prud’homal existant où les litiges concernant les cadres relevaient soit par le tribunal <strong>de</strong>commerce, soit <strong>de</strong> la section du commerce <strong>de</strong>s Conseil <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong>, soit du tribunald’instance lorsqu’il n’y avait pas <strong>de</strong> section du commerce dans le CPH compétent.L’argumentaire technique mis en avant par la CGC est double : dans le cas où les cadresrelevaient du tribunal <strong>de</strong> commerce, ils dérogeaient au principe <strong>de</strong> la spécificité <strong>de</strong> lajuridiction du travail ; lorsqu’ils relevaient <strong>de</strong>s CPH, le principe <strong>de</strong> parité n’était pas respectépuisqu’ils n’étaient pas jugés par <strong>de</strong>s cadres. Derrière l’objectif affiché <strong>de</strong> mieux adapter lesConseils <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong> à leur siècle c’est-à-dire à une structure socioéconomique qui seraitmoins archaïque car prenant en compte l’avènement d’une classe moyenne, c’est lareconnaissance <strong>de</strong> la catégorie <strong>de</strong>s cadres qui est en jeu <strong>et</strong> en particulier leur représentation<strong>syndicale</strong>. Portée sur le terrain prud’homal, la revendication <strong>de</strong> la CGC concerne à la fois sareconnaissance comme « partenaire social » pouvant négocier avec l’Etat <strong>de</strong>s normes relativesà l’<strong>entre</strong>prise <strong>et</strong> sa reconnaissance comme force <strong>syndicale</strong> aux côtés <strong>de</strong>s autres confédérations<strong>syndicale</strong>s. A c<strong>et</strong> égard, il s’agit d’une revendication qui s’inscrit dans celle plus large d’unapprofondissement <strong>de</strong> ce qu’on appellera plus tard le « paritarisme » 57 .Mais le débat sur la section spécifique pour les cadres renvoie aussi à l’histoire interne <strong>de</strong> laCGC <strong>et</strong> à la question <strong>de</strong> la définition <strong>de</strong>s cadres 58 <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’élargissement <strong>de</strong> la base <strong>de</strong> laconfédération. A la fin <strong>de</strong>s années 1970, la confédération connaît <strong>de</strong>s changements internesimportants qui sont le résultat d’une lutte <strong>de</strong> pouvoir interne <strong>entre</strong> <strong>de</strong>ux conceptions dusyndicalisme cadre. D’un côté, un syndicalisme <strong>de</strong> type plutôt élitaire, défendu par <strong>de</strong>s cadresdirigeants issus <strong>de</strong>s grosses fédérations <strong>de</strong> la chimie, du textile ou <strong>de</strong>s VRP, <strong>et</strong> qui s’entiennent à une définition statutaire du cadre. De l’autre, une conception élargie <strong>de</strong>s cadresouverte aux agents <strong>de</strong> maîtrise aux techniciens, perm<strong>et</strong>tant d’avoir une base plus nombreusecomme avait pu le faire la fédération <strong>de</strong> la métallurgie, alors dirigée par Paul Marchelli.S’appuyant sur c<strong>et</strong>te base élargie, il avait conquis la tête <strong>de</strong> la fédération <strong>et</strong> réussit à conquérircelle <strong>de</strong> la confédération, imposant ainsi une transformation <strong>de</strong> l’organisation qui <strong>de</strong>vient en1980, la Confédération française <strong>de</strong> l’encadrement – confédération générale <strong>de</strong>s cadres (CFE-CGC). L’organisation s’ouvre ainsi officiellement au personnel <strong>de</strong> l’encadrement, agents <strong>de</strong>maîtrise <strong>et</strong> ingénieurs, qu’elle entend défendre <strong>et</strong> représenter. Dans c<strong>et</strong>te lutte <strong>de</strong> pouvoirinterne, la revendication d’une section spécifique pour les cadres dans les <strong>conseils</strong> <strong>de</strong><strong>prud’hommes</strong> donner l’occasion à chacune <strong>de</strong>s tendances <strong>de</strong> fixer les contours <strong>de</strong> sareprésentation. Ainsi, l’ensemble <strong>de</strong>s dirigeants <strong>de</strong> la CGC réclament une section pour lescadres. Mais alors que pour les uns, il s’agit <strong>de</strong> créer une section pour les seuls cadresdirigeants, pour les autres, c’est une section <strong>de</strong> l’encadrement qui est souhaitée. Sans revenirsur les débats parlementaires 59 , ni sur les débats juridiques concernant le texte <strong>de</strong> loi 60 ,rappelons que l’ambiguïté <strong>de</strong>meure tout au long <strong>de</strong>s discussions sur la réforme jusqu’à ce queles représentants <strong>de</strong> la CGC réalisent l’atout qu’ils avaient en jouant la carte <strong>de</strong>« l’encadrement ».En eff<strong>et</strong>, dans la concurrence avec les autres organisations <strong>syndicale</strong>s, revendiquer une section<strong>de</strong> l’encadrement plutôt qu’une section <strong>de</strong>s cadres, perm<strong>et</strong>tait <strong>de</strong> neutraliser <strong>de</strong>s adversaires <strong>et</strong>,57 Voir par exemple les travaux <strong>de</strong> Laurent Duclos <strong>et</strong> Olivier Mériaux. « Pour une économie du paritarisme »,Revue <strong>de</strong> l’IRES, 1997, n°24, pp.43-60.58 Cf. Boltanski (Luc), <strong>Les</strong> cadres, l’invention d’un groupe social. Paris, Minuit, 1982.59 Cf. Michel (Hélène) <strong>et</strong> Willemez (Laurent), « <strong>Les</strong> prud'hommes <strong>et</strong> la représentation du mon<strong>de</strong> du travail : Etat<strong>et</strong> partenaires sociaux dans la réforme d’une juridiction du travail », in Duclos (Laurent), Groux (Guy), Meriaux(Olivier), dir., Le politique <strong>et</strong> la dynamique <strong>de</strong>s relations professionnelles, Paris, LGDJ, à paraître 2007.60 Cf. Pact<strong>et</strong> (Christiane), « La loi du 18 janvier 1979 <strong>et</strong> les ressortissants <strong>de</strong> la section <strong>de</strong> l’encadrement », Droitsocial, n°5, mai 1980, Sp 16-24.24
éventuellement <strong>de</strong> s’en faire <strong>de</strong>s alliés. Si la CGC trouve un soutien du côté <strong>de</strong> la CFTC, enrevanche, elle ne peut compter a priori sur les <strong>de</strong>ux principales organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>de</strong> laprud’homie que sont la CGT <strong>et</strong> la CFDT. Pour ces <strong>de</strong>rnières, la CGC est une organisation <strong>de</strong>dirigeants <strong>et</strong>, bien que se distinguant du CNPF, elle n’en serait pas moins un allié objectif 61 .De plus, entendant syndiquer les agents <strong>de</strong> maîtrise <strong>et</strong> les ingénieurs la CGC apparaît commeun concurrent direct <strong>de</strong>s organisations comme l’UGICT-CGT <strong>et</strong> l’UCC-CFDT qui recrutentdans les mêmes catégories. La revendication d’une section spécifique dans les <strong>conseils</strong> <strong>de</strong><strong>prud’hommes</strong> redéfinit les termes <strong>de</strong> l’affrontement <strong>entre</strong> les organisations <strong>syndicale</strong>s.L’hypothèse d’une section pour l’encadrement perm<strong>et</strong>trait à UGICT-CGT <strong>et</strong> à l’UCC-CFDT<strong>de</strong> présenter <strong>de</strong>s listes <strong>de</strong> candidats <strong>et</strong> d’espérer <strong>de</strong>s élus, compte tenu du rapport <strong>de</strong> forcesyndical. Par exemple, aux élections aux comités d’<strong>entre</strong>prise en 1974, la CGC a obtenu dansle collège <strong>de</strong>s ingénieurs <strong>et</strong> cadres (3 ème collège) 36,6% <strong>de</strong>s voix contre 11% à la CFDT <strong>et</strong>7,8% à la CGT qui obtient, en revanche, dans le collège <strong>de</strong>s agents <strong>de</strong> maîtrise <strong>et</strong> <strong>de</strong>stechniciens (2 ème collège) 25% <strong>de</strong>s voix contre 17,1% pour la CGC 62 . Une section spécifiqueconstitue une aubaine pour la CGT <strong>et</strong> la CFDT qui pourraient augmenter encore leur poids ausein <strong>de</strong>s <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong>. Ainsi, l’opposition <strong>de</strong> principe à la CGC se transforme peuà peu en un soutien discr<strong>et</strong>, d’autant plus que se <strong>de</strong>ssine la perspective d’ôter au CNPF unvivier important <strong>de</strong> conseillers. Dès lors que les agents <strong>de</strong> maîtrise <strong>et</strong> les techniciens sont dansle collège <strong>de</strong>s salariés, le collège <strong>de</strong>s employeurs est réduit aux seuls cadres dirigeants. <strong>Les</strong>représentants du CNPF contesteront d’ailleurs c<strong>et</strong>te inscription <strong>de</strong> salariés autre que cadresdans leur collège 63 . Ainsi, la CGC obtient une section spécifique, mais dans la mesure où ils’agit d’une section <strong>de</strong> l’encadrement, non seulement sa représentation s’en trouve <strong>de</strong> faitredéfinie <strong>et</strong> élargie aux techniciens <strong>et</strong> agents <strong>de</strong> maîtrise mais, <strong>de</strong> plus, la spécificité <strong>de</strong> lasection tend à être remise en cause 64 . En eff<strong>et</strong>, pour définir une telle section, la logiqueprofessionnelle est-elle toujours tenable ? En revanche si on s’en tient à la logique <strong>de</strong>scatégories, que <strong>de</strong>vient la spécificité d’une telle section ? Agents <strong>de</strong> maîtrise <strong>et</strong> ingénieurspeuvent relever <strong>de</strong>s autres sections. Par ailleurs, sur quelle base les salariés cadres sont-ilsaffectés dans tel ou tel collège ?Pour l’ensemble <strong>de</strong>s personnes ayant travaillé à la réd<strong>action</strong> <strong>de</strong> la loi, il s’agit d’un véritablecasse-tête qui entraîne la réorganisation complète <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong>s Conseils <strong>de</strong><strong>prud’hommes</strong> avec suppression <strong>de</strong>s catégories professionnelles <strong>et</strong> généralisation <strong>de</strong>s cinqsections. Mais si une telle restructuration est possible, c’est aussi parce qu’elle perm<strong>et</strong> <strong>de</strong>surmonter un ensemble <strong>de</strong> difficultés que traverse la prud’homie.- La crise <strong>de</strong> la prud’homieA la fin <strong>de</strong>s années 1970, les organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> patronales ont <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> malà s’entendre sur une définition commune <strong>de</strong>s missions <strong>de</strong>s Conseils <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong> (lieu <strong>de</strong>règlement <strong>de</strong>s litiges, lieux <strong>de</strong> représentation <strong>de</strong>s intérêts, espace <strong>de</strong> négociation) <strong>et</strong>, parconséquent sur le statut <strong>et</strong> le rôle <strong>de</strong>s conseillers. En l’occurrence, <strong>de</strong>ux principesfondamentaux <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong> suscitent critiques <strong>et</strong> remises en question parmi les acteurs<strong>de</strong> la prud’homie : l’élection <strong>de</strong>s conseillers <strong>et</strong> le refus <strong>de</strong> l’échevinage.61 Cf. Vie ouvrière n°1765 du 28 juin 1978.62 Boltanski (Luc), <strong>Les</strong> cadres, op. cit., p.282-28363 <strong>Les</strong> cahiers prud’homaux, « La composition <strong>de</strong> la section <strong>de</strong> l’encadrement », Cahier n°2, 1980, chronique pp.1-3.64 Eliascewiz (Clau<strong>de</strong>), « Electeur-justiciable. Une assimilation dangereuse », Droit social, mai, n°5, pp.25-31.25
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