10.08.2015 Views

Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

04-44-RF

04-44-RF

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

soumis s’effectue par le droit. A c<strong>et</strong> égard, le droit joue un rôle <strong>de</strong> mise à distance <strong>de</strong>l’émotion, ce qui perm<strong>et</strong> à ce prési<strong>de</strong>nt employeur d’un p<strong>et</strong>it CPH <strong>de</strong> supporter les dramesauxquels il est confronté :« Mais bon, quand on est face à un cas dramatique, <strong>et</strong> on n'en a eu <strong>de</strong>s cas dramatiques, lasensibilité fait pas partie du procès. (…) C'est pas parce que quelqu'un est très sensible qu'il araison. Je m'excuse. Nous, on a <strong>de</strong>s cas, on doit prendre <strong>de</strong>s décisions, c'est pas parce qu’il y a ungars qui pleure qu'il a raison. (…) Mais c'est là, la difficulté du juge, l'énorme difficulté du juge,c'est qu'il est confronté à <strong>de</strong>s êtres humains qui ont <strong>de</strong>s sensibilités, qui ont une perversion aussi,ça, il ne faut pas l'oublier. La maman qui pleure avec son fils qui ne sait plus manger, on l’a aussibien que le juge en instance. Ce n'est pas pour ça qu'elle a raison. Et toute la difficulté <strong>de</strong> ladialectique du juge, c'est <strong>de</strong> sortir du côté politique <strong>et</strong> sortir du côté émotionnel. Si vous voulezfaire <strong>de</strong> l'émotionnel, arrêtez d'être juge. Vous per<strong>de</strong>z votre temps. Moi, je vous le dis tout <strong>de</strong>suite. C'est très difficile. »Mais à la différence <strong>de</strong>s autres juridictions, les CPH règlent les conflits <strong>entre</strong> employeurs <strong>et</strong>salariés qui ont à respecter un ensemble <strong>de</strong> droits <strong>et</strong> d’obligations l’un envers l’autre. Le droitdu travail ai<strong>de</strong> ainsi à gérer ces relations sociales <strong>et</strong> les conseillers <strong>prud’hommes</strong> sanctionnenttout manquement au respect <strong>de</strong> ce droit. Ainsi, dans l’examen d’une affaire <strong>et</strong> dans l’écoute<strong>de</strong>s parties, s’effectue une évaluation <strong>de</strong> la manière dont chacun s’est comporté <strong>et</strong>, le caséchéant, un rappel à l’ordre juridique qui est aussi un rappel à l’ordre social. Avec plus oumoins <strong>de</strong> virulence, les conseillers déplorent la mauvaise connaissance du droit chez lesemployeurs, décrits comme <strong>de</strong>s « analphabètes du droit du travail » 301 , mais aussi chez lessalariés qui « se fer[aient] avoir faute <strong>de</strong> connaître leurs droits ». Il leur faut donc d’une partexpliquer le droit <strong>et</strong> la justice aux parties, ce qui implique <strong>de</strong> leur faciliter l’accès auxjugements par exemple <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur expliquer les décisions qui sont prises. <strong>Les</strong> conseillers lepeuvent d’autant mieux qu’ils ont eux-mêmes fait ce chemin jusqu’aux frontières <strong>de</strong> lajustice. Il leur faut d’autre part rappeler aux employeurs <strong>et</strong> aux salariés les bonnes relationsdans l’<strong>entre</strong>prise. A c<strong>et</strong> égard, ils se comportent en gardiens <strong>de</strong>s « bonnes » relations socialesdans l’<strong>entre</strong>prise. Chaque affaire est l’occasion <strong>de</strong> rappeler aux parties ses obligations <strong>et</strong> <strong>de</strong>sanctionner les manquements au droit.<strong>Les</strong> conseillers doivent donc non seulement apprendre le droit <strong>et</strong> s’acculturer aux usagesjudiciaires <strong>de</strong> la juridiction prud’homale mais aussi s’efforcer, via le droit du travail, <strong>de</strong> fairerespecter certaines valeurs sociales <strong>et</strong> morales qui seraient au principe du « bon »fonctionnement <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise. Nous pouvons faire l’hypothèse que dans d’autresjuridictions, comme par exemple le tribunal <strong>de</strong> commerce, ce ne sont certainement pas lesmêmes éléments qui sont mis en avant <strong>et</strong> valorisés par l’institution. Et c’est sans doute en celaque rési<strong>de</strong>nt la spécificité du rôle <strong>de</strong>s conseillers <strong>prud’hommes</strong> par rapport aux autres mandatssyndicaux ou engagements professionnels. Si les employeurs <strong>et</strong> les salariés qui s’investissentaux <strong>prud’hommes</strong> présentent <strong>de</strong>s caractéristiques particulières, l’institution <strong>entre</strong>tient <strong>et</strong>développe encore ces qualités. C’est en ce sens que l’on peut parler d’une acculturation, carnon seulement il faut avoir un certain « goût pour le social », au sens juridique <strong>et</strong> moral duterme, mais aussi pour un type d’engagement où l’on va servir sinon les autres, du moins espairs.301Entr<strong>et</strong>ien n° F02.147

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!