temps <strong>et</strong> qu’il va falloir que se <strong>de</strong>ssine une ligne d’interprétation claire. Mais on s’en rem<strong>et</strong>aux professionnels <strong>de</strong> la justice, se contentant d’ai<strong>de</strong>r à l’argumentaire. Ainsi, c<strong>et</strong> employeurdans la même section que Christian <strong>et</strong> André inscrit lui aussi sa contribution dans une <strong>action</strong>plus collective, m<strong>et</strong>tant en jeu d’autres acteurs <strong>de</strong> la justice du travail, <strong>et</strong> qui se déploie dans lelong terme : « on écoute les arguments <strong>de</strong>s uns, les arguments <strong>de</strong>s autres, <strong>et</strong> ça donne unedécision. Mais c<strong>et</strong>te décision, si vous tombez sur un très bon avocat, vous arriverez peut-êtreà faire changer les choses » 319 .<strong>Les</strong> affaires prennent alors un autre sens <strong>et</strong> l’issue qui leur est donnée peut être interprétée àl’aune d’une stratégie judiciaire d’un mouvement syndical. Leur socialisation <strong>syndicale</strong> ai<strong>de</strong>les conseillers à appréhen<strong>de</strong>r <strong>de</strong> la sorte les affaires <strong>et</strong> à tirer profit <strong>de</strong>s décisions, même sielles ne vont pas forcément dans le sens qu’ils souhaiteraient. De même que leur socialisationjuridique au sein <strong>de</strong> l’organisation <strong>syndicale</strong> leur perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> penser à une autre échelle lesaffaires, ce qui les oblige à argumenter en prenant en compte les différents niveaux <strong>et</strong> lesdifférents coups qui peuvent être joués.Sans revenir sur l’histoire <strong>et</strong> la philosophie du droit du travail, on saisit combien ce droit est àla fois le résultat <strong>de</strong> rapports <strong>de</strong> forces <strong>et</strong> le moyen d’agir collectivement à condition <strong>de</strong>replacer le CPH dans le champ syndical qui n’est pas indépendant du mon<strong>de</strong> du travail.D’ailleurs, la plupart <strong>de</strong>s conseillers syndicalistes interrogés ne distinguent pas les <strong>de</strong>ux,comme c<strong>et</strong>te conseillère CGC <strong>de</strong> la section encadrement : « On est <strong>de</strong>s militants syndicaux.On connaît quand même l’<strong>entre</strong>prise » 320 . Il n’est pas sûr toutefois que les <strong>de</strong>ux se confon<strong>de</strong>ntpour tous les conseillers.2. Des juges <strong>de</strong> terrain : usages <strong>et</strong> enjeux d’une spécificitéLa connaissance <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise est constamment mise en avant dans les discours <strong>de</strong>sconseillers à la fois pour se distinguer <strong>de</strong>s juges <strong>de</strong> carrière <strong>et</strong> pour légitimer à partir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>étalon leur activité prud’homale. Sans en revenir au fon<strong>de</strong>ment même <strong>de</strong> l’institutionprud’homale, ils critiquent <strong>de</strong> manière unanime les juges qui n’auraient aucune expérienceconcrète du mon<strong>de</strong> du travail <strong>et</strong> ce, d’autant plus que la distance sociale qui les sépare <strong>de</strong>sprofessionnels <strong>de</strong> la justice est gran<strong>de</strong>. Sans trop insister sur c<strong>et</strong>te dimension bien connue,rappelons simplement, avec ce conseiller employeur que c<strong>et</strong>te opposition aux magistrats <strong>de</strong>carrière en recouvre d’autres, comme l’opposition <strong>entre</strong> travail manuel <strong>et</strong> travail intellectuel,<strong>entre</strong> mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’administration <strong>et</strong> mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise ou encore <strong>entre</strong> ceux d’en haut <strong>et</strong>ceux d’en bas :« J'appelle pas ça <strong>de</strong>s juges professionnels parce que les juges professionnels, c'est nous. C'est <strong>de</strong>s juges <strong>de</strong>l'administration. (…) La plupart du temps, nous, on connaît le métier. On sait ce que c'est. On est au bas <strong>de</strong>l'échelle, on connaît le métier. La plupart du temps les affaires qui se présentent <strong>de</strong>vant nous, il y en a toujoursun au moins qui connaît c<strong>et</strong>te convention, qui connaît ça, qui connaît le travail. On se r<strong>et</strong>rouve... il y a <strong>de</strong>smétiers qu'on connaît pas mais on imagine, étant donné qu'on est les uns salariés, nous employeurs, on sait ceque c'est quand même être sur le tas. Ce que n'ont pas les juges administratifs qui n'y sont jamais allés. Ils ontfait qu'apprendre dans les livres. C'est pas pareil. » 321319Entr<strong>et</strong>ien n°F11.320Entr<strong>et</strong>ien n°B 06321Entr<strong>et</strong>ien n° I 06156
Toutefois, si personne ne conteste c<strong>et</strong>te spécificité « <strong>de</strong> terrain » aux conseillers, pourreprendre une <strong>de</strong> leurs expressions, indifféremment utilisée dans les <strong>de</strong>ux collèges, il reste àexpliquer comment, dans leurs pratiques prud’homales, ils l’intègrent <strong>et</strong> l’utilisent comme unecompétence particulière. Comment <strong>et</strong> à quels moments s’effectue c<strong>et</strong>te importation <strong>de</strong> savoirs<strong>et</strong> <strong>de</strong> savoir-faire professionnels qui, tout en unissant les <strong>de</strong>ux collèges <strong>de</strong> conseillers face auxjuges <strong>de</strong> carrière, accentuent encore leur opposition. Car, comme le rappelle tout simplementce conseiller salarié, magasinier dans une grosse <strong>entre</strong>prise textile : « c’est qu’on a pas lamême vue <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise. Eux sont employeurs, ils sont dans un bureau. Le salarié c’est luiqui est en bas, qui est aux man<strong>et</strong>tes, qui voit comment sa se passe » 322 . En rappelant ainsi c<strong>et</strong>teévi<strong>de</strong>nce, il montre combien la définition <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te compétence dite <strong>de</strong> terrain reste un enjeu <strong>de</strong>luttes <strong>entre</strong> les <strong>de</strong>ux collèges <strong>et</strong> au sein d’un même collège. La ressource professionnelle estdonc à la fois une ressource que les conseillers peuvent mobiliser pour juger concrètement lesaffaires, mais aussi une ressource pour légitimer une « bonne » pratique prud’homale que lesprofessionnels du droit ou les professionnel du syndicalisme ne sauraient détenir.a) une ressource pour juger les affairesAlors que nous <strong>de</strong>mandions à un conseiller en quoi l’audience <strong>de</strong>s parties était importantepour qu’il se fasse sa conviction, il a répondu : « quand on arrive, on peut consulter lesdossiers. Donc vous avez les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s. Mais par contre, vous n’avez pas l’histoire, vousavez juste que <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s » 323 . Ainsi pour lui, comme pour la plupart <strong>de</strong>s conseillers, ils’agit d’avoir l’histoire <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s, ce qui revient à recueilli <strong>de</strong>s histoires <strong>de</strong> travail pourpouvoir restituer le déroulement <strong>de</strong>s faits <strong>et</strong> les versions opposées <strong>de</strong> ce récit. Dans c<strong>et</strong>te étape<strong>de</strong> la procédure, les articles du Co<strong>de</strong> du travail ne sont pas directement utiles, même si lesavocats qualifient déjà les faits. Pour les conseillers, ce qui compte c’est c<strong>et</strong>te restitution fine<strong>de</strong> situations <strong>de</strong> travail où effectivement, la connaissance spécifique <strong>de</strong> certains milieuxprofessionnels <strong>et</strong> plus généralement l’expérience <strong>de</strong>s relations sociales dans l’<strong>entre</strong>prise leurperm<strong>et</strong>tent d’apprécier ces litiges <strong>et</strong> <strong>de</strong> « bien » les juger.- L’expert d’un milieu professionnel<strong>Les</strong> licenciements économiques constituent une part importante <strong>de</strong>s affaires que lesconseillers ont à examiner. C’est une disposition récente sur laquelle les conseillers ont eubeaucoup <strong>de</strong> formations. Très souvent utilisés par les employeurs <strong>et</strong> très souvent contestés parles salariés. L’employeur doit justifier le licenciement en prouvant les difficultés économiques<strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise. Aux conseillers à apprécier la validité <strong>de</strong> ces preuves. Pour Michel A.,conseiller employeur <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te section, il faut savoir lire un bilan. Et c<strong>et</strong>te compétence est sansdoute plus importante selon lui que la bonne connaissance du droit du travail puisqu’il s’agitprécisément <strong>de</strong> débattre <strong>de</strong> la valeur <strong>de</strong>s arguments économiques avancés :322Entr<strong>et</strong>ien n° F15.323Entr<strong>et</strong>ien n°F08.157
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