Ça fait que les joueurs, il y en a un qui touchait 130000 euros par an, <strong>et</strong> sur les 130000 euros ilen a déclaré 8000 aux impôts. Tout le reste c'était en acci<strong>de</strong>nts du travail. Et il a joué tous lesmatchs. C'est une chose aberrante ! Et après on nous a plaidé à la barre, c'était pendant les jeuxolympiques d'hiver, « ben oui mais bon dans le sport ça se passe comme ça. Actuellement il y aquatorze skieurs français qui sont mis en acci<strong>de</strong>nts du travail. » Donc la sécu, elle a bon dos.Après on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire moins <strong>de</strong> dépenses <strong>et</strong> après on voit que dans le sport... c'est pas <strong>de</strong>sp<strong>et</strong>its salaires en plus ! » 285Comme c<strong>et</strong> employeur qui s’étonnait <strong>de</strong> voir un salarié obligé <strong>de</strong> contracter un crédit pourcontinuer à vivre en attendant d’être payé, il peut s’étonner <strong>de</strong>s hauts revenus pratiqués. Maisce n’est pas tant les écarts <strong>de</strong> revenus qui surprennent les conseillers, même si pour beaucoup,dans un sens ou dans l’autre, c’est une dimension <strong>de</strong> l’expérience aux <strong>prud’hommes</strong> qui lesmarque ; manifestement, les connaissances abstraites qu’ils peuvent avoir <strong>de</strong> ces disparitéssalariales prennent un tour beaucoup plus concr<strong>et</strong> après avoir vu les parties en audience. Ceque ces différentes situations sociales révèlent pour les conseillers c’est l’ensemble <strong>de</strong>sdispositifs sociaux dans lesquels sont pris les parties d’un contrat <strong>de</strong> travail. S’il apparaîtévi<strong>de</strong>nt que les manières <strong>de</strong> rompre le contrat <strong>de</strong> travail ont <strong>de</strong>s inci<strong>de</strong>nces sur la nature <strong>de</strong>sprestations sociales que reçoit le licencié, la rupture du contrat <strong>de</strong> travail peut concernerd’autres types <strong>de</strong> prestations sociales. De plus, les <strong>entre</strong>prises peuvent jouer sur les différentsdispositifs sociaux pour « gérer » au mieux leur personnel. Il en serait ainsi <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te <strong>entre</strong>prisequi a modifié les contrats <strong>de</strong> travail :« Ils se sont mis en liquidation. Trois semaines avant la liquidation ils ont tous fait <strong>de</strong>s CDD <strong>de</strong><strong>de</strong>ux ans, y compris ceux qui étaient en CDI, évi<strong>de</strong>mment parce qu'après ils vont toucher les<strong>de</strong>ux ans <strong>de</strong> CDD. Et c'est l'AGS qui a payé. C'est l'Etat qui a payé. »L’ensemble <strong>de</strong> ces affaires m<strong>et</strong> en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s usages différents, à la limite <strong>de</strong> la légalité, <strong>de</strong>sdivers dispositifs sociaux, qu’il s’agisse <strong>de</strong> l’assurance maladie, <strong>de</strong> la prér<strong>et</strong>raite ou <strong>de</strong> ladissimulation <strong>de</strong> travail. <strong>Les</strong> conseillers sont donc obligés non seulement <strong>de</strong> connaîtrel’ensemble du droit social, qui débor<strong>de</strong> le plus souvent le litige sur le contrat <strong>de</strong> travail, maisaussi <strong>de</strong> replacer la question <strong>de</strong> la rupture du contrat dans un ensemble large <strong>de</strong> politiquessociales. Ainsi, « faire du social », c’est être en mesure <strong>de</strong> situer les affaires prud’homalesdans ce vaste ensemble <strong>et</strong> <strong>de</strong> revendiquer une compétence transversale en la matière. A c<strong>et</strong>égard, il est certain que les conseillers qui siègent ou qui ont siégés dans d’autres institutionssociales, comme le Tribunal <strong>de</strong>s affaires sociales, ou qui ont à gérer l’URSSAF ou <strong>de</strong>s caissessociales, dont avantagés dans le maniement <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière complexe. Il en est <strong>de</strong> mêmepour les conseillers qui, comme c<strong>et</strong>te épouse d’expert-comptable dans le collège <strong>de</strong>semployeurs, rappelle en guise <strong>de</strong> compétence prud’homale « qu’elle fait tout le social ducabin<strong>et</strong> » 286 . Pour les autres à l’inverse, le passage au Conseil <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong> est un moyenpour apprendre la matière <strong>et</strong> ainsi juger en fonction <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te connaissance générale <strong>de</strong>saffaires sociales. En filigrane, c’est une critique <strong>de</strong>s spécialistes qui émerge dans la plupart<strong>de</strong>s récits, comme dans celui <strong>de</strong> Jean-Paul C, gérant <strong>de</strong> société <strong>de</strong>puis 30 ans, qui se plaît àrappeler que « Le social, c’est quelque chose <strong>de</strong> plein <strong>et</strong> entier » 287 . Pour lui, il y aurait trop <strong>de</strong>dispositifs superposés les uns aux autres qui, <strong>de</strong> plus, engendrerait l’intervention d’unemultiplicité <strong>de</strong> spécialistes pour chacun <strong>de</strong>s secteurs : expert-comptable, directeur <strong>de</strong>sressources humaines, juriste d’<strong>entre</strong>prise, gestionnaire… Le conseiller prud’homme serait aucontraire un généraliste du social c’est-à-dire quelqu’un qui connaît à la fois la diversité <strong>de</strong>ssituations professionnelles <strong>et</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s secteurs du droit social lui perm<strong>et</strong>tant d’articulerau mieux les dispositifs juridiques :285Entr<strong>et</strong>ien n° I02.286Entr<strong>et</strong>ien n° A01.287Entr<strong>et</strong>ien n° F10.144
« quand on a la chance d’être référiste, c’est-à-dire qu’on juge la totalité, on s’aperçoit <strong>de</strong> latotalité <strong>de</strong>s choses, on s’aperçoit qu’il y a vraiment <strong>de</strong>s choses à faire avancer. (…) On <strong>de</strong>vientplus social, c’est clair. On pense qu’il y a <strong>de</strong>s efforts à faire dans l’application du droit du travail,mais qu’il y aussi à le moduler, à le modifier, à le travailler, <strong>de</strong> façon à ce que ce soit pas uneobligation, une contrainte. On s’aperçoit que les gens ne sont pas assez aidés <strong>et</strong> qu’ils fontbeaucoup trop confiance à <strong>de</strong>s gens qui ne sont pas formés. » 288Devenir « plus social » c’est donc à la fois avoir une vision plus juste <strong>de</strong> la réalité sociale sansêtre insensible au malheur <strong>de</strong>s parties <strong>et</strong> avoir une volonté d’intervenir dans les situationssociales en articulant au mieux les différentes règles <strong>de</strong> droit. On comprend alors que la« fibre sociale » <strong>de</strong>s conseillers, salariés comme employeurs, passe aussi par une promotion<strong>de</strong> la pédagogie <strong>de</strong>s bonnes relations sociales dans l’<strong>entre</strong>prise.b) <strong>Les</strong> <strong>prud’hommes</strong> au risque du travail socialLorsqu’ils sont au Conseil <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong>, les conseillers voient défiler <strong>de</strong>vant eux <strong>de</strong>s« affaires sociales » qui sont certes <strong>de</strong>s conflits autour du contrat <strong>de</strong> travail, souvent d’ailleursconcernant la rupture du contrat, mais aussi <strong>de</strong>s situations difficiles en termes économiques <strong>et</strong>sociaux. Selon qu’ils sont membres du collège employeur ou du collège salarié, ils n’ont pasla même appréciation <strong>de</strong> ces drames qui sont rejoués sous leurs yeux. Mais ils sont tousconfrontés au « malheur » <strong>de</strong>s parties qu’ils tentent, avec <strong>de</strong>s moyens différents, d’atténuer,voire <strong>de</strong> réparer 289 . A c<strong>et</strong> égard, il ne s’agit pas pour eux qu’une « souffrance à distance » pourreprendre le titre <strong>et</strong> l’analyse <strong>de</strong> Luc Boltanski 290 , mais d’une souffrance en audience. Ainsi,comme pour ce jeune salarié, au CPH <strong>de</strong>puis 2002 : « on est obligé <strong>de</strong> réagir ! » 291 . <strong>Les</strong> unsn’hésitent pas à exprimer leur « colère » face à ces situations <strong>de</strong> « misère <strong>et</strong> <strong>de</strong> souffrance <strong>de</strong>sgens » 292 quand d’autres déplorent les stratégies <strong>de</strong>s parties ou <strong>de</strong>s avocats qui « font duZola » 293 <strong>et</strong> rappellent, comme Jean-Paul C. qui disait toutefois être <strong>de</strong>venu « plus social »,« je ne suis pas là pour entendre une plaidoirie me faire du social ». Mais qu’ils s’énervent<strong>de</strong>vant les larmes versées par les parties durant l’audience ou qu’ils en font la preuve <strong>de</strong>l’ampleur <strong>de</strong> leur détresse, tous reconnaissent qu’ils ont à intervenir sinon sur la situation ellemême,du moins auprès <strong>de</strong>s parties.A c<strong>et</strong> égard, « faire du social » prend un tour nouveau pour tous ceux qui, comme jean-PaulC, y voit une forme d’assistanat aux parties <strong>et</strong> en particulier au <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur : « On est pas làpour faire du social. J’suis pas une chambre d’application sociale. J’suis pas le bureaud’ai<strong>de</strong> sociale du quartier. C’est ce que je reproche aux syndicats <strong>de</strong> temps en temps. Qu’ilaille voir le curé, mais pas nous ! » 294 . Ils déplorent ce rôle d’ai<strong>de</strong> sociale qu’ils auraient àjouer, en particulier en référé en raison <strong>de</strong>s situations d’urgence dans lesquelles se trouvent les<strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ces discours qui visent aussi à rappeler que les Conseils <strong>de</strong><strong>prud’hommes</strong> sont avant tout une juridiction <strong>et</strong> non pas « le bureau <strong>de</strong>s pleurs », dans les faits,la plupart se r<strong>et</strong>rouvent contraints d’endosser ce rôle. Il est vrai que s’il le font, c’est aussiparce qu’ils peuvent le faire, en raison par exemple d’un habitus professionnel chez lesconseillers salariés, qui travaillent par exemple dans les sections médicaux <strong>et</strong> sociaux, ou enraison d’une certaine « fibre sociale », pour reprendre un terme qui revient souvent. Mais il ne288Ibid.289Jeanne Favr<strong>et</strong>-Saada, <strong>Les</strong> Mots, la mort, les sorts : la sorcellerie dans le bocage, Paris, Gallimard, 1977.290Luc Boltanski, La Souffrance à distance, Paris Métailié, 1993.291Entr<strong>et</strong>ien n° A04.292Entr<strong>et</strong>ien n° A03293Entr<strong>et</strong>ien ROSSI, Me<strong>de</strong>f, Lyon.294Entr<strong>et</strong>ien n° F10145
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