10.08.2015 Views

Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

04-44-RF

04-44-RF

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

serait les salariés <strong>et</strong> le Me<strong>de</strong>f le patronat 120 . C<strong>et</strong>te équation est d’autant plus forte aux <strong>conseils</strong><strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong> où l’institution est organisée en <strong>de</strong>ux collèges paritaires.Toutes les organisations <strong>syndicale</strong>s n’affichent pas la même conception <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong> <strong>et</strong>,en leur sein, tous les responsables <strong>et</strong> les adhérents ne s’accor<strong>de</strong>nt pas forcément sur une mêmeconception. Mais tous raisonnent à partir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te structure paritaire <strong>de</strong>s CPH qui est auprincipe du contrat <strong>de</strong> travail. Qu’ils revendiquent une vision classiste <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong>,qu’ils théorisent le « conflit <strong>de</strong>s logiques » 121 ou qu’ils tentent d’organiser un « dialogue »,voire une « entente » <strong>entre</strong> <strong>de</strong>ux collèges mis sur un même plan, tous s’accor<strong>de</strong>nt sur leconstat qu’il y a une différence <strong>de</strong> positions, voire une opposition <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue. Certes,l’expression la plus authentique en serait la section <strong>de</strong> l’industrie, sans doute parce qu’elle estla plus ancienne <strong>et</strong> qu’elle est l’héritière d’une histoire héroïque du mouvement ouvrier. Maisc<strong>et</strong>te réputation <strong>de</strong> la section, qui repose davantage sur un mythe fondateur que sur <strong>de</strong>séléments concr<strong>et</strong>s <strong>et</strong> observables 122 , débor<strong>de</strong> le cadre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te section <strong>et</strong> tend à s’appliquer àl’ensemble <strong>de</strong>s sections <strong>et</strong> du Conseil. Dans ce cadre, toutes les doctrines <strong>syndicale</strong>s, aussibien du côté salarié que du côté employeur, semblent s’accor<strong>de</strong>r <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te structure binaire <strong>de</strong>s<strong>prud’hommes</strong>. Même à la CGC, dont la genèse <strong>et</strong> la reconnaissance a souvent été interprétéecomme un moyen <strong>de</strong> casser une vision binaire <strong>de</strong> la société au profit d’une « classemoyenne » 123 , les <strong>prud’hommes</strong> sont bien l’expression d’intérêts divergents. La visioncorporatiste <strong>de</strong> la section <strong>de</strong> l’encadrement tend ainsi à disparaître, comme le rappelle ceresponsable <strong>de</strong> la CGC qui n’en semble pas particulièrement affecté :« Quand vous avez affaire à un cadre qui conteste son licenciement par exemple ou qui contesteles conditions dans lesquelles la rupture du contrat <strong>de</strong> travail est intervenue. Il est tout à faitévi<strong>de</strong>nt que vous avez affaire, potentiellement, à <strong>de</strong>s in<strong>de</strong>mnités <strong>de</strong> licenciement d’un montantbien supérieur à ce que peut revendiquer un ouvrier ou un employé. E donc il y a bien un certainnombre <strong>de</strong> conseillers <strong>prud’hommes</strong> employeurs qui voyaient d’un très mauvais œil les sommesqui étaient <strong>de</strong>mandées par les cadres licenciés <strong>et</strong> donc… non ! non ! il y avait très peu <strong>de</strong>collusions, je dirais, <strong>entre</strong> les éléments <strong>de</strong> chaque collège. Y compris dans la section <strong>de</strong>l’encadrement. (…) Il y a donc <strong>de</strong>s oppositions fortes, surtout au début, dans les années qui ontsuivi la réforme <strong>de</strong> l’élection, où les gens se regardaient un p<strong>et</strong>it peu comme ça, parce qu’ilsn’avaient pas encore l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> siéger ensemble. Donc… c’était <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s qui sedécouvraient ! C’était <strong>de</strong>ux logiques qui quelque part s’affrontaient. J’ai toujours en tête c<strong>et</strong>temerveilleuse conception intellectuelle <strong>de</strong> la CFDT sur le conflit <strong>de</strong>s logiques dans la stratégiejurispru<strong>de</strong>ntielle ! Mais quelque part ils avaient raison, c’était assez bien vu, même si je nepartageais pas c<strong>et</strong>te façon doctrinale <strong>de</strong> voir les choses. Mais c’était assez juste. Bien sûr, il yavait au début, comme ça, il y avait <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s qui se découvraient. Et parfois, çaclashait ! » 124Pour l’ensemble <strong>de</strong>s responsables syndicaux, les <strong>prud’hommes</strong> institutionnalisent donc uneopposition <strong>entre</strong> <strong>de</strong>ux parties <strong>de</strong> contrat <strong>de</strong> travail. Mais ils institutionnalisent aussi <strong>de</strong>simages <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux collèges qui, tout en restant <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> la réputation, orientent <strong>de</strong>s <strong>action</strong>s<strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s responsables syndicaux. Par exemple, l’autre collège apparaît toujours commele plus fort c’est-à-dire le mieux « armé » car le mieux formé. Ainsi, pour les responsables <strong>de</strong>s120Sur ce processus <strong>de</strong> représentation cf. Michel Offerlé, Sociologie <strong>de</strong>s groupes d’intérêt, Paris, Montchrestien,1997.121Action juridique CFDT, « Le conflit <strong>de</strong>s logiques. Le terrain <strong>de</strong>s faits <strong>et</strong> celui du droit », n°11, septembre –octobre 1979, pp.3-10.122Notre enquête par questionnaire ne suggère aucune spécificité <strong>de</strong> la section en termes <strong>de</strong> profil sociologie <strong>de</strong>sconseillers, ni en termes <strong>de</strong> conflictualité <strong>de</strong>s relations <strong>entre</strong> les collèges. Si spécificité il y a, elle rési<strong>de</strong> peut-êtredans la nature <strong>de</strong>s affaires. Cf. Partie 2.123Cf. Jean Ruhlmann, Ni bourgeois ni prolétaires, La <strong>défense</strong> <strong>de</strong>s classes moyennes en France au XXè siècle,Paris, Seuil, coll « L’univers historique », 2001 ; Jacques Cap<strong>de</strong>vielle, Le fétichisme du patrimoine, Paris,PFNSP, 1986.124Entr<strong>et</strong>ien n°Z13.45

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!