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Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

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confédérations <strong>syndicale</strong>s, les employeurs ont fait <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s, ils connaissent bien le droit <strong>et</strong>sont bien soutenus par un réseau <strong>de</strong> professionnels <strong>et</strong> peuvent s’appuyer sur <strong>de</strong>s publicationsréputées « soli<strong>de</strong>s » comme « les cahiers prud’homaux », <strong>de</strong>venant parfois, par un lapsusamusant, « cahiers patronaux ». Le patronat est perçu comme un collectif uni, bien organisé <strong>et</strong>largement soutenu, dont puissant. Pour l’autre collège, ce sont les salariés qui auraientl’avantage, en raison principalement du temps qu’ils peuvent passer au CPH <strong>et</strong> qu’il peuventprendre pour se former. Comme le rappelle ce responsable <strong>de</strong> la formation prud’homale d’uneorganisation patronale, « c’est bien souvent le salarié qui mène le jeu parce qu’ils sont trèsbien formés ! Ils ont le temps, ils passent tout leur temps aux <strong>prud’hommes</strong> ! » 125 Un peuagacé par ces salariés qui préfèrent rester au conseil plutôt qu’à leur poste <strong>de</strong> travail, ceresponsable invite les employeurs qui viennent aux formations à « m<strong>et</strong>tre les bouchéesdoubles » pour qu’ils soient à la hauteur <strong>et</strong> puissent tenir tête aux salariés. Dans les <strong>de</strong>uxcollèges, il s’ensuit une sorte d’émulation <strong>et</strong> <strong>de</strong> surenchère pour pouvoir en imposer à l’autre<strong>et</strong> ainsi, lui imposer une certaine représentation <strong>de</strong>s salariés ou <strong>de</strong>s employeurs, au risque <strong>de</strong> lacaricature.Bien que ces images relèvent davantage du fantasme, elles sont présentes <strong>et</strong> structurent lesmanières d’être <strong>et</strong> <strong>de</strong> faire. Comme le rappelle ce conseiller salarié, membre <strong>de</strong> la CGT <strong>et</strong>prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la section industrie d’un p<strong>et</strong>it CPH rural :« Et pour en avoir parlé avec d'autres conseillers employeurs, quelques fois, ils appréhen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>siéger avec nous. Et je dirais pas qu'il balise, mais tout comme. Alors dès le départ c'est déjàfaussé. Parce qu'ils pensent qu'on va leur refaire du... pas dans notre section mais dans d'autres,ils pensent qu'on va leur faire du r<strong>entre</strong> <strong>de</strong>dans <strong>et</strong> à partir <strong>de</strong> là c'est foutu » 126<strong>Les</strong> conseillers éprouvent certes un certain plaisir à rappeler ces images qui sont au principe<strong>de</strong> certains comportements, surtout lorsqu’elles sont à leur avantage. Mais ces images ne sontpas <strong>de</strong>s seulement <strong>de</strong>s mythes qu’il faudrait faire disparaître au motif qu’elles ne sont pasconformes à la réalité. Elles constituent <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> repère pour tous ceux qui ne savent pasvraiment comment se comporter. Ils peuvent alors régler leur conduite sur ces figures. Ellessont aussi <strong>de</strong>s points d’ancrage à partir <strong>de</strong>squels plusieurs jeux sont possibles autour <strong>de</strong> c<strong>et</strong>tei<strong>de</strong>ntité, comme ce même conseiller le rappelle, un peu plus loin, lorsqu’il décrit les relationsqu’il <strong>entre</strong>tient avec la vice-prési<strong>de</strong>nte du CPH employeur :« Ce qui m'a impressionné, c'est que je suis tombé avec <strong>de</strong>s gens [employeurs] qui seconnaissaient <strong>de</strong>puis longtemps, qui avaient une formation, <strong>et</strong> je crois qu'ils ont essayé <strong>de</strong> m'enfoutre plein la vue, en se disant, c'est un CGT... Alors j'ai été très pru<strong>de</strong>nt. Et puis après je mesuis dit : ‘il y a une manière <strong>de</strong> manoeuvrer. Parce qu'il y a le droit, c'est imparable, <strong>et</strong> puis aprèsil y a chacun, chaque personnalité... (…) Si vous heurtez le gars en face, il va se braquer, donc ily a beaucoup <strong>de</strong> psychologie là-<strong>de</strong>dans, <strong>et</strong> j'ai remarqué quand je siégeais avec certainsconseillers prud'hommes salariés, qui n'étaient pas CGT, je sortais <strong>de</strong>s arguments qui meparaissaient.... <strong>et</strong> puis j’ai vu que ça ne passait pas. Et puis en face l'employeur était nickel. J'airemarqué qu’en abordant d'un autre côté, en donnant raison au salarié, même si je partageais pas,déjà là, ça allait mieux. Et puis après on réussissait à avancer les choses, <strong>et</strong> à venir sur mespositions. Il faut selon les interlocuteurs avoir telle ou telle... » 127On comprend alors que lors <strong>de</strong> la première inter<strong>action</strong>, il ait cherché à ajuster soncomportement en fonction <strong>de</strong>s images préconçues qu’il pouvait avoir tant <strong>de</strong> l’employeur que<strong>de</strong> son organisation <strong>syndicale</strong>. De c<strong>et</strong>te façon s’élabore une stratégie <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité125Entr<strong>et</strong>ien n°Z01126Entr<strong>et</strong>ien n° J09127Entr<strong>et</strong>ien n°J0946

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