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Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

04-44-RF

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INTRODUCTION<strong>Les</strong> conseillers <strong>prud’hommes</strong> sont près <strong>de</strong> 14 600 répartis dans les 271 <strong>conseils</strong> <strong>de</strong><strong>prud’hommes</strong> que compte la France. Elus par <strong>de</strong>s salariés ou <strong>de</strong>s employeurs, ils ont lamission <strong>de</strong> régler les litiges individuels liés au contrat <strong>de</strong> travail. En 2005 c’est environ200 000 affaires qui ont été traitées par les <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong>.Même si tous les salariés <strong>et</strong> tous les employeurs du secteur privé ont à voter lors <strong>de</strong>sprud’homales, même s’ils connaissent l’existence <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong>, pour y avoir étéconfronté personnellement ou pour en avoir entendu parler par <strong>de</strong>s collègues ou par la presse,l’institution <strong>et</strong> ses membres restent mal connus. Tout au plus r<strong>et</strong>iennent-ils l’attentionlorsqu’une affaire est susceptible faire jurispru<strong>de</strong>nce <strong>et</strong> <strong>de</strong> faire évoluer le droit du travail.Mais les acteurs qui ren<strong>de</strong>nt c<strong>et</strong>te justice ne suscitent guère d’intérêt, ni <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>sministères qui ont en charge l’institution, ni <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong>professionnelles. En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s électorales qui mobilisent le personnel <strong>de</strong>s bureaux<strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong> <strong>et</strong> les différents échelons <strong>de</strong>s organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> professionnelles,les <strong>prud’hommes</strong> ne donnent lieu à peu <strong>de</strong> discours <strong>et</strong> d’<strong>action</strong>s. Même lorsque <strong>de</strong>s réformes<strong>de</strong> la justice sont engagées pour en rationaliser l’activité <strong>et</strong> en améliorer la « qualité », ce nesont que <strong>de</strong>s indicateurs sur l’activité judiciaire qui focalisent l’attention au détriment <strong>de</strong>sacteurs même <strong>de</strong> ceux en charge <strong>de</strong> rendre la justice. <strong>Les</strong> <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong>apparaissent donc comme une institution désincarnée <strong>et</strong> les décisions qu’ils ren<strong>de</strong>ntcomplètement abstraites <strong>de</strong>s conditions dans lesquelles elles ont été produites. C<strong>et</strong>teconception somme toute courante <strong>de</strong> la justice a ses vertus sociales <strong>et</strong> politiques. Maisscientifiquement, elle empêche <strong>de</strong> comprendre comment certains jugements sont rendus. Parailleurs, c’est une conception qui prive toute politique <strong>publique</strong> sur la justice d’une réflexionsur les conditions sociales <strong>et</strong> judiciaires dans lesquelles la justice est rendue.En s’intéressant aux <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong>, l’objectif <strong>de</strong> notre recherche était donc dansun premier temps <strong>de</strong> contribuer à une sociologie <strong>de</strong> la justice en s’intéressant aux conseillers<strong>et</strong> à leurs pratiques. Dans un second temps, il s’agissait <strong>de</strong> prendre en compte la spécificité <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te juridiction qui est à la fois une juridiction où siègent <strong>de</strong>s juges non professionnels <strong>et</strong> uneinstitution sociale largement investies par les organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> professionnelles.D’une part en eff<strong>et</strong>, nous avions affaire à <strong>de</strong>s juges non professionnels. Si nous pouvions lescomparer à d’autres juges non professionnels comme les juges du commerce 1 , les juges <strong>de</strong>proximité 2 , les médiateurs 3 , pour n’en citer que quelques uns 4 , nous voulions surtout saisir lesrelations qu’ils pouvaient <strong>entre</strong>tenir avec la justice <strong>et</strong> les professionnels <strong>de</strong> la justice, réels oustylisés. Nous <strong>de</strong>vions donc nous intéresser aux trajectoires <strong>de</strong> ces conseillers, à leursdifférents mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> socialisation <strong>et</strong> à la distance qui les séparaient du champ judiciaire, touten prenant en compte la spécificité <strong>de</strong> la justice du travail. Car, d’autre part, en nousintéressant aux pratiques prud’homales, nous étions renvoyés aux usages sociaux du droit <strong>et</strong>en particulier aux usages syndicaux du droit. Nous <strong>de</strong>vions alors replacer les <strong>conseils</strong> <strong>de</strong>1Voir les travaux <strong>de</strong> Emmanuel Lazega2Voir la thèse en cours <strong>de</strong> Antoine Pélicand.3Voir les travaux <strong>de</strong> Benoît Bastard ainsi que ceux <strong>de</strong> Philipp Milburn.4Nous avons organisé un séminaire sur ces différents aspects. Des contributions originales en ont été tirées <strong>et</strong>seront publiées au mois d’octobre dans un ouvrage collectif : Hélène Michel <strong>et</strong> Laurn<strong>et</strong> Willemez, dir., Lajustice au risque <strong>de</strong>s profanes, Paris, PUF, Curapp.5

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