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Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

04-44-RF

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sont le produit <strong>de</strong> configurations socioéconomiques particulières <strong>et</strong> d’enjeux spécifiques pournous arrêter dans un second temps sur la réforme <strong>de</strong> 1979 qui tente, avec succès, <strong>de</strong> concilier<strong>et</strong> d’institutionnaliser ces logiques contradictoires en refusant <strong>de</strong> choisir <strong>entre</strong> les définitionspossibles.1. <strong>Les</strong> différentes définitions <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong>Une chronologie sommaire perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> distinguer la genèse <strong>de</strong>s <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> prud'hommes toutau long du XIXè siècle <strong>et</strong> la nouvelle pério<strong>de</strong> qui commence en 1905, date <strong>de</strong> la loiréorganisant les prud'hommes <strong>et</strong> qui court jusqu'au début <strong>de</strong>s années 1970. Alors que dans lapremière pério<strong>de</strong>, l'institution prud'homale est prise dans <strong>de</strong> nombreuses contraintes,notamment le tabou du corporatisme, l'extériorité au champ judiciaire <strong>et</strong> le déni <strong>de</strong> l'existenced'une représentation ouvrière, la <strong>de</strong>uxième pério<strong>de</strong> voit se développer un double mouvement,celui d'une « judiciarisation » <strong>et</strong> d'une « syndicalisation » que la réforme <strong>de</strong> 1979institutionnalisera, faisant <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong> une institution sinon d’exception, du moinsexceptionnelle.a) <strong>Les</strong> tentatives <strong>de</strong> fabriquer un lieu neutre (1806-1905)<strong>Les</strong> membres <strong>de</strong>s <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> prud'hommes ont pour rôle <strong>de</strong> juger leurs « pairs » : c<strong>et</strong>teexpression, sans cesse utilisée tout au long du XIXè siècle, a cependant plusieurssignifications <strong>et</strong> recouvre une série <strong>de</strong> logiques différentes, qui constituent l'originalité <strong>de</strong>sprud'hommes à leur genèse : les pairs, ce sont d'abord les acteurs d'une même activitéprofessionnelle ou d'une même « famille <strong>de</strong> métier » ; en cela, ils se rapprochent, sanspourtant s'y i<strong>de</strong>ntifier entièrement, <strong>de</strong>s structures corporatives <strong>de</strong> l'Ancien régime. Juger sespairs, cela veut dire aussi juger en équité plutôt qu'en droit, avec rapidité <strong>et</strong> sans s'encombrer<strong>de</strong> procédures judiciaires complexes ; dans le cadre <strong>de</strong> l'économie <strong>de</strong> marché libre-échangiste<strong>et</strong> <strong>de</strong> la limitation du rôle <strong>de</strong> l'Etat, les prud'hommes constituent alors une institution <strong>de</strong>régulation libérale du marché du travail. Enfin, un peu plus tard au cours du XIXe siècle,l'idée <strong>de</strong> parité renvoie à celle sinon d'égalité, du moins celle d'accès égal à une institutionmalgré lé différence <strong>de</strong> statuts ; d'où l'arrivée en 1848 <strong>de</strong>s ouvriers dans les <strong>conseils</strong> <strong>de</strong>prud'hommes <strong>et</strong> la transformation <strong>de</strong> l'institution en un espace <strong>de</strong> revendication <strong>et</strong> <strong>de</strong>mobilisation ouvrière <strong>et</strong> <strong>syndicale</strong>.- Une institution intermédiaireLa naissance <strong>et</strong> le développement <strong>de</strong>s <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> prud'hommes se déroulent dans un contextebien spécifique, qui associe d'une part le développement du libéralisme économique, légitimépar le rej<strong>et</strong> <strong>de</strong>s formes collectives d'organisation du travail pendant la Révolution française, <strong>et</strong>d'autre part la prise <strong>de</strong> conscience <strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s régulations collectives <strong>de</strong>sactivités professionnelles. Dans ce cadre, les <strong>conseils</strong> <strong>de</strong> prud'homme apparaissentincontestablement comme <strong>de</strong>s « publics intermédiaires », pour reprendre la constructionthéorique d'Alain Cottereau 13 : dans une analyse à mi-chemin <strong>entre</strong> la philosophie politique <strong>et</strong>l'histoire sociale, l'auteur montre <strong>de</strong> quelle manière se constituent <strong>de</strong>s institutions inspirées <strong>de</strong>s13 Alain Cottereau, « La désincorporation <strong>de</strong>s métiers <strong>et</strong> leur transformation en 'publics intermédiaires' : Lyon <strong>et</strong>Elbeuf, 1790-1815 », in Steven L. Kaplan <strong>et</strong> Philippe Minard, La France, mala<strong>de</strong> du corporatisme ? XVIIIe-XIXe siècle, Paris, Belin, 2004, p. 97-145.11

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