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Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

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<strong>de</strong> juge, c’est aussi plus généralement rappeler la dimension sociale <strong>de</strong> l’institutionprud’homale qui fonctionne grâce à <strong>de</strong>s salariés <strong>et</strong> <strong>de</strong>s employeurs <strong>et</strong> non pas en étant auxmains <strong>de</strong> délégués patronaux <strong>et</strong> syndicaux désignés par les confédérations nationales(chapitre 1). Pour les conseillers, la revendication d’une expérience <strong>de</strong> terrain est un <strong>de</strong>smoyens <strong>de</strong> défendre une place largement convoitée par les permanents <strong>de</strong>s organisations<strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> professionnelles. On comprend alors les tensions <strong>entre</strong> « les vrais Me<strong>de</strong>f » <strong>et</strong> lesconseillers membres d’unions patronales locales qui disent avoir une vision plus près <strong>de</strong>sproblèmes réels <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise. On comprend aussi que dans l’appréciation <strong>de</strong>s affaires,certains conseillers, sans passé syndical mais ayant rejoint une liste pour les élections, seplaisent à m<strong>et</strong>tre en avant leurs ré<strong>action</strong>s plus spontanées <strong>et</strong> plus « authentiques » face àl’injustice dont seraient victimes les salariés.Ni professionnel du droit, ni professionnel du syndicalisme, les conseillers enten<strong>de</strong>nt fairevaloir une autre dimension : celle issue du mon<strong>de</strong> du travail <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise. L’appartenanceà un mon<strong>de</strong> professionnel constitue donc un véritable enjeu pour les conseillers <strong>et</strong>, au-<strong>de</strong>là,pour ceux qui ont <strong>de</strong>s positions dans les organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> professionnelles. Lefonctionnement <strong>de</strong>s <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong> <strong>et</strong> les pratiques <strong>de</strong>s conseillers invitent à poser ànouveau la question <strong>de</strong> la représentation du mon<strong>de</strong> du travail <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise <strong>et</strong> les enjeuxautour du monopole <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te représentation par les organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong>professionnelles. Parallèlement, en ancrant la justice du travail dans le champ social, lesconseillers éloignent l’institution prud’homale du champ judiciaire tentant <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> leurqualité <strong>de</strong> profane, la garantie d’une bonne justice du travail 338 . Ils sont ainsi les détenteurs <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te légitimité sociale <strong>de</strong> l’institution, qui se présente comme une force <strong>de</strong> résistance face àun mouvement fort d’intégration au champ judiciaire.***Nous avions pu dire que les conseillers combinaient différents savoir <strong>et</strong> savoir-faire dans leurspratiques <strong>de</strong> jugement. Empruntant au champ professionnel, au champ syndical <strong>et</strong> au champjuridique, ils pouvaient tour à tour se faire employeur ou salarié, juriste, syndicaliste selon lesdifférentes étapes <strong>de</strong> la procédure prud’homale. Ainsi par exemple, en audience, pourcomprendre les histoires <strong>de</strong> travail ils re<strong>de</strong>venaient membre <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise, en délibéré ilsm<strong>et</strong>taient en œuvre leurs pratiques <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> lors <strong>de</strong> la réd<strong>action</strong> du jugement il revêtaientl’habit <strong>et</strong> les habitu<strong>de</strong>s du juge. Sans être fausse, c<strong>et</strong>te vision est très réductrice parce que tousles conseillers ne disposent pas <strong>de</strong>s mêmes ressources pour se faire tour à tour syndicaliste oujuriste dans le conseil <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong>. Autrement, tous n’ont pas un stock équivalent <strong>de</strong>connaissances <strong>et</strong> <strong>de</strong> savoir-faire disponibles dans lequel ils pourraient puiser en fonction <strong>de</strong>ssituations. En revanche tous les conseillers peuvent être situés par rapport à ces trois champssociaux <strong>et</strong> c’est en fonction <strong>de</strong> la distance à ces différents champs qu’ils ont plus ou moins lesmoyens <strong>de</strong> se conformer à la figure sociale centrale <strong>de</strong> ce champ : le juge, le syndicaliste, lepatron, le salarié. Si les conseiller parviennent effectivement à combiner différentescompétences <strong>et</strong> pratiques c’est à la fois dans <strong>de</strong>s proportions qui dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leurs distancessociales à ces différents champs <strong>et</strong> selon <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s qui dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s investissements qu’ilsont pu faire dans leur trajectoire professionnelle, <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> juridique. <strong>Les</strong> conseillers338Sur c<strong>et</strong>te dimension, cf. Hélène Michel <strong>et</strong> Laurent Willemez, dir., La justice au risque <strong>de</strong>s profanes, op. cit..Voir en particulier la contribution d’Antoine Vauchez, « Le juge, l’homme <strong>et</strong> la « cage d’acier ». Larationalisation <strong>de</strong> l’activité judiciaire à l’épreuve du ‘moment Outreau’ ».164

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