formation prud’homalequi ne serait pas assurer par les organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> professionnelles mais par laChancellerie par exemple soit largement incomplète. On comprend aussi qu’une formation à<strong>de</strong>stination <strong>de</strong>s futurs élus <strong>et</strong> qui s’effectuerait dans un cadre extra-prud’homal intègreinsuffisamment la logique prud’homale au profit <strong>de</strong> la seule logique <strong>syndicale</strong>.Car les formations n’ont pas pour seul objectif <strong>de</strong> transm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>s comportementsprud’homaux conformes à la logique <strong>de</strong> l’institution. Assurées par les organisations<strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> professionnelles, elles visent aussi à transm<strong>et</strong>tre une conception <strong>syndicale</strong> <strong>de</strong>s<strong>prud’hommes</strong> <strong>et</strong> du rôle qu’ils jouent dans la <strong>défense</strong> <strong>de</strong>s salariés. Dès lors, logiquesprud’homales <strong>et</strong> logiques <strong>syndicale</strong>s se mêlent <strong>et</strong> ce, d’autant mieux que toutes lesorganisations <strong>syndicale</strong>s tentent, parfois avec succès, d’obtenir le monopole <strong>de</strong> lareprésentation <strong>de</strong>s salariés. Ainsi chacune lutte pour imposer leur conception <strong>de</strong> la <strong>défense</strong> <strong>de</strong>leurs intérêts qui passe par l’imposition d’une conception <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong> <strong>et</strong> du rôle <strong>de</strong>s<strong>prud’hommes</strong> dans l’<strong>action</strong> <strong>syndicale</strong>.137Entr<strong>et</strong>ien n°B05138Entr<strong>et</strong>ien n°B0551
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