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Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

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professionnelle, la pratique <strong>de</strong>s autres. La frontière est ténue <strong>entre</strong> les <strong>de</strong>ux <strong>et</strong> on comprendqu’en passant aux <strong>prud’hommes</strong>, les employeurs se sentent jugés pour leur mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> gestion.Du côté du collège employeurs, c’est bien <strong>de</strong> cela dont il s’agit. L’appréciation <strong>de</strong> l’affaire està la fois une appréciation sur la légalité <strong>de</strong> l’<strong>action</strong> <strong>de</strong> licenciement mais aussi uneappréciation plus morale <strong>de</strong> la manière dont l’employeur gère son personnel, l’embauche <strong>et</strong> lelicencie. Dans le cas du licenciement pour insuffisance professionnelle, il s’agit <strong>de</strong> faire valoirque ce n’est qu’à l’usage, dans un temps suffisamment long que le salarié se révèleinsuffisant. Et selon Daniel V, « y’a quelqu'un qui était recruté, qui se présentait avec un CV,avec une expérience, <strong>et</strong>c. <strong>et</strong> puis au bout <strong>de</strong>... ça <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du temps à s'apercevoir ça, <strong>et</strong> ça<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d'autant plus <strong>de</strong> temps que la responsabilité est élevée... c’est pas le bon profil,bon. » 330 . Lui aussi il reconnaît que ce n’est pas facile d’établir les faits qui attestent <strong>de</strong> c<strong>et</strong>teinsuffisance. Mais comme Anne V, il rappelle que « ce qui est difficile, c'est d'abordd'apprécier ce qui est le contenu réel <strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong> l'intéressé <strong>et</strong> d'apprécier si le jugement<strong>de</strong> valeur correspond bien à la responsabilité confiée au collaborateur ». Mais à la différence<strong>de</strong> Anne, il rappelle que c’est « l’employeur qui dirige son <strong>entre</strong>prise <strong>et</strong> c'est quand même àlui qu'il appartient <strong>de</strong> donner un jugement <strong>de</strong> valeur sur la qualité du travail fourni parl'intéressé ». Autrement dit, il ne s’agit pas <strong>de</strong> contester la validité <strong>de</strong> ce que déclarel’employeur, mais seulement <strong>de</strong> lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r d’étayer son appréciation sur <strong>de</strong>s faits. Une foisles faits établis, il s’agit <strong>de</strong> savoir si « ce qui est reproché est suffisamment important pourjustifier une rupture du contrat travail ». C’est à ce moment-là qu’intervient l’appréciation duconseil <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong> qui peut rej<strong>et</strong>er le motif. Le conseil n’aurait pas, selon lui, à établirles « erreurs <strong>de</strong> recrutement » qui sont, dans un cas comme celui-ci, évi<strong>de</strong>ntes. Il n’aurait pasnon plus à les sanctionner puisque l’employeur pâtit déjà <strong>de</strong> ces erreurs dans la mesure où lapersonne recrutée ne fait pas bien son travail <strong>et</strong> empêche vraisemblablement l’<strong>entre</strong>prise <strong>de</strong>tourner au mieux. Pourtant, au cas où le licenciement est effectivement contesté, c’est bienune sanction à l’égard <strong>de</strong> l’employeur qui est prise <strong>et</strong>, plus généralement, une sanction <strong>de</strong> samanière <strong>de</strong> se comporter avec ses salariés.On se situe donc au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la seule application du droit. En eff<strong>et</strong>, la condamnation peut êtrejuridique <strong>et</strong> financière, mais elle est aussi morale au sens où non seulement il s’agit <strong>de</strong> prendreune leçon <strong>de</strong> « bonne gestion » <strong>de</strong>s relations sociales dans l’<strong>entre</strong>prise, mais aussi d’êtrereconnu comme « bon » employeur ou bon salarié.- Le sage dans les relations <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>priseC’est dans c<strong>et</strong>te perspective que le conseiller prud’homme est amené à jouer un rôle <strong>de</strong>« sage » qui, tout en connaissant le mon<strong>de</strong> qu’il juge, peut s’en éloigner suffisamment pourprendre la hauteur <strong>et</strong> le recul nécessaire. Et il peut d’autant mieux faire la leçon aux partiesqu’il est lui-même capable <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en œuvre ce sens <strong>de</strong>s bonnes relations <strong>entre</strong> employeurs<strong>et</strong> salariés.En venant au CPH, les conseillers <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s généralistes du mon<strong>de</strong> du travail dans lamesure où leurs connaissances <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise débor<strong>de</strong>nt largement celles qu’ils ont pu avoirpersonnellement. Ainsi, non seulement ils prennent connaissance <strong>de</strong> ce qui se passe dans lesautres <strong>entre</strong>prises mais ils prennent aussi du recul avec leur propre expérience. Comme lerappelle ce conseiller salarié, récemment élu, « ça me plaît <strong>et</strong> puis ça perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> sorti <strong>de</strong> laboîte aussi. Ça élargit notre champ <strong>de</strong> vision. Même si c’est dans l’industrie, c’est une vision330Entr<strong>et</strong>ien n°B 04160

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