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Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

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) une ressource pour légitimer une pratique judiciaireL’expérience professionnelle est doublement convoquée par les conseillers. D’une part pourse positionner face aux juges qui n’y connaîtraient, n’ayant <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise qu’une visionpartielle à travers les affaires qui viennent <strong>de</strong>vant eux ; leur jugement serait donc partial <strong>et</strong> <strong>de</strong>partis pris contre les employeurs. Parmi le nombre très élevé <strong>de</strong> discours recueillis sur c<strong>et</strong>hème, contentons-nous <strong>de</strong> citer les promos <strong>de</strong> c<strong>et</strong> employeur, très dur à l’égard <strong>de</strong>s juges <strong>de</strong>la cour d’Appel mais qui exprime bien l’opposition <strong>entre</strong> d’un côté ceux qui « en sont », ycompris les salariés <strong>et</strong>, <strong>de</strong> l’autre, ceux qui n’en sont pas <strong>et</strong> ne peuvent avoir une vision juste<strong>de</strong>s affaires :« c'est <strong>de</strong>s gens qui n'ont aucune notion <strong>de</strong> l'<strong>entre</strong>prise. Ils ne veulent pas l’avoir. Ils disent qu’ils l’ont, mais ilsne l'ont pas. Ce sont <strong>de</strong>s gens qui sont carrément à côté <strong>de</strong> leurs pompes. Ils règlent <strong>de</strong>s comptes avecl'<strong>entre</strong>prise. Parce que l'<strong>entre</strong>prise, aujourd'hui, pour eux, pour ces imbéciles, les patrons, ce sont <strong>de</strong>s escrocs.Point. (…) On règle <strong>de</strong>s comptes même si on fait crever l'<strong>entre</strong>prise. Imbéciles. Je dis bien imbéciles. Je suispour le respect <strong>et</strong> la <strong>défense</strong> <strong>de</strong>s salariés. Je suis contre <strong>de</strong>s gens qui règlent <strong>de</strong>s comptes. » 337C<strong>et</strong>te compétence du terrain est convoquée d’autre part pour distinguer les conseillers<strong>prud’hommes</strong> <strong>de</strong>s professionnels du syndicalisme c’est-à-dire tous ceux qui, à forced’accumuler les mandats syndicaux n’auraient que quelques heures <strong>de</strong> présence dansl’<strong>entre</strong>prise, voire plus du tout <strong>et</strong> s’éloigneraient ainsi <strong>de</strong>s réalités du terrain. <strong>Les</strong> plusvirulents à l’égard <strong>de</strong>s permanents syndicaux sont les employeurs, mais la critique vaut aussipour les employeurs, dans une moindre mesure néanmoins. <strong>Les</strong> membres d’organisationsprofessionnelles sont en eff<strong>et</strong> beaucoup moins nombreux au sein <strong>de</strong>s conseillers employeurs<strong>et</strong> les permanents patronaux sont plutôt rares (cf. chapitre 4). Pourtant, il y a un nombre élevé<strong>de</strong> r<strong>et</strong>raités qui ont trouvé un autre emploi en travaillant bénévolement pour l’organisationpatronale.C<strong>et</strong> état <strong>de</strong> fait est bien connu <strong>de</strong>s responsables syndicaux qui cherchent à <strong>de</strong>vancer cescritiques en suscitant <strong>de</strong>s candidatures <strong>de</strong> gens « en activité » <strong>et</strong> à renouveler suffisamment leslistes à chaque élection. A défaut, ils invitent les conseillers qui prennent <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong>responsabilités dans l’organisation <strong>syndicale</strong> à rester en contact avec la réalité en assurant <strong>de</strong>spermanences <strong>syndicale</strong>s, dans les bourses du travail, dans les unions locales ou même autéléphone, <strong>de</strong> manière à être confrontés directement aux histoires <strong>et</strong> aux affaires <strong>de</strong>s salariés.De c<strong>et</strong>te manière ils peuvent lieux suivre l’évolution <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> travail, <strong>de</strong>s contrats <strong>de</strong>travail <strong>et</strong> <strong>de</strong>s manières <strong>de</strong> les rompre.Ils peuvent ainsi tenter <strong>de</strong> contrer une tendance générale <strong>de</strong> spécialisation à l’œuvre au sein<strong>de</strong>s organisations <strong>syndicale</strong>s. Ils observent que dans les organisations <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong>professionnelles s’effectue une division du travail <strong>de</strong> plus en plus forte <strong>entre</strong> d’un côté lesexperts <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’autre les militants <strong>et</strong> que les recrutements du personnel obéissent <strong>de</strong> plus enplus à la recherche <strong>de</strong> compétences spécifiques (en droit, en économie, en affaireseuropéennes…) parfois au détriment d’une fibre militante. Et plus on monte dans lahiérarchie, plus c<strong>et</strong>te tendance, en lien avec l’évolution du champ <strong>de</strong>s politiques <strong>publique</strong>ssociales, semble avérée. A c<strong>et</strong> égard, les CPH apparaissent comme un lieu où c<strong>et</strong>te tendancepeut encore être enrayée à condition que les Conseils restent ancrés dans les réalités sociales<strong>et</strong> économiques locales. C<strong>et</strong> ancrage passe par les conseillers pour autant qu’ils soient <strong>de</strong> cemon<strong>de</strong> du travail. M<strong>et</strong>tre alors en avant son appartenance professionnelle, pour un conseiller,ce n’est pas seulement un moyen <strong>de</strong> convoquer d’autres sources <strong>de</strong> légitimités <strong>de</strong> son travail337Entr<strong>et</strong>ien n°C08.163

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