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Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique

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2. <strong>Les</strong> <strong>prud’hommes</strong> : le travail à côtéDans son ouvrage intitulé « le travail à côté » 219 , Florence Weber m<strong>et</strong>tait en évi<strong>de</strong>ncel’importance, pour les ouvriers en usine dans un bourg rural, <strong>de</strong> la « bricole », du jardinage <strong>et</strong>autres p<strong>et</strong>its travaux effectués en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’activité professionnelle. Sans se substituer àl’activité professionnelle, le travail-à-côté est à la fois « ce qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> supporter l’usine »<strong>et</strong> ce qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> valoriser son statut d’ouvrier. Nous pouvons transposer c<strong>et</strong>te analyse aucas <strong>de</strong>s conseillers <strong>prud’hommes</strong> qui trouvent, dans l’activité prud’homale à la fois lesmoyens <strong>de</strong> se soustraire (pour un temps) aux contraintes <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise <strong>et</strong> <strong>de</strong> valoriser leurtravail dans l’<strong>entre</strong>prise, qu’ils soient employeurs ou salariés. Dès lors, c’est dans lesincitations ou désincitations liées à l’activité professionnelle qu’il convient <strong>de</strong> chercher lesraisons <strong>de</strong> l’engagement prud’homal, ce que l’on a tendance à oublier dès lors que l’onconsidère les CPH seulement sous l’angle <strong>de</strong> la juridiction. A partir <strong>de</strong> là il est possible <strong>de</strong>comprendre comment le mandat prud’homal peut constituer pour les conseillers à la fois unlieu <strong>de</strong> rattrapage, pour tous ceux qui n’ont pu mener la carrière qu’ils auraient dû, selon eux,avoir, un lieu <strong>de</strong> valorisation <strong>de</strong> compétences insuffisamment reconnues selon eux par leur<strong>entre</strong>prise <strong>et</strong> un lieu <strong>de</strong> conversion vers d’autres horizons, professionnels ou militants.Le cas <strong>de</strong> G. L. 220 est emblématique <strong>de</strong> ce triple usage du mandat prud’homal perm<strong>et</strong>tantd’expliquer son engagement. R<strong>et</strong>raité <strong>de</strong>puis un an, il est prési<strong>de</strong>nt employeur <strong>de</strong> la sectionindustrie d’un important CPH. Il a été élu en 1997 <strong>et</strong> est <strong>de</strong>venu prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la section troisans après. Il était directeur <strong>de</strong>s ressources humaines dans une grosse <strong>entre</strong>prise <strong>de</strong> travauxpublics <strong>de</strong> la région (2500 salariés) dont la maison mère se trouve à Paris (11 000 salariés auniveau national). Après <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s techniques (brev<strong>et</strong> industriel en installation électrique), il<strong>entre</strong> dans l’<strong>entre</strong>prise comme <strong>de</strong>ssinateur industriel puis <strong>de</strong>vient, dix après, chargé d’affaires.Selon lui, c’est un poste généralement réservé aux ingénieurs en titre, convoité par tous les<strong>de</strong>ssinateurs comme lui.Son parcours au sein <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise illustre bien les évolutions plus macroéconomiquesconcernant aussi bien la structure socioprofessionnelle avec l’apparition <strong>de</strong> nouvellesprofessions (la gestion <strong>de</strong>s ressources humaines) que l’évolution <strong>de</strong> la place du droit du travaildans les relations sociales <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise 221 . Comme il l’explique lui-même, il s’est peu à peu« tourné vers les ressources humaines » : « tout en étant chargé d’affaires, pendantpratiquement six sept ans, j’ai commencé à prendre <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong> droit du travail, par laformation continue, heu.. parce que j’ai commencé dans c<strong>et</strong>te <strong>entre</strong>prise à assister <strong>et</strong> ai<strong>de</strong>rmon directeur <strong>de</strong> l’époque, qui lui n’avait pas du tout, tout ce qui était social, droit du travail,c’était pas sa tasse <strong>de</strong> thé. Et à partir <strong>de</strong>s années, pas après soixante-huit… soixante-huit n’apas amené grand chose… ça a amené un changement, mais pas immédiatement. Dansl’<strong>entre</strong>prise il a fallu attendre les années 72-73 pour que les syndicats s’installent dansl’<strong>entre</strong>prise, <strong>et</strong> que à ce moment-là il y ait <strong>de</strong>s revendications qui <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong> plus en plusimportantes, <strong>et</strong> où le droit du travail <strong>de</strong>venait <strong>de</strong> plus en plus présent. (…) Donc j’aidais cedirecteur régional-là dans certains rapports avec les organisations <strong>syndicale</strong>s, j’étais celuiqui lui amenait un peu <strong>de</strong> droit, dans ses propos, qui le m<strong>et</strong>tait en gar<strong>de</strong>. Donc si vous voulez,j’ai commencé à me passionner un p<strong>et</strong>it peu. Et je me suis formé sans savoir où j’allais, maisje le faisais en parallèle <strong>de</strong> mon poste <strong>de</strong> chargé d’affaire… <strong>et</strong> puis jusqu’au jour où ledirecteur régional <strong>de</strong> l’époque qui avait soixante ans, avait envie ses cinq <strong>de</strong>rnières années<strong>de</strong> plus trop s’embêter avec ça, m’a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> prendre un poste d’administratif. Alorscomme ça ne se faisait pas encore bien dans les années 85 les ressources humaines, il m’a219Florence Weber, Le travail à côté, Paris, Editions <strong>de</strong> l'INRA, ?220Entr<strong>et</strong>ien n° F07.221Cf. Laurent Willemez, le droit du travail en danger, op. cit.107

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