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Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

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peut se faire qu’à partir d’un commun terrain d’entente. Le recours à un professionnel du droitse développe pour contester <strong>de</strong>vant la juridiction le motif du licenciement <strong>et</strong> le procès <strong>de</strong>vient<strong>de</strong> plus en plus technique avec un rôle accru <strong>de</strong> la procédure. D’ailleurs, la réforme <strong>de</strong> laprocédure prud’homale 50 tout comme l’instauration d’un référé qui n’est pas sansconséquence sur les <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong> qui ont, <strong>de</strong> plus en plus, à assurer une mission<strong>de</strong> juridiction.Ce mouvement <strong>de</strong> technicisation du droit n’échappe pas aux observateurs <strong>et</strong> auxprofessionnels du droit, comme en témoigne le colloque organisé par l’Association française<strong>de</strong> Droit du travail <strong>et</strong> <strong>de</strong> la sécurité sociale (AFDT) sur les juridictions du travail en France,dont les actes sont publiés dans Droit social 51 . Tantôt salué par tous ceux qui réclament un« vrai droit » pour les <strong>prud’hommes</strong>, comme au sein <strong>de</strong> la CFDT, tantôt déploré par lesresponsables <strong>de</strong>s organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> professionnelles obligés <strong>de</strong> développer toujoursdavantage le travail <strong>de</strong> suivi <strong>et</strong> <strong>de</strong> commentaire <strong>de</strong>s pratiques prud’homales <strong>de</strong>s servicesjuridiques <strong>et</strong> d’insister, dans leurs formations <strong>syndicale</strong>s, sur c<strong>et</strong> aspect <strong>de</strong> la procédure, cemouvement s’accompagne d’une mobilisation <strong>de</strong> la « gauche judiciaire », constituée autourdu Syndicat <strong>de</strong>s avocats <strong>de</strong> France, du Mouvement d’<strong>action</strong> judiciaire ou encore <strong>de</strong>s boutiques<strong>de</strong> droit, qui tente, selon <strong>de</strong>s conceptions <strong>et</strong> avec <strong>de</strong>s moyens divers, <strong>de</strong> préserver au profaneun accès à la justice malgré l’augmentation du coût d’entrée judiciaire 52 . Par exemple, en1975, se forme un collectif réunissant diverses organisations, comme la CGT, la CFDT, laCGC, le syndicat <strong>de</strong> la magistrature <strong>et</strong> le mouvement d’<strong>action</strong> judiciaire, pour réclamer uneréforme <strong>de</strong> la juridiction prud’homale 53 . Autant d’éléments qui contribuent à inscrire les<strong>prud’hommes</strong> dans un mouvement <strong>de</strong> judiciarisation <strong>et</strong> <strong>de</strong> revendications d’une justice àréformer.Parallèlement, <strong>et</strong> non sans liens, la manière dont l’Etat abor<strong>de</strong> la question du travail s<strong>et</strong>ransforme comme en témoigne la réorganisation <strong>de</strong> la Direction générale du travail <strong>et</strong> <strong>de</strong>l’emploi en 1973 avec d’un côté la Direction <strong>de</strong>s relations du travail, <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’autre laDélégation à l’emploi qui prendra <strong>de</strong> plus en plus d’importance sous l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> la montée duchômage. Ancien conseiller d’Etat, Pierre Cabanes <strong>de</strong>vient directeur <strong>de</strong>s relations du travaildans un style manifestement très nouveau si l’on en croit les souvenirs élogieux <strong>de</strong> l’ensemble<strong>de</strong>s représentants syndicaux. Dans une tradition que l’on peut qualifier <strong>de</strong> participationniste,issu du gaullisme social, il croit fermement aux vertus <strong>de</strong> la négociation sociale <strong>entre</strong>partenaires sociaux où l’Etat n’est pas seulement un arbitre qui, selon lui « siffle la fin <strong>de</strong> lapartie », comme il le rappelle lui-même :« Ma thèse était que la négociation solennelle était un p<strong>et</strong>it pic un peu solennel dans <strong>de</strong>s contactsconstants sur tout suj<strong>et</strong> ! Autrement dit, j’ai dit aux organisations <strong>syndicale</strong>s que j’ai reçues : « ily a ça à faire. Mais ma porte est ouverte sur tout suj<strong>et</strong>. Je ne dis pas tout est négociable, je disque chez moi on peut venir pour abor<strong>de</strong>r tous les suj<strong>et</strong>s possibles <strong>et</strong> imaginables. (…) Bien sûron pouvait m’appeler, m’envoyer <strong>de</strong>s choses <strong>et</strong>c., mais ce qu’on me disait, ce qu’on m’écrivaitsur ce suj<strong>et</strong>, je le faisais connaître à tout le mon<strong>de</strong>. Voilà la métho<strong>de</strong> prise. Je fais observer quece n’est pas seulement dans ce suj<strong>et</strong> que j’ai procédé <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te façon. C’était pour moi unemétho<strong>de</strong> générale, encore une fois, c<strong>et</strong>te idée suivant laquelle le ministère du Travail c’était leministère <strong>de</strong>s partenaires sociaux : on y avait accès pour tout, <strong>et</strong> je disais toujours à mes50 Décr<strong>et</strong> n°74-783 du 12 septembre 197451 Cf. Droit Social <strong>de</strong> février 1974.52 Cf. Tonneau (Jean-Philippe), « L’accès au droit <strong>et</strong> à la justice durant la décennie 1970, ou lorsque les avocats<strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s passeurs » in Michel (Hélène), Willemez (Laurent), dir., La justice au risque <strong>de</strong>s profanes, Paris,PUF/CURAPP, (à paraître).53 Cf. Le Mon<strong>de</strong> du 15 juin 1975.22

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