La question <strong>de</strong> l’élection <strong>de</strong>s conseillers est une question récurrente pour les organisations<strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> professionnelles qui peinent à présenter en nombre suffisant <strong>de</strong>s candidats <strong>et</strong> àsusciter <strong>de</strong>s suffrages importants. L’organisation CGT-FO réclame <strong>de</strong>puis longtemps 65 que lesconseillers soient désignés par les organisations <strong>et</strong> non pas élus. En 1964, l’organisationréussit à défendre c<strong>et</strong>te thèse avec succès au Conseil économique <strong>et</strong> social 66 . Dans les années1970, les organisations patronales comme l’UIMM se montrent elles aussi favorables à ladésignation <strong>de</strong>s conseillers par les organisations nationales, comme cela se fait dans d’autresinstitutions telles que les commissions <strong>de</strong> première instance du contentieux <strong>de</strong> la Sécuritésociale ou encore les commissions paritaires du régime <strong>de</strong> l’Unedic ou <strong>de</strong> régimes <strong>de</strong> r<strong>et</strong>raite<strong>et</strong> <strong>de</strong> prévoyance. Un tel mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> sélection <strong>de</strong>s conseillers perm<strong>et</strong>trait en partie <strong>de</strong> résoudre ledouble problème <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s candidats suffisamment compétents sur le plan juridique 67 . Leniveau juridique requis apparaissant <strong>de</strong> plus en plus élevé, s’ils choisissaient les conseillers,les dirigeants <strong>de</strong>s organisations perm<strong>et</strong>traient aux <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong> <strong>de</strong> mieuxfonctionner. C<strong>et</strong>te position est fortement combattues par les organisations <strong>syndicale</strong>s CGT <strong>et</strong>CFDT qui rappellent constamment le principe <strong>de</strong> l’élection, seul à même <strong>de</strong> conférer auxconseillers leur légitimité. Leurs dirigeants reconnaissent toutefois que face à la technicisationcroissante du droit du travail, les menaces <strong>de</strong> l’échevinage risque <strong>de</strong> se faire <strong>de</strong> plus en plusprécises <strong>et</strong> pressantes. Dans ce contexte, pour les uns la désignation serait une réponse ausouci <strong>de</strong> compétence juridique <strong>de</strong>s conseillers, tout en tenant à distance un systèmed’échevinage dans lequel les organisations <strong>syndicale</strong>s perdraient toute emprise surl’institution. Pour les autres, il s’agit <strong>de</strong> conserver le principe <strong>de</strong> l’élection <strong>et</strong> d’agir <strong>de</strong>manière à renforcer les connaissances juridiques <strong>de</strong>s conseillers, comme l’affirme avec forcele rapport conjoint <strong>de</strong>s quatre organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>de</strong> salariés CGT, CFDT, CGC <strong>et</strong> CFTCsur la justice du travail 68 .Mais lors du congrès <strong>de</strong> Vittel en 1977, la question <strong>de</strong> l’élection <strong>de</strong>s conseillers surgit ànouveau <strong>et</strong> provoque la « rupture », c’est-à-dire le départ <strong>de</strong>s conseillers CGT <strong>et</strong> CFDT pourprotester contre la proposition <strong>de</strong> substituer à l’élection la désignation par les conseillers duCNPF 69 . C<strong>et</strong>te crise <strong>de</strong> la prud’homie qui est alors publicisée est entendue à la fois commel’impossibilité pour les différents acteurs <strong>de</strong> la prud’homie <strong>de</strong> s’entendre <strong>et</strong> comme lareconnaissance néanmoins <strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong> réformer l’institution prud’homale. Pour lesanciens participants à ce <strong>de</strong>rnier congrès <strong>de</strong> la Prud’homie, il s’agissait d’envoyer un signefort en direction <strong>de</strong>s ministères <strong>de</strong> tutelle, Chancellerie <strong>et</strong> ministère du Travail. A la veille <strong>de</strong>sélections législatives, il s’agissait <strong>de</strong> créer sinon le problème du moins un problème <strong>de</strong>s<strong>prud’hommes</strong>. C’est donc un appel à l’Etat qui est lancé, mais un appel bien particulierpuisqu’il se fait <strong>de</strong> manière à rappeler combien dans l’organisation <strong>et</strong> la gestion <strong>de</strong>s <strong>conseils</strong><strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong>, syndicats <strong>et</strong> patronat restent les acteurs centraux.Est ainsi <strong>de</strong>mandé non seulement une réforme d’une juridiction mais aussi la reconnaissance<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te institution sociale où les organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> professionnelles ont <strong>de</strong>sreprésentants élus <strong>et</strong> formés pour défendre une certaine stratégie <strong>syndicale</strong>. C<strong>et</strong>te double65 Décision du VIIè Congrès, novembre 1961.66 Avis <strong>de</strong>s 12 <strong>et</strong> 13 mai 1964 CES.67 Roche (Jean-Henri), « <strong>Les</strong> <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong> », Droit social, février 1974, p. 33-3768 La justice du travail : bilan <strong>et</strong> perspectives, Rapport syndical reproduit in Droit social, n°2, février 1974, pp.38-69.69 L’opposition <strong>entre</strong> la CGT <strong>et</strong> la CFDT d’autre part <strong>et</strong> le CNPF d’autre part est à son comble lors <strong>de</strong> ce congrèsdont se r<strong>et</strong>irent, en guise <strong>de</strong> protestation, les délégués <strong>de</strong> ces organisations <strong>syndicale</strong>s : cf. par exemple LeMon<strong>de</strong> du 27 septembre 1977 : « Rupture au congrés <strong>de</strong>s conseillers prud’homaux : l’alliance <strong>de</strong>s salariés <strong>et</strong> <strong>de</strong>sp<strong>et</strong>its patrons ».26
evendication peut alors <strong>entre</strong>r en écho avec les conceptions <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong> en vigueur à laDirection <strong>de</strong>s Relations du Travail.b) Une judiciarisation contrariée <strong>de</strong>s CPH ?Ce sont bien <strong>de</strong>s « réformateurs <strong>de</strong> la justice » 70 , pour reprendre l’expression <strong>de</strong> AntoineVauchez <strong>et</strong> Laurent Willemez, qui s’installent au ministère du Travail à la fin <strong>de</strong>s années 1970au sens où, pour eux, il s’agit bien <strong>de</strong> réformer une juridiction. Même si Pierre Cabanes estdavantage intéressé par les moyens d’organiser les relations sociales <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise, il estnéanmoins conseiller d’Etat <strong>et</strong> ancien membre du cabin<strong>et</strong> du ministre <strong>de</strong> la Justice Taittinger.Soucieux <strong>de</strong> ne pas heurter la Chancellerie en matière <strong>de</strong> réforme prud’homale dont elle avaitjusqu’à présent l’apanage, il laisse à Roland Leroux-Cocheril, magistrat <strong>de</strong> l’ordre judiciairevenu au Bureau <strong>de</strong>s contrats <strong>de</strong> travail après quelques années passées à la Direction du servicejudiciaire, le soin <strong>de</strong> veiller à ce que la réforme soit conforme à ce qui se faisait en matière <strong>de</strong>juridiction civile. Leur <strong>action</strong> peut se lire dans la continuité <strong>de</strong>s précé<strong>de</strong>ntes réformesavortées, <strong>de</strong>puis le grand proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> création d’un troisième ordre <strong>de</strong> juridiction pour lecontentieux social aux côtés <strong>de</strong>s juridictions judiciaires <strong>et</strong> administratives 71 , jusqu’à la réformerécente <strong>de</strong> l’introduction du référé en 1974. D’ailleurs, pour Leroux-Cocheril, en 2006, c’estbien dans c<strong>et</strong>te histoire judiciaire qu’il faut replacer la réforme <strong>de</strong> 1979 qui contribue à faire<strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong> sinon une vraie juridiction, du moins un institution <strong>de</strong> plus en plus intégréeà l’ordre judiciaire. « Je vois dans l’institution du référé prud’homal un signe <strong>de</strong> vitalité carc’est l’apanage d’une juridiction au sens plein du terme. » 72 . Ils donnent ainsi à la réforme untour bien particulier qui suscite tantôt une opposition <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s représentants <strong>de</strong>sorganisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> professionnelles soucieux <strong>de</strong> rappeler que les <strong>prud’hommes</strong> sontinstitutions sociales avant tout <strong>et</strong> pas une juridiction, tantôt mobilisation <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> ceux quiveulent renforcer la dimension judiciaire comme pour soustraire les <strong>prud’hommes</strong> àl’influence –néfaste – <strong>de</strong>s syndicats. Mais si la réforme voit le jour, c’est sans doute parce queces réformateurs ont réussi à concilier ces <strong>de</strong>ux logiques, <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> judiciaire, sans en avoirsacrifiée aucune au profit <strong>de</strong> l’autre.- Soustraire les <strong>prud’hommes</strong> à l’emprise du syndicalismeCes « réformateurs » du ministère du Travail, sous l’impulsion <strong>de</strong> Pierre Cabanes, ont laparticularité d’être particulièrement ouverts aux organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> professionnelles,ce qui les distingue radicalement <strong>de</strong> leurs prédécesseurs en charge <strong>de</strong>s tentatives <strong>de</strong> réformesantérieures qui se trouvaient à la Chancellerie <strong>et</strong> qui, selon les témoignages recueillis,« n’avaient aucune culture <strong>de</strong> la consultation <strong>de</strong>s partenaires sociaux ».Ainsi, lorsque le proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> loi arrive au Parlement, la plupart <strong>de</strong>s articles ont fait l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong>négociations en amont <strong>et</strong> le débat parlementaire apparaît relativement paisible, même sicertains tentent, en vain, <strong>de</strong> revenir sur les dimensions qui avaient fait échoué les précé<strong>de</strong>ntes70 Cf. le chapitre 3 in Willlemez (Laurent) Vauchez (Antoine), La justice face à ses réformateurs (1980-2006),Paris, PUF.71 Laroque (Pierre), « Contentieux <strong>et</strong> juridiction sociale », Droit social, mai 1954, p.271-280. <strong>et</strong> le commentaire<strong>de</strong> Boitel (Maurice), « A propos d’une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Pierre Laroque », Droit ouvrier, octobre 1954, n°79, p.393-397.72 Intervention <strong>de</strong> Roland Leroux-Cocheril « La réforme <strong>de</strong>s <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong> <strong>de</strong> 1979 : pourquoi,comment, par qui ? » bicentenaire <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong> organisé par la Cour d’appel <strong>de</strong> Versailles, le 4 avril 2006,http://www.cph-versailles.justice.fr/p_239.html?id=239.27
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