10.08.2015 Views

Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

04-44-RF

04-44-RF

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

A la première affaire, l’avocat <strong>de</strong>man<strong>de</strong> le renvoi. Son client est toujours à ses côtés <strong>et</strong> semble ne pascomprendre pourquoi son affaire ne peut être jugée aujourd’hui. <strong>Les</strong> conseillers sont agacés, le prési<strong>de</strong>nt nemanque pas <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s remontrances à l’avocat <strong>et</strong> à son confrère. Une suspension <strong>de</strong> séance est <strong>de</strong>mandéepour étudier la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> renvoi.Stigmatisé comme le syndicaliste qui « bouffe du patron » par les avocats mais aussi par lesconseillers du collège employeur, Michel V. n’hésite pas à rétorquer « qu’il fait seulementson boulot ». Il s’est fait une réputation sur la région puisqu’il fait souvent <strong>de</strong> la <strong>défense</strong> pour<strong>de</strong>s salariés <strong>de</strong> la CGT. Il joue au « cavalier blanc » comme il le dit. Il a aussi un « tableau <strong>de</strong>chasse » puisqu’il a fait condamné <strong>de</strong>s employeurs du CPH. Donc « Disons que lesemployeurs me craignent [rire] Ils me craignent parce qu’ils savent que… avec moi… pas <strong>de</strong>quartier ! ». Au sein du bureau <strong>de</strong> jugement, comme dans les délibérés, c’est lui qui mène lesdébats. Il donne le ton <strong>et</strong> distribue la parole. <strong>Les</strong> conseillers salariés l’observent <strong>et</strong> s’appuientbeaucoup sur lui : « Souvent comme prési<strong>de</strong>nt, il a posé les questions avant que je les pose ».<strong>Les</strong> employeurs se plaignent <strong>de</strong> « l’influence » qu’il exerce sur les autres <strong>et</strong> tentent enaudience <strong>de</strong> pose systématiquement <strong>de</strong>s questions, plutôt au <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur ». De son côté,Michel V. sait bien l’ascendant qu’il exerce sur les autres <strong>et</strong> qui évite qu’en délibéré le collègesalarié ne soit pas unanime : « Bon, je dis pas qu’en délibéré on a <strong>de</strong>s désaccords, ça c’est…Mais généralement ils se rangent à mes arguments ! ». Du côté employeur, ils ne sont pasforcément mécontents <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te « forte personnalité » qui en impose aux avocats <strong>et</strong> qui fait duCPH un lieu où « on ne vient pas les mains dans les poches ». Michel le sait : « N’oubliez pasque je suis un peu patron d’équipe, qu’en assemblée générale c’est souvent moi qui parle. » 305. A l’Union locale, on est un peu soucieux à l’approche <strong>de</strong>s prochaines élections car on saitqu’il doit partir, mais on se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> s’il aura eu le temps <strong>de</strong> former un digne successeur. Enattendant, le « meneur » <strong>de</strong> jeu poursuit ses <strong>action</strong>s au sein du CPH, dans les CPH du ressortlorsqu’il fait <strong>de</strong> la <strong>défense</strong>. Il donne aux conseillers salariés une réelle présence <strong>et</strong> leur perm<strong>et</strong>en audience <strong>et</strong> dans les délibéré <strong>de</strong> « jouer collectif », c’est-à-dire, <strong>de</strong> s’appuyer sur lui, nonseulement ses compétences juridiques (il fait <strong>de</strong>s formations prud’homales <strong>et</strong> se fait un pointd’honneur à lire « tout ce qui sort » sur les jugements) mais aussi sur son aplomb. Ce jeud’équipe n’est pas propre à ce CPH. Dans d’autres, nous avons pu observer le mêmeprocessus dès lors que s’y trouvaient <strong>de</strong> « fortes personnalités », c’est-à-dire <strong>de</strong>s conseillersqui parvenaient à mobiliser leurs collègues <strong>et</strong> à les faire participer au Conseil sur le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’<strong>action</strong> collective. Dans c<strong>et</strong> autre CPH par exemple, c’est le prési<strong>de</strong>nt employeur, un autreMichel, qui joue ce rôle d’entraîneur, non sans quelque fierté : « je sais très bien que tous lesprési<strong>de</strong>nts employeurs quand je siège avec eux, ils atten<strong>de</strong>nt que je parle en premier. Eh oui,oui j'ai un peu c<strong>et</strong>te hégémonie, c<strong>et</strong>te prééminence sur eux... Et puis c'est vrai que j'aitendance à prendre la parole en premier » 306 <strong>Les</strong> autres lui reconnaissent volontiers c<strong>et</strong>tequalité <strong>et</strong> il accepte bien ce rôle.Dans tous les cas, il s’agit <strong>de</strong> conseillers qui ont une forte implication dans leur organisation<strong>syndicale</strong> ou professionnelle, qui font <strong>de</strong> la formation pour les conseillers, qui sont en lienavec les échelons régionaux voire nationaux <strong>de</strong> l’organisation. Ils savent ce que signifie agircollectivement <strong>et</strong> c’est dans c<strong>et</strong> esprit là qu’ils agissent au Conseil, sans pour autant m<strong>et</strong>tre enavant <strong>de</strong>s étiqu<strong>et</strong>tes <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> mélanger les genres. Michel V précisera par exemple « dansla motion que j’ai lue, on faisait allusion trois fois à la CGT. Je me suis dit ‘ça je ne le liraipas !’. (…)Nous, quand on passe la porte du conseil prud’homme on n’est plus syndicaliste305Entr<strong>et</strong>ien n°A03.306Entr<strong>et</strong>ien n°B05.150

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!