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Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

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la réalité <strong>de</strong>s pratiques prud’homales. Certes, grâce à ce découpage par sectionsprofessionnelles, les conseillers se familiarisent avec certaines conventions collectives <strong>et</strong>grâce à ces connaissances spécifiques ils peuvent mieux apprécier les cas qui leur sontsoumis. Mais les sections, en particulier la section <strong>de</strong>s « Activités diverses », recouvrent unensemble large d’activités. Du coup, non seulement il est rare que les conseillers jugent uneaffaire qui concerne leur propre secteur d’activité, mais <strong>de</strong> plus, ils n’ont pas vraimentl’occasion <strong>de</strong> développer une spécialisation sur tel ou tel secteur. Surtout, les conseillers nerestent pas toujours dans leur section. C’est le cas dans les p<strong>et</strong>its CPH où <strong>de</strong>s conseillerspeuvent être « détachés » <strong>de</strong> leur section pour remplacer ceux absents au tour <strong>de</strong> rôle. C’estégalement le cas pour tous les conseillers qui sont référistes <strong>et</strong> qui, en sortant <strong>de</strong> la logique <strong>de</strong>ssections, font <strong>de</strong> « l’interprofessionnel ». Comme le rappelle c<strong>et</strong>te conseillère employeur :« c’est passionnant les référés parce que c’est toutes sections confondues, donc il y en a quiappelle ça la cour <strong>de</strong>s miracles, parce qu’on a <strong>de</strong> tout, comme c’est les urgences, c’est <strong>de</strong> gensqui ont pas été payées, c’est les gens qui sont vraiment dans l’urgence, souvent qui ont pasd’avocat, donc qui viennent plai<strong>de</strong>r eux-mêmes, donc c’est un p<strong>et</strong>it peu n’importe quoi. Sur leplan humain, c’est très intéressant. » 283Si certains conseillers regr<strong>et</strong>tent la dimension fourre-tout <strong>de</strong>s référés, d’autres saluent c<strong>et</strong>tepossibilité qui leur est offerte d’aller à la rencontre d’une diversité d’univers professionnels <strong>et</strong>sociaux. C<strong>et</strong>te possibilité est d’ailleurs accrue dans les Conseils où a été développée unepratique régulière <strong>de</strong> missions d’enquête. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la recherche d’éléments nécessaires àl’appréciation <strong>de</strong>s affaires, ces déplacements sur les lieux <strong>de</strong> travail sont <strong>de</strong>s moments <strong>de</strong>rencontre avec <strong>de</strong>s milieux professionnels dont ils sont socialement <strong>et</strong> économiquementéloignés. Lors <strong>de</strong>s audiences comme lors <strong>de</strong> ces enquêtes, les conseillers « découvrent », pourreprendre leurs termes, aussi bien les usages propres à ces milieux que les niveaux <strong>de</strong> revenuspratiqués. Ces découvertes sont d’autant plus éprouvantes qu’ils proviennent d’horizonssociaux <strong>et</strong> professionnels éloignés <strong>de</strong> ceux concernés par l’affaire. C’est le cas par exemple <strong>de</strong>ce conseiller employeur, ancien cadre commercial d’une <strong>entre</strong>prise <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> chariotélévateur, qui se trouve confronté à ce qu’il appelle la « misère humaine » :« en référé c'est très délicat, on a toute la misère humaine, les gens qui sont pas payés <strong>de</strong>puiscinq six mois. Moi, la première fois, le gars il est venu là, ça faisait six mois que son employeurne le payait pas. Il continuait à travailler mais son employeur ne le payait pas. Moi je comprendspas ! Alors je lui ai <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> quoi il vivait. Il m'a dit « ben j'ai dû faire un crédit. » Le garsavait fait un crédit pour pouvoir subvenir à ses besoins ! » 284Il se dit « choqué » par ces situations d’autant plus que, comme la plupart <strong>de</strong>s conseillers,employeurs ou salariés, il n’a connu ni le chômage, ni la précarité. <strong>Les</strong> quelques conseillersqui se trouvent dans <strong>de</strong>s situations professionnelles plus difficiles, le « choc » n’en est pasmoins grand quand ils se r<strong>et</strong>rouvent face à <strong>de</strong>s affaires où les revenus en jeu sont dix à quinzefois ce qu’ils peuvent espérer. C’est ce que raconte ce conseiller salarié qui, à la suite <strong>de</strong> sonlicenciement comme gardien dans une société HLM, travaille comme intérimaire pourdifférentes sociétés <strong>de</strong> gardiennage. Membre <strong>de</strong> la section « activités diverses », il ne cachepas son étonnement face à certains agissements qu’il a pu constater dans le « mon<strong>de</strong> dusport » :« Il faut voir ! (…) Bon, les joueurs <strong>de</strong> rugby, je sais pas si vous connaissez un peu le mon<strong>de</strong> dusport... quand on connaît un p<strong>et</strong>it peu c'est aberrant, le plus gros sponsor du mon<strong>de</strong> du sport c'estla sécu. Ici, par exemple, pour le club, c'est 40% <strong>de</strong> la masse salariale qui est payée par lasécurité sociale. Pourquoi ? parce que les sportifs on les m<strong>et</strong> en acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> travail pendant lestrêves. Ça évite à l'employeur <strong>de</strong> payer les salaires <strong>et</strong> ça perm<strong>et</strong> aux joueurs <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r leurscongés payés <strong>et</strong> <strong>de</strong> payer moins d'impôts, parce qu'un acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> travail on paie pas d'impôts.283Entr<strong>et</strong>ien n° F02.284Entr<strong>et</strong>ien n° F11.143

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