dans l’<strong>entre</strong>prise 218 . Ils ont alors saisi <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te opportunité qui leur était offerte parl’organisation <strong>syndicale</strong> <strong>de</strong> progresser hors <strong>entre</strong>prise.J.-P. T. quitte l’école à 15 ans <strong>et</strong> <strong>de</strong>mi après avoir fait une école <strong>de</strong> comptabilité. En 1964, il<strong>entre</strong> dans une gran<strong>de</strong> <strong>entre</strong>prise <strong>de</strong> transport <strong>et</strong> est embauché au service <strong>de</strong>s achats. Militant,ancien <strong>de</strong> la JOC, se syndique à la CGT lorsque le délégué syndical <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise constateune irrégularité sur sa feuille <strong>de</strong> paie <strong>et</strong> obtient pour lui le paiement rétroactif <strong>de</strong> son dû. Aprèsles conflits <strong>de</strong> 1968, il fait partie, selon lui, « <strong>de</strong>s gens marqués à l’encre rouge… parce quebon militant, en vue, <strong>et</strong>c. Et ma carrière aux achats, ben j’ai été exclu <strong>et</strong> je me suis r<strong>et</strong>rouvédans un service technique, fin 69, au laboratoire central, où je suis resté jusqu’en 2003. Jesuis parti en pré-r<strong>et</strong>raite en 2004. J’ai fait ma carrière professionnelle là-bas… Alors ce queje faisais, là-bas, c’était l’horreur parce que je faisais rien, c’est-à-dire qu’on me confiaitrien du tout parce que j’étais pas technicien. Il y avait <strong>de</strong>s fiches à l’époque, il n’y avait pasd’ordinateur, alors les techniciens enregistraient ça sur <strong>de</strong>s fiches ils me filaient ça à faire,rien quoi ! Donc une gran<strong>de</strong> disponibilité. Donc j’ai milité dans mon syndicat pourcompenser le manque <strong>de</strong> boulot que j’avais à faire. Ça a duré une dizaine d’années… (…)mais ça ne me gênait pas trop. A vingt ans, jusqu’à trente ans, ça ne m’a pas trop gêné. Unplacard… un placard doré parce que j’avais un salaire. On ne me <strong>de</strong>mandait trop rien, ce quim’a permis <strong>de</strong> me forger une place dans le militantisme, c’est à c<strong>et</strong>te époque-là que j’aicommencé à prendre <strong>de</strong>s responsabilités <strong>syndicale</strong>s un peu plus élevées. (…) toujours au sein<strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise. Pas extérieur déjà, <strong>et</strong> puis j’étais délégué <strong>de</strong> base on va dire. Mais jeparticipais beaucoup à la commission exécutive du syndicat. J’étais délégué ou suppléant.J’avais <strong>de</strong>s mandats dans les commissions. J’ai eu pas mal <strong>de</strong> mandats dans les commissions<strong>de</strong> CE. Voilà, <strong>de</strong>s choses comme ça, ce qui m’a permis <strong>de</strong> faire une vaste pal<strong>et</strong>te, un peu <strong>de</strong>tout, mais je suis resté militant… » Parce qu’il a une certaine disponibilité, il peut mener uneactivité <strong>syndicale</strong> assez soutenue. D’ailleurs, il s’implique <strong>de</strong> plus en plus dans lesorganisations <strong>syndicale</strong>s : « dans les années 90 j’avais pris <strong>de</strong>s… j’avais pris <strong>de</strong>sresponsabilités pas mal. On avait créé l’UGIT-CGT, <strong>et</strong> là je m’étais impliqué pas mal à ladirection <strong>de</strong> l’UGIT-CGT sur l’<strong>entre</strong>prise, c’est-à-dire on m’envoyait pas mal… j’avais…quand… par exemple je sais pas il y avait un congrès <strong>de</strong> quelque chose il manquaitquelqu’un, bon on m’envoyait moi… j’étais un peu… on m’envoyait parce que bon j’échangepas mal je pense, <strong>et</strong> il y avait <strong>de</strong>s moments bon il y avait besoin, j’allais en représentation,j’suis allé pas mal dans <strong>de</strong>s représentations officielles. Et je suis <strong>de</strong>venu conseillerprud’homme tout à fait par hasard. En 91, il y a eu le congrès confédéral <strong>de</strong> la CGT <strong>et</strong> il yavait une délégation <strong>de</strong> l’union départementale qui <strong>de</strong>vait euh qui allait à ce congrès, dont jefaisais pas partie, <strong>et</strong> au <strong>de</strong>rnier moment le collègue qui <strong>de</strong>vait y aller <strong>de</strong> mon syndicat a paspu y aller, on m’a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> le remplacer au pied levé. J’ai fait partie <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te délégationconfédérale, <strong>et</strong> là j’ai rencontré euh la secrétaire départementale, d’ici là, avec qui j’aibeaucoup discuté, <strong>et</strong> qui m’a parlé pas mal <strong>de</strong>s <strong>prud’hommes</strong>, « tiens, ça t’intéresse pas ? »en la personne <strong>de</strong> ton syndicat. » En 1992 il se présente donc aux élections prud’homales sursollicitation <strong>de</strong> son syndicat, est placé « en <strong>de</strong>rnier éligible » sur la liste <strong>et</strong> est élu « avec lesoutien <strong>de</strong> [son] syndicat qui pensait effectivement qu’on pouvait investir sur [lui]. » Certes,l’organisation investit sur lui, mais il se laisse volontiers investir par elle <strong>et</strong> par les charges<strong>syndicale</strong>s qui se substituent, peu à peu, aux charges professionnelles qu’il n’a pu obtenir.Ce processus d’enrôlement syndical est donc à analyser dans son articulation avec ledéroulement d’une carrière professionnelle.218Entr<strong>et</strong>ien n° F06.106
2. <strong>Les</strong> <strong>prud’hommes</strong> : le travail à côtéDans son ouvrage intitulé « le travail à côté » 219 , Florence Weber m<strong>et</strong>tait en évi<strong>de</strong>ncel’importance, pour les ouvriers en usine dans un bourg rural, <strong>de</strong> la « bricole », du jardinage <strong>et</strong>autres p<strong>et</strong>its travaux effectués en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’activité professionnelle. Sans se substituer àl’activité professionnelle, le travail-à-côté est à la fois « ce qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> supporter l’usine »<strong>et</strong> ce qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> valoriser son statut d’ouvrier. Nous pouvons transposer c<strong>et</strong>te analyse aucas <strong>de</strong>s conseillers <strong>prud’hommes</strong> qui trouvent, dans l’activité prud’homale à la fois lesmoyens <strong>de</strong> se soustraire (pour un temps) aux contraintes <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise <strong>et</strong> <strong>de</strong> valoriser leurtravail dans l’<strong>entre</strong>prise, qu’ils soient employeurs ou salariés. Dès lors, c’est dans lesincitations ou désincitations liées à l’activité professionnelle qu’il convient <strong>de</strong> chercher lesraisons <strong>de</strong> l’engagement prud’homal, ce que l’on a tendance à oublier dès lors que l’onconsidère les CPH seulement sous l’angle <strong>de</strong> la juridiction. A partir <strong>de</strong> là il est possible <strong>de</strong>comprendre comment le mandat prud’homal peut constituer pour les conseillers à la fois unlieu <strong>de</strong> rattrapage, pour tous ceux qui n’ont pu mener la carrière qu’ils auraient dû, selon eux,avoir, un lieu <strong>de</strong> valorisation <strong>de</strong> compétences insuffisamment reconnues selon eux par leur<strong>entre</strong>prise <strong>et</strong> un lieu <strong>de</strong> conversion vers d’autres horizons, professionnels ou militants.Le cas <strong>de</strong> G. L. 220 est emblématique <strong>de</strong> ce triple usage du mandat prud’homal perm<strong>et</strong>tantd’expliquer son engagement. R<strong>et</strong>raité <strong>de</strong>puis un an, il est prési<strong>de</strong>nt employeur <strong>de</strong> la sectionindustrie d’un important CPH. Il a été élu en 1997 <strong>et</strong> est <strong>de</strong>venu prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la section troisans après. Il était directeur <strong>de</strong>s ressources humaines dans une grosse <strong>entre</strong>prise <strong>de</strong> travauxpublics <strong>de</strong> la région (2500 salariés) dont la maison mère se trouve à Paris (11 000 salariés auniveau national). Après <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s techniques (brev<strong>et</strong> industriel en installation électrique), il<strong>entre</strong> dans l’<strong>entre</strong>prise comme <strong>de</strong>ssinateur industriel puis <strong>de</strong>vient, dix après, chargé d’affaires.Selon lui, c’est un poste généralement réservé aux ingénieurs en titre, convoité par tous les<strong>de</strong>ssinateurs comme lui.Son parcours au sein <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise illustre bien les évolutions plus macroéconomiquesconcernant aussi bien la structure socioprofessionnelle avec l’apparition <strong>de</strong> nouvellesprofessions (la gestion <strong>de</strong>s ressources humaines) que l’évolution <strong>de</strong> la place du droit du travaildans les relations sociales <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise 221 . Comme il l’explique lui-même, il s’est peu à peu« tourné vers les ressources humaines » : « tout en étant chargé d’affaires, pendantpratiquement six sept ans, j’ai commencé à prendre <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong> droit du travail, par laformation continue, heu.. parce que j’ai commencé dans c<strong>et</strong>te <strong>entre</strong>prise à assister <strong>et</strong> ai<strong>de</strong>rmon directeur <strong>de</strong> l’époque, qui lui n’avait pas du tout, tout ce qui était social, droit du travail,c’était pas sa tasse <strong>de</strong> thé. Et à partir <strong>de</strong>s années, pas après soixante-huit… soixante-huit n’apas amené grand chose… ça a amené un changement, mais pas immédiatement. Dansl’<strong>entre</strong>prise il a fallu attendre les années 72-73 pour que les syndicats s’installent dansl’<strong>entre</strong>prise, <strong>et</strong> que à ce moment-là il y ait <strong>de</strong>s revendications qui <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong> plus en plusimportantes, <strong>et</strong> où le droit du travail <strong>de</strong>venait <strong>de</strong> plus en plus présent. (…) Donc j’aidais cedirecteur régional-là dans certains rapports avec les organisations <strong>syndicale</strong>s, j’étais celuiqui lui amenait un peu <strong>de</strong> droit, dans ses propos, qui le m<strong>et</strong>tait en gar<strong>de</strong>. Donc si vous voulez,j’ai commencé à me passionner un p<strong>et</strong>it peu. Et je me suis formé sans savoir où j’allais, maisje le faisais en parallèle <strong>de</strong> mon poste <strong>de</strong> chargé d’affaire… <strong>et</strong> puis jusqu’au jour où ledirecteur régional <strong>de</strong> l’époque qui avait soixante ans, avait envie ses cinq <strong>de</strong>rnières années<strong>de</strong> plus trop s’embêter avec ça, m’a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> prendre un poste d’administratif. Alorscomme ça ne se faisait pas encore bien dans les années 85 les ressources humaines, il m’a219Florence Weber, Le travail à côté, Paris, Editions <strong>de</strong> l'INRA, ?220Entr<strong>et</strong>ien n° F07.221Cf. Laurent Willemez, le droit du travail en danger, op. cit.107
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