appliquait à lui-même la métho<strong>de</strong> qui consiste à faire coïnci<strong>de</strong>r les qualités <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ursd’emploi temporaire aux postes proposés, il fait <strong>de</strong> l’aspect « humain » <strong>de</strong> sa gestion lajustification <strong>de</strong> son élection au conseil. A c<strong>et</strong> égard, il rejoindrait le profil d’un autre conseiller<strong>de</strong> son Conseil (Raymond Lan<strong>de</strong>s) qui insiste lui aussi sur la « métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> travail » qu’il s’esttoujours efforcée <strong>de</strong> pratiquer, aussi bien dans le cadre <strong>de</strong> son <strong>entre</strong>prise où il dirigeait leservice international, qu’au sein <strong>de</strong> la section Commerce du CPH : « Il faut toujours dire lavérité, il faut leur dire correctement « vous êtes incapable », mais toujours dire franchementce qui ne va pas. (…) Une fois [sur un site américain] j’ai dit à un monsieur, « vous, je vais<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r votre licenciement parce que vous êtes incompétent ». Il n’a rien dit, il a encaissé.Ça, c’est bien Américain. Et quand j’ai pris l’avion, il était à l’aéroport il est venu me diremerci. Ça, un Français ne l’aurait jamais fait ! Me dire merci parce que je lui avais dit lavérité. (…)Parce que ce jour-là, je lui ai bien expliqué, <strong>de</strong>vant tous les autres, ce qui n’allaitpas. Je lui ai dit. Je ne lui ai pas dit qu’il était un mauvais sire, je lui ai dit ce qui n’allait pasdans son comportement, ce qui n’allait pas dans l’<strong>entre</strong>prise, qu’il ne savait pas traiter sesdossiers. Bref je lui ai dit ce qui n’allait pas. Je pense que sûrement ça l’a aidé dans la vie. »A l’issue <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te anecdote, il rappelle combien ses qualités <strong>de</strong> franchise ont été récompenséesdans sa vie professionnelle <strong>et</strong> enchaîne « on m’a appelé aux <strong>prud’hommes</strong>, je crois, à cause<strong>de</strong> mon relationnel », comme s’il s’agissait d’une conséquence logique <strong>de</strong> sa bonne manière<strong>de</strong> diriger les hommes.Pourtant, il n’est pas sûr que ces qualités soient déterminantes. Si elles facilitent sans douteleur travail <strong>de</strong> conseillers, elles ne sont pas forcément partagées par tous les membres <strong>de</strong> leurConseil. Dans d’autres <strong>entre</strong>tiens, effectués auprès <strong>de</strong> conseillers <strong>de</strong> ce même CPH, c’estl’aspect « combatif » qui peut être mis en avant, pour les salariés comme pour les employeurs,ou encore leur « autorité » leur perm<strong>et</strong>tant d’imposer leurs vues sur les affaires traitées. Ainsi,le bon « relationnel » dont il fait état est davantage à comprendre comme le réseau <strong>de</strong>relations qu’il a su p<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it constituer, en raison notamment <strong>de</strong> ses qualités« communicationnelles » <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa conception <strong>de</strong>s relations humaines. Grâce à son activitéprofessionnelle, Jean Battiston était en contact permanent avec toutes les <strong>entre</strong>prises <strong>de</strong> larégion. Comme il le rappelle lui-même, un peu surpris <strong>de</strong> constater, rétrospectivement qu’iln’était pas membre <strong>de</strong> l’Union patronale : « j’étais même pas membre !... Mais j’étais enrelation avec toutes les <strong>entre</strong>prises qui étaient membres <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te association. » Il connaît ainsiparfaitement bien le tissu industriel <strong>de</strong> la région dont il est issu <strong>et</strong> qu’il n’a jamais quitté. Ilrappelle aussi, inci<strong>de</strong>mment, qu’il s’agit <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ites <strong>entre</strong>prises (selon lui 90% <strong>de</strong>s <strong>entre</strong>prisesont moins <strong>de</strong> 50 personnes <strong>et</strong> 60% moins <strong>de</strong> 20 personnes), souvent familiales, qui<strong>entre</strong>tiennent <strong>entre</strong> elles <strong>de</strong>s liens économiques mais aussi familiaux : « Alors on trouve <strong>de</strong>sfois 3 ou 4 <strong>entre</strong>prises avec <strong>de</strong>s frères qui tiennent 3 ou 4 <strong>entre</strong>prises, ou <strong>de</strong>s cousins, ou <strong>de</strong>cousin du frère du beau-frère <strong>de</strong> la femme qui travaille là. » Le réseau d’interconnaissancesest important <strong>et</strong> il détermine souvent l’embauche dans les <strong>entre</strong>prises. Dans une telleconfiguration, la sollicitation pour se présenter à l’élection prud’homale s’effectuecertainement sur le même principe. Autrement dit, c’est par ce réseau qu’il est en contact avecles chefs d’<strong>entre</strong>prises « du pays » qu’il se trouve ainsi démarché par ceux qui, à l’approche<strong>de</strong>s élections, cherchent à constituer <strong>de</strong>s listes d’employeurs.Si ses qualités personnelles jouent, c’est surtout ses <strong>action</strong>s en vue <strong>de</strong> développer une bonneimage <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise qui en font un bon candidat pour la liste d’union patronale. En eff<strong>et</strong>, ilest très actif dans la région, notamment au sein <strong>de</strong>s collèges <strong>et</strong> <strong>de</strong>s lycées, où il intervient pour« apprendre aux jeunes comment faire <strong>de</strong>s CV, pour apprendre aux jeunes comment seprésenter pour chercher un emploi, c’est très important, la façon <strong>de</strong> se tenir, <strong>de</strong> ne pas y alleravec le panier à commission, <strong>de</strong> ne pas se présenter avec un chien dans les bras… » Il neménage pas sa peine pour essayer, selon lui, « d’ouvrir l’école sur l’<strong>entre</strong>prise » <strong>et</strong> faire serencontrer « ces <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s qui se connaissent mal ». Enthousiaste, il semble un bon100
ambassa<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s <strong>entre</strong>preneurs <strong>de</strong> la région dont il sait se faire porte-parole <strong>et</strong> même, le caséchéant, <strong>défense</strong>ur. Ainsi, au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> la participation électorale aux prud’homales : « Moi jedis « chapeau » aux <strong>entre</strong>prises <strong>de</strong> la région, je me souviens plus du taux mais je crois quec’était supérieur au taux <strong>de</strong> France. Et puis les employeurs d’ici c’est pas tous <strong>de</strong>s… <strong>de</strong>s gensqui font <strong>de</strong>s malversations, <strong>de</strong>s employeurs qui font <strong>de</strong>s... Non, c’est <strong>de</strong>s employeurs qui sontcorrects, qui sont honnêtes, moi je les côtoie dans mon activité <strong>de</strong> travail temporaire, je voisce qui se passe dans les <strong>entre</strong>prises, j’en ai vu dans d’autres secteurs qui sont pires ! Mais ilfaut quand même les motiver aussi, hein ? J’ai fait campagne aussi en leur disant « attentionn’oubliez pas, dimanche prochain, enfin non, c’est pas le dimanche, mais il faut allervoter… » Ceux qui sont allés le solliciter ont donc choisi quelqu’un qui était ou qui pouvait<strong>de</strong>venir un militant <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>prise. Si l’adhésion à une organisation professionnelle peut êtreun indicateur <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te forme d’engagement, elle n’est manifestement qu’un indicateur parmid’autres d’une proximité à un milieu. D’autres formes <strong>de</strong> médiation existent, comme parexemple la participation aux associations dites citoyennes, aux organisations politiques (15%disent être membre d’un parti politique) ou encore aux cercles plus fermés comme le Rotaryou le Lion’s club (17 personnes <strong>de</strong> notre population).<strong>Les</strong> chances d’être sollicité pour se présenter aux élections prud’homales dépen<strong>de</strong>nt doncétroitement <strong>de</strong> leur engagement dans la vie économique <strong>et</strong> sociale locale qui n’est pas nonplus sans lien avec leur disponibilité, familiale <strong>et</strong> professionnelle, comme le rappelle c<strong>et</strong>ingénieur, cadre supérieur : « pour ne rien vous cacher, j’habite ici maintenant 35 ans, maisje ne me suis jamais assis à un bistrot en ville. Jamais ! Moi je partais le matin à 5 heures, jerentrais à 10h du soir, j’avais une vie <strong>de</strong> famille <strong>et</strong> voilà. » Mais à quelques années <strong>de</strong> lar<strong>et</strong>raite, on lui propose d’être candidat. Flatté, il accepte : « je savais que j’allais prendre mar<strong>et</strong>raite dans quelques années… Je suis disposé, j’ai du temps… voilà. ».Le processus est sensiblement le même pour les conseillers salariés, même si pour eux, le« relationnel » tend à se confondre avec les relations <strong>entre</strong>tenues avec les membres <strong>de</strong>sorganisations <strong>syndicale</strong>s dans le cadre <strong>de</strong> leur travail dans l’<strong>entre</strong>prise. Ils sont d’ailleursmoins nombreux que les conseillers employeurs à déclarer participer à une association <strong>et</strong> sibeaucoup d’<strong>entre</strong> eux militent ou ont milité dans <strong>de</strong>s associations d’usagers (usagers <strong>de</strong>stransports, locataires…), la plupart rappellent que « ils ne peuvent pas tout faire ». Pour lecollège salarié, <strong>de</strong>venir conseiller prud’homme est tendanciellement le résultat d’un processusd’enrôlement syndical. Il n’est alors pas étonnant que la part <strong>de</strong>s conseillers salariéstravaillant dans <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s <strong>entre</strong>prises soit importante (68%) dans la mesure où c’est dans cesétablissements que les organisations <strong>syndicale</strong>s sont les le plus implantées <strong>et</strong> le mieuxstructurées. La probabilité pour les salariés d’<strong>entre</strong>r en contact avec <strong>de</strong>s responsablessyndicaux est plus difficile dans les p<strong>et</strong>ites <strong>entre</strong>prises <strong>et</strong> les très p<strong>et</strong>ites <strong>entre</strong>prises mais ellen’est pas nulle.b) un mandat syndical qui se méritePour les conseillers salariés, le mandat prud’homal s’inscrit dans une trajectoire <strong>syndicale</strong>bien spécifique. Dans la mesure où le mandat <strong>de</strong> conseiller est un mandat rare, il estparticulièrement prisé <strong>et</strong> son obtention engendre un processus plus ou moins sévère <strong>de</strong>sélection. A c<strong>et</strong> égard, comme le rappelle Benoît Verrier 216 , c’est un mandat qui se mérite ausens où non seulement il faut avoir certaines capacités <strong>syndicale</strong>s <strong>et</strong> juridiques pour le prendremais, <strong>de</strong> plus, il faut avoir fait ses preuves dans le syndicalisme <strong>et</strong> en particulier dans216Cf. article in livre Croquant101
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