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Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

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« c'est vrai qu'il faut qu'on sache lire un bilan... pas qu'on sache lire comme un directeurfinancier ou comme un comptable... mais il faut qu'on sache lire tout ce qui se passe, latechnique. Mais on trouve toujours chez les conseillers. Alors on explique, on explique... Moi, jesais que je suis <strong>de</strong> formation comptable. Au départ j'ai fait <strong>de</strong> l'expertise comptable, donc je saislire un bilan – je savais, aujourd'hui peut-être plus. Enfin si, je sais lire un bilan. On fait trèsattention au niveau <strong>de</strong>s groupes : quand une société nous dit : ‘on est en déficit’, on regar<strong>de</strong>quand même parce que souvent il y a <strong>de</strong>s transferts d'argent vers l'étranger, par exemple sous unerubrique <strong>de</strong> frais <strong>de</strong> siège, <strong>de</strong> frais informatiques... » 324Sans aller jusqu’à penser, comme lui, que le juge professionnel ne sait pas lire un bilan, nouspouvons rappeler que pour un expert-comptable, un directeur <strong>de</strong>s ressources humaines ouencore un gestionnaire, ces compétences vont <strong>de</strong> soi. C’est d’ailleurs souvent pour ces raisonsque nous avons eu du mal à recueillir <strong>de</strong>s récits détaillés sur les manières <strong>de</strong> juger <strong>de</strong>sconseillers. Mais ces compétences ne sont pas partagées par tous. Selon les Conseils <strong>de</strong><strong>prud’hommes</strong> <strong>et</strong> les sections, les <strong>de</strong>ux collèges sont plus ou moins hétérogènes en matière <strong>de</strong>formation économique <strong>et</strong> juridique <strong>et</strong> d’origine sociale <strong>et</strong> professionnelle. Souvent lesconseillers employeurs se plaignent justement <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> connaissances économiques<strong>de</strong>s salariés, comme ce prési<strong>de</strong>nt qui critique son alter ego dans le collège salarié :« Je ne peux avoir absolument aucune collaboration avec lui. Aucune. C'est pas sa faute. L'économie, ilne sait pas ce que c'est. C'est un niveau même pas CAP, c'est un niveau maternelle. Comment voulezvousque j'ai une relation avec quelqu'un comme ça, moi, je suis ingénieur. J'ai fait du droit, j'ai fait <strong>de</strong>l'économie, je ne sais pas comment il a fait, mais il n'a absolument aucune connaissance dans cedomaine-là. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse, moi ? (…) Moi, je ne peux pas discuter avecquelqu'un qui n'a aucune notion <strong>de</strong> l'économie nationale <strong>et</strong> internationale. » 325Si l’exercice d’un mandat syndical, comme celui d’élu au comité d’<strong>entre</strong>prise, allié auxformations <strong>syndicale</strong>s peuvent utilement compenser ce handicap, il n’empêche que lescompétences professionnelles comme leurs usages restent très hétérogènes. Pour pouvoirmieux apprécier ces processus d’importation, nous avons donc choisi <strong>de</strong> nous c<strong>entre</strong>r sur unesection <strong>et</strong> un Conseil <strong>de</strong> <strong>prud’hommes</strong> où les différences <strong>entre</strong> les conseillers, au sein <strong>et</strong> <strong>entre</strong>les collèges, semblaient faibles. Dans la section encadrement d’un conseil <strong>de</strong> régionparisienne, nous avions ainsi interrogé les conseillers sur <strong>de</strong>s affaires <strong>de</strong> licenciement pour« insuffisance professionnelle ». Ces licenciements ont la particularité d’être motivés par un« motif mou », pour reprendre l’expression d’un conseiller, puisqu’ils ne relèvent ni dulicenciement économique, ni du licenciement disciplinaire, mais d’une qualification quirepose sur une appréciation très subjective <strong>de</strong> l’employeur. Pour les conseillers, il faut à lafois trouver <strong>de</strong>s faits qui perm<strong>et</strong>tent d’apprécier c<strong>et</strong>te « insuffisance » sans nécessairementavoir à requalifier le licenciement pour faute. Manifestement, selon les conseillers interrogés,c’est un type <strong>de</strong> licenciement « nouveau » pour laquelle ils ne disposent pas encored’habitu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> références prud’homales. Sur ce type d’affaires nous avions eu nonseulement l’impression que les conseillers pouvaient directement transposer leurs savoir-faireprofessionnel dans leur activité <strong>de</strong> jugement, mais <strong>de</strong> plus qu’ils jugeaient effectivement leurspairs. En eff<strong>et</strong>, issus du milieu <strong>de</strong> l’audit ou <strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong>s ressources humaines, lesconseillers interrogés nous ont décrit une pratique d’audit <strong>et</strong> ont expliqué comment ilsfaisaient pour évaluer les compétences dans une <strong>entre</strong>prise.Ainsi, Laurent M., conseiller salarié <strong>de</strong>puis trois mandats dans la section encadrement, quitravaille dans un cabin<strong>et</strong> d’audit explique comment il travaille lorsqu’il a à juger une affaire :« Moi je travaille beaucoup par constats, ‘on a constaté que’, c’est-à-dire <strong>de</strong>s faits précis,matériellement vérifiables. C’est vraiment ‘voilà ce que nous on a constaté, on aeffectivement accepté mais on a constaté que’ <strong>et</strong> nous, on avance comme ça. L’intérêt c’est <strong>de</strong>324Entr<strong>et</strong>ien n°B05.325Entr<strong>et</strong>ien n°C08.158

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