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Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

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Alors que l'élection n'est qu'un <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> la réforme <strong>de</strong> 1979 (certes un élémentimportant, mais pas nécessairement central), elle <strong>de</strong>vient le coeur <strong>de</strong> la perception <strong>de</strong>sprud'hommes dans l'opinion <strong>et</strong>, plus généralement, dans la politique <strong>syndicale</strong> au niveaunational. <strong>Les</strong> observateurs, qu’ils soient journalistes, sociologues ou politologues, comme lespartenaires sociaux, lisent les résultats <strong>de</strong> ces élections sur le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> la mesure <strong>de</strong>l’influence <strong>de</strong>s différentes forces <strong>syndicale</strong>s. <strong>Les</strong> « prud’homales » <strong>de</strong>viennent alors un test <strong>de</strong>la représentativité <strong>syndicale</strong>. Cela contribue incontestablement à faire perdre son sensjudiciaire à l'élection prud'homale, au profit d'une perception <strong>syndicale</strong> <strong>de</strong>s prud'hommes. Eneff<strong>et</strong>, il ne s’agit plus tant d’élire <strong>de</strong>s juges 100 que d’attribuer aux différentes organisations<strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> professionnelles une représentativité au niveau nationale, ce qui n’est pas sanseff<strong>et</strong> sur leur mobilisation électorale.a) Une lecture politique <strong>de</strong>s résultatsLorsque l’on analyse encore aujourd’hui l’organisation <strong>de</strong>s élections prud’homales <strong>et</strong> lesmoyens qui lui sont donnés au sein du ministère du Travail, on ne peut s’empêcher <strong>de</strong> mesurerl’écart qu’il existe <strong>entre</strong> ces moyens <strong>et</strong> l’intérêt habituellement porté aux <strong>conseils</strong> <strong>de</strong><strong>prud’hommes</strong> dans la société. Il en est <strong>de</strong> même dès 1979 : le scrutin du 12 décembre estperçue comme un événement qui va marquer la démocratie sociale en France. Il donne lieu àune débauche d’énergie, à la direction <strong>de</strong>s relations du travail comme au cabin<strong>et</strong> du ministredu Travail 101 ; le ministère réalise une importante campagne <strong>de</strong> communication, à la fois endirection <strong>de</strong>s chefs d’<strong>entre</strong>prise, pour qu’ils inscrivent leurs salariés sur les listes électorales,<strong>et</strong> en direction <strong>de</strong> ces salariés, pour qu’ils votent : campagnes <strong>de</strong> presse <strong>et</strong> télévisuellepoussent à la participation <strong>de</strong>s salariés, dotés pour l’occasion d’une forme <strong>de</strong> « citoyenn<strong>et</strong>ésociale » qui ressemble fort à une citoyenn<strong>et</strong>é proprement politique. Elle en a d’ailleursl’atour principal : le vote. C<strong>et</strong>te volonté d’obtenir une participation électorale maximale est lesigne autant que la conséquence <strong>de</strong> la légitimation croisée du ministère du Travail <strong>et</strong> <strong>de</strong>sorganisations <strong>syndicale</strong>s : les principales organisations recherchent dans ce scrutin <strong>de</strong>spreuves <strong>de</strong> leur force, <strong>et</strong> le ministère du Travail s’appuie sur la force <strong>de</strong> ces organisations pourfaire progresser sa vision du dialogue social. Dès les premières élections <strong>de</strong>s « nouveaux »conseillers <strong>prud’hommes</strong> <strong>de</strong> décembre 1979, les commentaires journalistiques <strong>et</strong> savants quiaccompagnent l’événement en font en eff<strong>et</strong> <strong>de</strong>s élections sociales, sur le modèle <strong>de</strong>s électionsprofessionnelles. Une revue <strong>de</strong> presse effectuée sur les élections <strong>de</strong> 1979 montre la doublelecture qui est faite <strong>de</strong> ces élections <strong>et</strong> qui s’imposera tout au long <strong>de</strong>s élections suivantes.La première lecture consiste à voir l'élection comme un test <strong>de</strong> légitimité du syndicalisme. Lasimple lecture <strong>de</strong>s titres témoigne <strong>de</strong> sa prépondérance : « Syndicats : l'heure <strong>de</strong> vérité »,indique Le Point du 1er octobre 1979 ; <strong>de</strong> même, Le Figaro annonce le 3 septembre 1979 :« Réforme prud'homale : le test <strong>de</strong> la représentativité » ; ou encore Le Nouvel observateur du10 décembre : « Le thermomètre <strong>de</strong>s prud'hommes ». Dès lors, l'importance <strong>de</strong> la participationfait la preuve <strong>de</strong> la légitimité du mouvement syndical dans la société française : selonLibération du 14 décembre 1979, « c'est noël pour les syndicats » ; le même jour, La Croixtitre sur la « représentativité renforcée <strong>de</strong>s cinq syndicats » <strong>et</strong> Le Matin sur « le renouveau dumouvement syndical ». Plusieurs élections plus tard, c<strong>et</strong>te même grille d’interprétation est100Cf. Laurent Willemez, « Le sens d'une élection <strong>et</strong> les frontières <strong>de</strong> la justice. <strong>Les</strong> controverses autour <strong>de</strong>sélections prud'homales », in Hélène Michel <strong>et</strong> Laurent Willemez, dir., La justice au risque <strong>de</strong>s profanes, Paris,PUF/ Curapp, 2007 à paraître.101Tenu par Christian Beullac, après le suici<strong>de</strong> <strong>de</strong> Robert Boulin en octobre 1979, puis les défaillancescardiaques <strong>de</strong> Jean Mattéoli.37

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