« finalement dans les négociations les <strong>de</strong>ux ne sont pas inutiles, il y en a un qui tire vers le haut,le patron sait qu’il ne signera jamais, mais en même temps ça tire quand même bien vers le haut,ils ont une position plus facile, parce que c’est vrai qu’ils ne signent pas, donc c’est vrai quec’est très confortable, mais bon finalement ça se complète, dès fois j’y réfléchis comme ça,qu’est-ce qui se passerait si il n’y avait pas <strong>de</strong> syndicat CGT qui dise « non moi je ne signe rien,c’est une honte il faut faire ci, ça », ça nous sert, je ne veux pas dire qu’on signerait n’importequoi, mais en tout cas ça alimente le discours, nos appuis. (…) on r<strong>et</strong>rouve ça ici. » 309Le parallèle qu’elle fait <strong>entre</strong> la négociation <strong>syndicale</strong> au niveau nationale <strong>et</strong> la négociation ausein du délibéré est certes limité, puisque le « pluralisme » <strong>syndicale</strong> se limite à <strong>de</strong>uxtendances maximale <strong>et</strong> qu’il n’y a pas toujours à « négocier » la décision à rendre. Mais ilreste important. On le r<strong>et</strong>rouve également chez <strong>de</strong>s conseillers employeurs qui aiment savoirqui ils ont en face d’eux. Dans c<strong>et</strong>te perspective, certains n’hésitent pas à utiliser l’étape <strong>de</strong> laconciliation non plus comme une première étape où on tenterait <strong>de</strong> régler à l’amiable lesdifférends, mais bien comme « une espèce <strong>de</strong> tour <strong>de</strong> piste <strong>de</strong> rapport <strong>de</strong> force. » 310 Il s’agitalors non seulement <strong>de</strong> prendre connaissance <strong>de</strong> l’affaire mais aussi <strong>de</strong>s différents points <strong>de</strong>vue sur c<strong>et</strong>te affaire. Dans les p<strong>et</strong>its Conseils où les conseillers suivent l’affaire <strong>de</strong>puis l’étape<strong>de</strong> la conciliation jusqu’au bureau <strong>de</strong> jugement, ce « tour <strong>de</strong> piste » s’avère important.Certains conseillers n’hésitent pas à dénoncer un tel parallèle <strong>entre</strong> la négociation <strong>syndicale</strong> <strong>et</strong>les débats dans les délibérés, rappelant qu’« il n’y a rien à négocier en délibéré » puisqu’ils« jugent juge en droit » tout en rappelant par exemple que dans le jugement <strong>entre</strong> en compte« la force <strong>de</strong> conviction <strong>de</strong> chacun » 311 . On est bien là dans la difficulté à dissocier ce quirelève d’un apprentissage spécifique (savoir syndical) d’une socialisation institutionnelle(ancienn<strong>et</strong>é dans le CPH) dans la tenue du rôle.Mais il est <strong>de</strong>s cas où la tactique <strong>de</strong> jeu est beaucoup plus explicite <strong>et</strong> s’exprime effectivementsur le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> la négociation <strong>syndicale</strong>. L’exemple que donne Michel A., conseilleremployeur affilié au Me<strong>de</strong>f <strong>et</strong> par ailleurs formateur au niveau départemental, est à c<strong>et</strong> égardéclairant dans la manière dont l’apprentissage syndical <strong>de</strong> la négociation peut trouver às’exprimer dans la négociation en délibéré. « C'est tout à fait une négociation d'<strong>entre</strong>prise.C'est tout à fait une négociation <strong>syndicale</strong> dans l'<strong>entre</strong>prise. C'est tout à fait ça. Il y a <strong>de</strong>stechniques, si vous voulez. » 312 Il explique tout d’abord qu’il faut toujours laisser les salariéss’exprimer en premier. Il rappelle que c<strong>et</strong>te technique est vraisemblablement également envigueur chez les salariés ce qui parfois conduit à <strong>de</strong>s situations où personne ne veutcommencer sauf lorsqu’il s’agit d’un conseiller qui a suffisamment d’autorité pour pouvoirdonner le ton <strong>et</strong> ainsi imposer ses vues. Ensuite, il explique « la technique » concernant leschefs <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s en rappelant la règle :« le premier chef <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu'on va examiner, alors que les autres seraient peut-être plussimples, mais le premier chef <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu'on va examiner, c'est la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d'in<strong>de</strong>mnité pourlicenciement sans cause réelle <strong>et</strong> sérieuse. Pourquoi ? Parce que si on arrive à un accord sur cechef <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, les autres, ça suivra. Si on n'arrive pas à un accord, on ira au départage. Etnous, notre principe employeurs, c'est qu'on ne fait jamais <strong>de</strong> départage partiel. Pour nous, uneaffaire, c'est un ensemble. Donc on ne fait pas <strong>de</strong> départage partiel. Or si on étudie d'abord lesproblèmes salariaux, si on étudie un problème <strong>de</strong> procédure, si on étudie les congés payés, on vase m<strong>et</strong>tre d'accord, on va se m<strong>et</strong>tre obligatoirement d'accord. Enfin, il y 999 chances sur 1000pour qu'on se m<strong>et</strong>te d'accord. Et quand on va arriver sur le licenciement, on va pas se m<strong>et</strong>tred'accord, donc on va aller au départage là-<strong>de</strong>ssus. Or nous, nous disons : une affaire, c'est uneaffaire dans son ensemble. Donc on va commencer par faire tout ce qui concerne le licenciement.309Entr<strong>et</strong>ien n°E03.310Entr<strong>et</strong>ien n°F02.311Entr<strong>et</strong>ien n°B04.312Entr<strong>et</strong>ien n°B05.152
Quand on aura fait le licenciement, on va faire la procédure <strong>de</strong> licenciement ; ensuite on vaabor<strong>de</strong>r tout ce qui est salaire, <strong>et</strong> on finira par tout ce qui est licenciement. Voilà notr<strong>et</strong>echnique. » 313Dans c<strong>et</strong> exemple, on sent bien à la fois la stratégie qui est mise en œuvre pour tenter <strong>de</strong>prendre l’ascendant sur l’autre collège <strong>et</strong> la technique <strong>de</strong> négociation proprement dite qui estappliqué au cas du licenciement. Comme il le rappelle lui-même : « C'est du tout la technique<strong>de</strong>s salariés. <strong>Les</strong> salariés commenceront jamais par le licenciement. (…) Mais ils vontcommencer par là où ils sont sûrs <strong>de</strong> récupérer <strong>de</strong> l'argent ; ils se disent : après tout, si on nese m<strong>et</strong> plus d'accord sur les dommages <strong>et</strong> intérêts, on ira en départage là-<strong>de</strong>ssus, mais c'esttoujours acquis pour le restant. Et oui, c'est comme ça. Nous, c'est pas ça. On a <strong>de</strong>stechniques, on a une doctrine... C'est ça les différences qu'il peut y avoir <strong>entre</strong> les conseillerssalariés <strong>et</strong> les conseillers employeurs. » 314Là où la négociation est sans doute la mieux assumée par les conseillers, c’est lorsqu’il s’agit<strong>de</strong> s’entendre sur les quantum parce qu’il s’agit véritablement <strong>de</strong> négocier, une fois l’accordétabli <strong>entre</strong> les uns <strong>et</strong> les autres 315 . Et là, effectivement, s’établit un jeu <strong>de</strong> négociation avec<strong>de</strong>s marges <strong>de</strong> manœuvre plus ou moins importante selon la nature <strong>de</strong> l’affaire <strong>et</strong> selon leschefs <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. <strong>Les</strong> conseillers peuvent par exemple déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> négocier chef <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>par chef <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ou au contraire, considérer l’ensemble, ce qui donne peut-être un cadreplus souple <strong>de</strong> négociation. <strong>Les</strong> syndicalistes ont l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces tactiques <strong>et</strong> peuventimporter au CPH ces savoir-faire qu’ils ont développés dans le cadre syndical. A euxégalement <strong>de</strong> partager ce savoir <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’enseigner aux nouveaux. C<strong>et</strong>te conseillère explique parexemple comment elle a appris, elle qui n’a jamais eu c<strong>et</strong>te expérience là dans l’organisation<strong>syndicale</strong> <strong>et</strong> qui vient d’arriver au CPH, grâce aux anciens, à lâcher sur certains points pouremporter l’ensemble :« il m'est arrivé qu'un ancien il m'écrive sur une feuille pendant que les autres ils regardaient pas : «insiste pas trop, parce que.... » on avait obtenu déjà pratiquement tout, <strong>et</strong> j'insistais encore sur <strong>de</strong>sintérêts. Il m'a écrit, il m'a dit « insiste pas trop parce que... », il m'a dit : « lâche un peu » (rires). Moic'est mon premier mandat, j'ai peut-être pas encore la sagesse pour obtenir ce que je voudrais endélibéré sans... C'est pas que j'agresse, mais je dis clairement ce que je pense, sans agresser. Mais euxsouvent ils obtiennent avec une p<strong>et</strong>ite phrase ce que nous on m<strong>et</strong> un quart d'heure à obtenir. (…) C'està-direqu'ils savent mieux comment s’y prendre. » 316Sans être indispensable au travail prud’homal, l’expérience <strong>syndicale</strong> constitue une ai<strong>de</strong>précieuse pour les conseillers qui peuvent alors plus facilement mener le jeu prud’homal.Dans le cas du délibéré, savoir lâcher sur un point pour obtenir sur d’autres, c’est avoirpleinement conscience qu’une victoire juridique ne s’évalue pas seulement à partir dujugement d’une affaire mais dans un ensemble plus large d’affaires qui prennent sens dans unmouvement collectif <strong>de</strong> <strong>défense</strong> d’une cause générale.b) Jeu d’échelle dans la <strong>défense</strong> <strong>de</strong> la causeCar, au-<strong>de</strong>là du travail même <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> décision collective, les conseillers mobilisent leursavoir syndical pour replacer chaque affaire dans un ensemble plus vaste <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>s d’<strong>action</strong>,313Entr<strong>et</strong>ien n°B05.314Entr<strong>et</strong>ien n°B05.315Nicolas Swierczek, « Le délibéré prud’homal : la recherche d’un accord <strong>entre</strong> collèges », in Hélène Michel <strong>et</strong>Laurent Willemez, dir., <strong>Les</strong> <strong>prud’hommes</strong>. Actualité d’une justice du travail, Paris, Le Croquant, à paraître 2007.316Entr<strong>et</strong>ien n°F16.153
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