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Uhomme qui fait trembler Nasser parle: EN GRANDE EXCLUSIViTÉ ...

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ments de respionnage égyptienet le Deuxième Bureau du président<strong>Nasser</strong> s'est couvert de ridicule.Aucune autre opérationsecrète n'aurait pu porter àl'Egypte un coup pius sensible,m'ont affirmé les juges d'instructionitaliens. Le prestige de <strong>Nasser</strong>en a pris un bon coup.J'ai été enleve dans Ia rue Iapius animée de Rome et Ton m'aconduit à TAmbassade d'Egypte.Là, on m'a drogue jusqu'à ce queje perde presque connaissance,puis on m'a mis dans une malle.Je savais que Ton allait m'expédieren Egypte pour y être tortureet probabtement mis à mort. Jeme souviens seuiement de Tinstantoú Ia malle fut ouverte, auposte de políce d'Ostie, aprèsune dramatique poursuite dansles rues de cette petite ville.J'étais encore sous Teffet desdrogues et je ne savais pas siles hommes <strong>qui</strong> m'entouraientétaientdes amis ou des ennemis.Je fixai les yeux sur Ia faible ampouledu plafond, <strong>qui</strong> m'attirait etm'aveuglait. D'une façon tout à<strong>fait</strong> automatique, j'appljqual lesconsignes que Ton m'avait inculquéesau cours de plusieursmóis d'école d'espionnage, auCaire. II me semblait entendre Iavoix insinuante de mon professeurparticulier Ragheb: « Dansle doute, tais-toi... Laisse <strong>parle</strong>rles autres et essaye de découvrirleurs intentions...»— Qui êtes-vous ? me demandemon interlocuteur.— Joseph Dehan.Je réponds automatiquement.Dehan est mon nom de couverture,celui <strong>qui</strong> me fut attribué àlEtat-Major du Caire par le capitaineOrnar pour ma mission àNaples. Cest ce nom <strong>qui</strong> figuredans mon faux passeport marocain.J'ai appris par coeur tousles détaiis de mon existence fictiveet je pourrais citer toute unesérie de prétendus parents. Sousce nom je devais me créer àNaples une existence absolumentnouvelle et, à un momentdonné, je devais me soumettreà une opération de chirurgieesthétique <strong>qui</strong> aurait totalementmodifié mon apparence. Puis,sous le nom de Joseph Dehan, jedevais être envoyé en Egyptecomme immigrant et y organiserune cellule d'espionnage.J'ignorais <strong>qui</strong> étaient mes libérateurs.J'ignorais méme si je metrouvais réellement en sécurité.Ceux <strong>qui</strong> m'entouraient pouvaienttout aussí bien être desagents secrets égyptiens. Aucunne pariait. Je souris pitoyablement:— Excusez-moi, messieurs, j'aiIa nausée. II faut que j'aille auxtoilettes.On me conduisit au lavabo parun étroit corridor. Par une porteentrebâillée, je pus voir des policiersitaliens en uniforme réunisautour d'une table. J'étais doncen süreté. On me ramena dansle bureau et je m'évanouis.Mon père, un homme entêtéCétait Ia fin d'une longue histoire,<strong>qui</strong> commença 17 ans piustõt, alors que j'étais un enfant de14 ans. Je suis né à Melilla, auMaroc espagnol, mais j'étais encoretout petit lorsque mes parentsallèrent s'installer à Oujda,au Maroc trancais. Cest là queje vécus jusqu'à Tâge de 14 ans.Mes parents vivent encore. Monpère est menuisier et marchandde bois. J'avais trois frères etquatre soeurs. Mon père n'étaitpas riche mais jouissait d'unegrande considération au sein deIa colonie juive d'Oujda. Le matin,je freqüentais Técole françaiseet faprès-midi je suivaisles cours de Técole hébralque.A râge de 14 ans s'acheva moninstruction scolaire et je devinssioniste.Mon frère Isaak était parti pourIa Palestine et un autre de mesfrères, ChaTm, ne tarda pas à Tyrejoindre. Cétait juste après ledébut de Ia guerre d'lsraêl. Monfrère a?né, Joseph, était depuisassez longtemps en France etles lettres de mes deux frères dePalestine enflammèrent mon enthousiasmeet ma soif d'aven-. ture. Mon père.lui, ne voulait riensavoir de mes désirs. II voulaitconserver un de ses fils à Ia malson,au moins jusqu'à ce qu'unede ses frftes soit en âge de semarier. Mon père est un hommeentêté. Quand il ne pouvait pasme convaincre en paroles, il lefaisait en me tirant les oreilles,ou avec une bonne giffle. Maisces arguments ne suffisaient pasà me décourager, bien au contraire,et je résoius de m'enfuirde Ia maison.Ce n'était pas Ia première fols.J'avais déjà tente Taventure lejour de ma « Barmiswa », fêtereligieuse juive <strong>qui</strong> correspond àIa confirmation des chrétiens. Lamaison était pleine de parentsvenus du Maroc espagnol et denombreux invités. J'enfilai moncostume neuf, j'emballai monchâle de prières tout neuf et mescourroies sacrées, et je me glissaihors de Ia maison. Je n'allaipas pius loin que Ia gare. Le chefde gare m'aperçut. Cétait un amide ma famiile. II me retint par Iabras et appela mon père. Jareçus une correction <strong>qui</strong> moderapour un temps mon goút desaventures téméraires. Mais paspour três longtemps. Je ne tardaipas à reunir un groupe de jeunesgens de mon âge <strong>qui</strong> voulaient,comme moi, se rendre en Israeloú Ia guerre battait son plein.Mais nos intentions ne demeu-


fy'L i/Des années ont passe depuis que Louk s'est enfui d'lsraêl, abandonnant sa femme enceinte et ses trois enfants. En novembre 1964, ses enfants et son vieux pèreattendent son retour à Taéroport de Tel-Aviv. Mais Louk ne rejoindra pas les siens. II est aussitôt condult en prison.bfe AN,R'" xü.ü.ti^,Acu-^•/1Á)p.+Je ne pouvals, centre Tévidence, nler le <strong>fait</strong> quej'avais été un mauvais époux et un mauvais père.Cependant, j'aime mes enfants. Peut-être qu'unpsychiatre pourrait déceler les raisons de mon comportementétrange à leur égard. Quand j'avais épouséNurlt, j'avals 20 ans. Cétait en 1955, quelques móisaprès Ia fin de mon service militaire. Les cinq ans queje venais de vivre en Israel ne m'avaient nullementprepare à mes responsabilités de mari et de père defamille. Dès mon arrivée à Haífa, en 1958, on m'avaitenvoyé dans un camp de jeunesse. Dès que mon frèreIsaak fut démobilisé, je m'installai chez lui, à Ness-Ziona, petite ville au sud de Tel-Aviv, et j'y restaijusqu'à mon service militaire.La vie de soldat me plaisait. J'étais toujours occupéet Ia discipline, en ce temps-là, n'était pas trop rigide.Je fus nommé caporal et je me fis de nombreux amis.Je ne prétendrai pas que j'étais un militaire exemplaire.Ma vocation n'allait pas jusque-là. J'aimaisIa bagarre et j'avais un caractère assez rebelle. II nefallut pas beaucoup de temps avant que Ton me cassâtde mon grade de caporal.Quelque temps avant ma démobilisation, mesparents et mes soeurs <strong>qui</strong>ttèrent le Maroc et vinrenten Israel, lis furent d'abord envoyés dans un campd'accueil à Kfar-Hess. Mon père avait beaucoup vieilliet s'était visiblement affaibli depuis que je l'avais<strong>qui</strong>tté. Mes frères s'étaient tous mariés entre-temps.lis avaient leur propre famille. Tout le souci de mesparents reposait désormais sur moi. Je m'installaichez eux et je trouvai du travail dans les culturesfruitières de Kfar-Hess. Três vite, je fus nommé contremaítremenuisier dans les ateliers d'expédition. Cestlà que je fis Ia connaissance de Nurit, ma futurefemme. Elle était employée aux emballages. Souventje me demande pourquoi j'avais, à Tépoque, tant dehâte à répouser. J'étais alors un jeune homme assezbien tourné, et les jeunes ouvrières de Ia fabriqueTavaient vite remarque. J'aurais pu me lier avec n'importelaqueile d'entre elles. Après notre mariage, mafemme me dit quelle était tombée amoureuse de moidès qu'elle m'avait aperçu et qu'elle s'était mise dansIa tête de devenir ma femme. Ce qu'une femme veut,elle Tobtient.La fin des illusionsNotre première année de vie conjugale fut heureuse.Nurit mit au monde une petite fiile, Aviva, et elle dutcesser de travailler pour pouvoir s'occuper d'elle. Lafamille de Nurit avait récemment immigré d'lrak enIsrael. Ses traditions et ses habitudes étaient biendifférentes des nôtres. Mes parents n'accueillirentpas ma femme avec beaucoup d'enthousiasme, bienau contraire. D'autre part, en raison du caractèresaisonnier de Tentreprise <strong>qui</strong> m'occupait, je me trouvaibientôt sans travail. Le mariage cessa bientôtd'être un conte de fées. Cependant, notre situations'améliora provisoirement lorsque j'ouvris une écolede danse pour les émigrants du camp. J'avais apprisà danser à Tarmée et j'avais visiblement d'excellentesdispositions. Les immigrants provenaient de toutesles régions du monde, lis découvrirent bien vite queIa danse était pour eux le seul langage commun possible.J'eus rapidement beaucoup d'élèves.Hélas! je n'avais pas compté avec Ia jaiousie dema femme. Elle ne pouvait pas supporter Tidée queje passais de joyeuses soirées et mêmes de joyeusesnuits en compagnie de joiies filies, alors qu'ellerestait patiemment à Ia maison et qu'eile attendait undeuxième enfant. Elle se mit à me faire des scènes <strong>qui</strong>firent de mon existence un enfer. J'étais à bout derésistance et je décidai de fermer mon école. Lessoucis financiers recommencêrent. II était difficilede trouver du travail bien remunere. Je pleurai surmon propre sort et me mis à boire. Quand j'étais ivre,je cherchais bagarre à toute occasion et je pris Thabitudede me réveiller au poste de police ou à Ia prison.PIstolet au poing...A Ia maison, pas de changement, bien au contraire.J'étais toujours au chômage et j'avais une femme etdeux enfants à nourrir. Un jour, Tun de mes frèresvint rendre visite à nos parents. J'étais complètementivre. Je pris un revolver et je courus sur Ia route.J'arrêtai Ia première voiture <strong>qui</strong> se présenta. PIstoletau poing, je fis descendre le conducteur de son siègeet je m'installai derrière le volant, puis je roulaicomme un fou. Je fus arrêté et jugé, On ne retint passeulement contre moi le délit de conduite en étatd'ivresse mais aussi celui d'agression à main armée.Je fus condamné à trois ans de réciusion.J'étais un prisonnier modele. La prison de Ma'aassiyahuétait un établissement modele, une prisonouverte, oü je travaillai dans un atelier de menuiserie.J'étais décidé à me réconcilier avec ma famille et àreprendre Ia vie commune dès que je serais libéré.J'étais prêt à faire preuve de patience et de tolérance.A Ia naissance de notre troisième enfant, une filie, mafemme écrivit au président de TEtat d'lsraèl pour luidemander ma grâce. Le directeur de Ia prison appuyacette requête. Je fus libéré après 18 móis de détentionseulement. Pendant que j'étais en prison, mesparents et les parents de ma femme avaient reuni unecertaine somme d'argent <strong>qui</strong> me permit, avec Taide deTAssistance, d'acheter une petite maison à Shalaria,un quartier de Petah-Tikva. Enfin je pouvais échapperà Ia mauvaise influence des nouveaux immigrés <strong>qui</strong>s'installaient au camp d'accueil. Je trouvai du travaildans une fabrique oCi Ton m'engagea comme menuisier.J'étais un ouvrier habile et soigneux. Mon patronsemblait m'apprécier beaucoup. Peut-être pouvais-jeespérer faire oublier bientôt mon passe. Mais Ia police,elle, ne Toubliait pas et me surveillait en permanence.Pour elle, j'étais un criminei, un ex-détenu. Chaquefois qu'il se passait quelque chose dans le voisinage,on m'interrogeait. Mes voisins et mes camarades netardèrent pas à se persuader que j'étais un individupeu recommandable et dangereux.Comme un animal pris au piègeJ'étais au bord de Ia dépression et je me remis àboire. Les jérémiades de ma femme reprirent de piusbelle. II arriva ce <strong>qui</strong> devait arriver. Les excès d'alcool,Ia mèfiance <strong>qui</strong> m'entourait à Tusine, les méchancetésde ma femme me poussèrent à bout. Un jour, je frappaiviolemment un camarade de travail et je fuscongédié. Cétait le moment qu'attendait ma femmepour m'apprendre qu'elle était enceinte pour Ia quatrièmefois. Je me sentais comme un animal pris aupiège. Je n'avais pIus ma tête à moi. Je crois que jen'étais pas en possession de tous mes moyens lorsqueje décidai de mettre fin à cette angoissante existence.Je ne me souviens pas exactement de Ia date etdes circonstances de ma décision de partir pourTEgypte. II est possible que j'aie entendu, en prison,des camarades affirmer que les Egyptiens aidaientles fugitifs et les déserteurs israéiiens à se rendre auCanada. J'ai moi-même entendu, chez des voisins.Ia Radio égyptienne promettre aux fugitifs israéiiensun billet de bateau pour le Nouveau Continent. QulttantIa maison, j'errai de village en village, jusqu'aunord du pays. Je me retrouvai ivre-mort à Zieson-Jacob. Cest là que je me souviens de cette possibiliteofferte par les Egyptiens. Je repartis pour le sud.Arrivé à Ia frontière, j'écrivis une lettre à ma femme,pour lui dire de m'oublier et de refaire sa vie. Puis jepassai Ia liqne, à Gaza.(Copyright by - Llllustró», Mordecai Louk and Yedioth Ahronoth)LA sEMAiNE PRocHAiNE: Dcs prísops égyptíenHes à Técole des espions23


Bfh Av/, í^'OX=^.0. €3Uí^J:<strong>Uhomme</strong> <strong>qui</strong> a<strong>fait</strong> <strong>trembler</strong><strong>Nasser</strong><strong>parle</strong>:<strong>EN</strong> <strong>GRANDE</strong> EXCLUSIVITÉ SUISSERésumé de Ia première partie :Mordecai Louk, le prlsonnierde Ia malle, attend d'être jugépar les juges israéilens. II estaccusé de désertion et de trahison.Dans sa cellule, 11 vientd'écrire sa confession tout aulong de laquelle II raconte sonenfance au Maroc et son brusquedépart de Ia malson paternelle,en 1958. II avait 14 ans.Refugie en Israel, 11 fit son servicemilitaire, se maria et traversaplusleurs périodes malheureuses.Victime de dépressions,violent, alcoolique, 11perdit ses emplois, se fit condamneret emprisonner. Libere,Ias de cette existence, il<strong>qui</strong>tta sa femme et ses troisfilies, vagabonda en Israel puispassa en Egypte, d'oü il espéraitgagner le Canada.7dePourégyptíenne,les besoinsMordecaide Ia propagan-Louk est^^4Lphotographlé sur Ia terrasse d'un M*casino du Caire en compagnie de uT*'lactrice Janette Fadei. Ses cama- j0rades de prison frappent desmains pour marquer le rythme deIa danse.'•^ 4V'^' |yjl- «c. V-j(^.,1/A LECOLE©DES ESPIONSDe toutes les années que j'ai vécues,les trois dernières furent lespius terribles. Et Ia pire de toutesfut celle que j'ai passée dans les prísonségyptiennes. Après avoir franchiIa frontière israélienne, à Gaza, je tombaisur une patrouille de soldats derONU. A cette époque-là, peu après Iafin de Ia crise de Suez, Ia police Internationaleveillait militairement sur le« no man's land » <strong>qui</strong> s'étendait entreles deux pays.Interrogé, je declarai que je venaisde <strong>qui</strong>tter Israel pour fuir Tenferqu'était devenue ma vie familiale, parceque j'étais au chômage et parceque je voulals, en oubllant mon passe,me faire une nouvelle existence.On m'enferma dans Ia prison deGaza oij je passai mon premier móisde captivité égyptíenne. En <strong>fait</strong>, monaffaire ne s'annonçalt pas si mal. Dansles locaux des forces de TONU, je fusd'at>ord interrogé par un sergent desservices de renseignements égyptiens.Cétait un homme três aimable <strong>qui</strong> mesalua d'un cordial « Ahlan wassahalan». Mais, dès qu'il eut obtenu des•troupes de lONU le sauf-conduit luipermettant de m'emmener, Tatmos-27


Óf^ /Í/Vl, P;/ O I , ^CL . 4/11, p.bphère changea du tout au tout. Dans Tauto qul in'emportait,je dls au sergent que j'étais venu en Egypteparce que je savais que TEgypte facilitait le départpour le Canada das fugitifs israéiiens.Sa réponse fut hargneuse et laconlque : «Tagueule ! »Et ce n'était qu'un début IPendant quatre jours, je dus répondre aux questionsdes officiers du RenseJgnement égyptien. Je netenterai pas de me faire passer pour un héros. En cetemps-là, j'étais si éccEuré par tout ce <strong>qui</strong> m'étaitarrlvé en Israel que j'étais prêt à travailler avec lesEgyptiens. Je répondis à toutes leurs questions. Enréalité, je savais bien peu de choses. lis voulaientsurtout des renseignements d'ordre militaire. Maisqu'aurals-je bien pu leur raconter ? J'avais <strong>qui</strong>ttéTarmée en janvier 1950 et, depuis lors, je n'avaisparticipe à aucune période d'entraínement. Chaquefois qu'une question m'embarrassait et que je tardaisà donner Ia réponse attendue, un sergent me menaçaitde son poing velu. Bientôt, il n'attendit mêmepas mes hésitations pour frapper. Je declarai qu'undéfaut de vision m'avait empêché d'être incorporedans les troupes combattantes. Je répétai plusieursfois cette affirmation. Enfin, après une terrible voléede coups, Tofficier fit venir un médecin pour examinermes yeux et confirmer mes déciarations. Mes interrogateursme demandèrent ensuite : « Combien couteen Israel une bouteille d'huiie d'olive ? » — « Quelest le prix du sucre ? » — « Que vaut le riz ? »Les questions n'en finissaient plus.PIus tard, lorsque je rencontrai d'autres déserteursisraéiiens, je réalisai que je pouvais m'estimerrelativement heureux. Je n'avais pas été soumis au«dernier degré». Plusieurs des Israéiiens <strong>qui</strong>s'étaient refugies en Egypte étaient devenus fousaprès avoir passe entre les mains des hommes ducontre-espionnage. Aucun de mes compatriotes nefut traité humainement. Tous furent frappés. Cétaitchez les Egyptiens un príncipe bien établi, un vérltableautomatisme. Après quatre jours d'interrogatoires,je fus transfere à Ia prison civile de Gaza.« En Egypte, tu mangeras du sable »J'étais assez naíf pour croire que le pire était passe.A peine étendues sur le sol de ma cellule, mes couverturesfurent couvertes de milliers d'insectes, sortisde toutes les anfractuosités des murs. Imposslble defermer un oeii. II fallatt lutter contre cette invasionsans cesse renouvelée. Au bout de quelques heures,j'étais épuisé. Le lendemain, quand les gardiensm'apportèrent un maigre déjeuner et me demandèrentcomment j'avais passe Ia nuit, j'eus Ia forcede répondre :— Ça va, mais cela ira mieux quand je seralen Egypte I— Tu crois ? En Egypte, tu mangeras du sable IJe restai 45 jours au secret, 45 jours sans <strong>parle</strong>rà personne, 45 jours à méditer Ia promesse falte <strong>parle</strong>s gardiens « Tu mangeras du sable ». Un Israéiienvint enfin occuper Ia cellule voisine. II s'était mutilele nez pour échapper au service militaire, puis11 avaittente de gagner TEgypte. Un autre déserteur futenferme le lendemain matin dans une autre cellulevoisine. Deux semaines plus tard, on nous donnaTordre d'emballer nos affaires. On nous banda lesyeux et, menottes aux mains, nous fumes chargés surun camion. Le trajet sembla durer une éternité. IIfaisait une chaleur suffocante. Nous étions tourmentéspar Ia soif et nous n'avions pas mangé. Brisésde fatigue, épuisés, nous finimes par nous endormir.II était deux heures du matin lorsque le camions'arrêta. On nous fit descendre et on ôta nos bandeaux.— Oü sommes-nous ?— Dans Ia prison militaire du Caire IA Taube, un gardien me conduisit dans ma cellule,au quatrième étage. La cellule 44 avait à peinedeux mètres dans sa plus grande longueur. Le mobilierse composait d'un matelas, d'un seau de toile etd'un broc en matière plastique.A Topposé de Ia porte se trouvait Tunique fenêtreà barreaux. Une odeur de brülé montait de Ia couret de lourdes émanations de fumées pénétraient jusqu'àrintérieur de Ia prison. Trois fois par jour, unminuscule guichet s'ouvrait dans Ia lourde porte etnous recevions notre pitance. Pour le petit déjeunerdes lentilles, à midi des haricots et le solr dé Iasoupe.Les prisonniers <strong>qui</strong> chantentUne vingtaine de cellules semblables à Ia miennes'ouvraient le long du couloir. Toute cette partie de Iaprison était réservée aux transfuges israéiiens. Dèsque Tun de nous essayait d'entrer en contact avecune cellule voisine, les gardiens intervenaient violemmentet, dans une cascade de jurons, nous menaçaientde nous briser les os.A plusieurs reprises au cours de ce premiermatin dans Ia prison militaire, j'entendis chanter unechanson juive, une chanson populaire inspirée parrindépendance. Je ne réalisai pas tout de suite queles paroles n'étaient pas celles du texte original. Lechanteur essayait, à Ia barbe des gardiens, d'entreren contact avec ses voisins : « Qui es-tu ?... D'oüviens-tu ?... Quand es-tu arrlvé ?...» Bientôt jem'aperçus que ces questions m'étaient destinées.Je répondis en chantant et d'autres prisonniers entrèrentdans ce choeur improvise. Le gardien nousdonna Tordre de nous taire. Nous n'avions pas d'autremoyen de communiquer. Nous étions tous ausecret et, pendant les treize móis <strong>qui</strong> suivirent, jen'eus pas d'autre possibilite d'entrer en contact avecmes camarades.Le lendemain ou le surlendemain de mon arrivée,un officier des services secrets m'interrogea. II s'appelaitSayid. II avait le visage cousu de cicatrices.Depuis ma fuite d'lsraèl, c'était le premier homme <strong>qui</strong>me témoignait des égards relativement humains. IIme fit donner du savon et de Ia pâte dentifrice. Sesbonnes paroles et ses promesses me permirent desupporter tant bien que mal mes premières semainesde captivité.Traítés comme du bétailLes gardiens nous traitaient comme si nous étionsdu bétail et déversaient tout leur trop-plein de sadismedans notre nourriture. Deux fois je surpris Tund'eux en train de jeter du savon et une poignée desable dans ma gamelle. Théoriquement, nous avionsle droit de nous plaindre au directeur de Ia prison.Mais j'appris bien vite que cela ne servait absolumentà rien. Plus les jours passaient, plus je perdais Ianotion du temps. A tout instant les gardiens nousA Naples, le faux Joseph Dahan devint Taml de SarahBianco. De juln à septembre 1964, il vécut dans lequartier de Ia gare napolitaine d'une existence apparemmentbourgeolse et tran<strong>qui</strong>ile.provoquaient pour trouver, dans notre colère, un pretexteà nous rouer de coups.A voir rhabillement plus chaud des gardiens, joréalisai que nous étions au milieu de Thiver. Endécembre, on m'avait conduit au bureau de Ia priscnoü un journaliste m'avait questionné. II enregistr:mes réponses sur un appareil. II voulait savoir lesvrais motifs de mon départ d'lsraèl. Je lui donnai Iaréponse que Sayid m'avait inspirée lors de monpremier interrogatoire : chômage et mauvaises conditionsd'existence.Je sombrai bientôt dans une totale apathie. Toutm'était devenu indifférent. Les jours, les semaines,les móis s'écoulaient. Vers Ia fin de Tété 1962, probablementen octobre, je décidai de mettre fin à mesjours. Je guettai le passage du gardien derrière maporte. Sitôt que je Tentendis, je me mis à Tabreuverd'injures, des injures comme on n'en entendit peutêtrejamais dans Ia prison militaire du Caire. II y enavait pour tout le monde et pour tous les goüts. J'injuriale gardien, sa mère, le colonel <strong>Nasser</strong>, TEgypteet Ia religion musulmane. Les événements se déroulèrentcomme je Tavais espéré. Le gardien saisit sesclés, ouvrit Ia porte de ma cellule et se precipita versmoi. Je le frappai violemment. II s'écroula. Je bondisdans le corridor et sautai Ia tête Ia première pardessusIa barrière du couloir. Je tombai dans Ia cour,trois mètres plus bas.J'avais espéré me rompre Ia nuque dans machute. Mais je tombai sur le dos. Je ne perdis mêmepas connaissance et je vis plusieurs gardiens m'entourer.lis me tâtèrent les os. Je n'avais pas Ia moindreégratignure. lis me reconduisirent dans ma cellule,m'enlevèrent mes habits et me ligotèrent avecune courroie. Deux menottes, fixées par des chaínettesà cette courroie, m'emprisonnèrent les mains.Tandis que deux gardiens me maintenaient à terre,deux autres me frappèrent Ia plante des pieds avecune barre de fer. Deux fois je perdis connaissance.Deux fois les gardiens me ranimèrent en versant surma tête un broc d'eau froide. Et Ia torture reprit deplus belle. Après mon troisième évanouissement, ilsme laissèrent tran<strong>qui</strong>ile.Je me réveiile à rhôpitaiII faisait nuit lorsque je repris connaissance. J'étaisallongé sur le sol de ma cellule. J'avais Hmpressionque mon corps n'était qu'une immense blessure. Jesouffrais atrocement et je n'avais plus qu'une idée :en finir avec Ia vie. Quel était mon état mental à cemoment-là ? Je ne m'en souviens pas. Etais-je maítrede mon raisonnement et de mes actes ? Qui peut ledire ? Des doigts et des ongles, j'arrachai les ferruresde mes souliers militaires. La nuit durant, je frottaile metal contre le béton de ma cellule pour en aiguiserle tranchant. A bout de forces, je tentai de plantercette lame dans mes bras. Le sang jaillit. Mais lefer n'était pas assez tranchant pour sectionner lesveines. Je dus élargir les plaies avec mes ongles puisje m'allongeai sur mon matelas et je m'entoural decouvertures pour attendre Ia mort.Je me réveillai à rhôpitai. J'avais les bras entourésde pansements jusqu'au coude. Un soldat enarmes montait Ia garde au pied de mon lit. On meraconta plus tard que le gardien m'avait découverten m'apportant mon petit déjeuner. Mon transport àrhôpitai déciencha Texcitation générale car, pourme soigner, on appela Tun des meilleurs spécialistesdu pays, le frère du marechal Abdul Hakim Amer. LesEgyptiens firent l'impossible pour me maintenir envie. Le suicide d'un refugie israéiien aurait porte desérieux coups à leur prestige.J'étais depuis cinq jours à Thôpital lorsque jereçus Ia visite de Sayid, Tofficier du Service de renseignements.II voulait savoir les raisons de ma tentativede suicide. Je lui declarai, furieux, que cesraisons étaient trop evidentes pour que j'aie besoinde les donner. J'avais cru à toutes les promesses deTEgypte et Ton m'avait laissé <strong>qui</strong>nze móis au secret,soumis aux pires traitements. II me demanda si jedésirais quelque chose.— Oui, je voudrais <strong>parle</strong>r avec d'autres refugiesisraéiiens.Cétait une demande sans espoir. Je le croyais,mais je me trompais.Le lendemain une voiture militaire vint me chercherà rhôpitai et me conduisit à Ia prison. Dans Iacour attendaient six de mes compatriotes. Nouspijmes bavarder pendant une heure puis on me reconduisità Thôpital. Deux semaines plus tard, je<strong>qui</strong>ttai définitivement rhôpitai. Je pensais que Tonme reconduirait directement dans ma cellule. Maisles gardiens me laissèrent dans Ia cour de Ia prisonoü je trouvai mes compatriotes en train de jouer auballon.Ms m'accueillirent bruyamment, m'embrassèrentavec reconnaissance. A leur avis, c'est grâce à matentative de suicide que leur sort s'était amélioré.28


Ai M , K; I O N -í,A.CL .4/41,^.fLouk fut enrõlé par les services secrets égyptiensparce qu'il avait un charme certain, <strong>qui</strong> facilitait soncontact avec les femmes. Le voici dans les ruines dePompél avec une amie yougosiave.Pendant mon absence, le nombre des refugies israéllensavait doublé. Nous étions maintenant une vingtaine.Fini le regime des cellules individuelles I Nousétions partagés en deux cellules communes.Comparée à ma première année de captivité enEgypte, Ia seconde me faisait presque Teffet d'unepartie de pique-nique. Les gardiens avaient renoncéà nous maltraiter. De temps en temps, nous partionsen promenade surveillée dans Ia ville et dans lesenvirons. La propagande égyptienne utilisait abondammentces sorties qul, pour nous, représentaientun changement bienfaisant dans Ia monotonia desjours.Pour échapper à Ia prisonje m'enrôle dans les services secretsBien que les conditions de ma détention se fussentsensiblement améliorées, je me declarai volontalrepour travailler dans les services secrets égyptiens.Ce <strong>qui</strong> m'y poussa, ce fut d'une part Tincertitude demon avenir, et d'autre part le contact avec mes compatriotesphsonniers, dont plusieurs avaient dO fairede longs séjours dans des maisons de fous. Certainsd'entre eux étaient d'ailleurs des malades mentaux<strong>qui</strong> s'étaient échappés de cliniques psychiatriquesisraéiiennes.Pour aller en promenade, nous recevions desvêtements propres, presque élégants. On nous lesretirait dès notre retour en prison. Des journalisteset des reporters de Ia radio assistaient régulièrementà ces excursions. Lorsque nous arrivions dans unvillage, à quelques kilomètres du Caire, les autoritésnous souhaitaient Ia bienvenue. Nous devenions pourun instant les •< invités et les chers hôtes israéiiens ».Le point culminant de ces sorties, c'était une visite àIa synagogue du Caire, le jour des prières. Je fusappelé à lire Ia « torah ». Entouré de nombreux corellgionnaires,je me sentais fort, invulnérable. Je demandaià mes gardiens d'éloigner les photographes,pour ne pas compromettre Ia dignité de Ia cérémonie.Même ce vceu fut exaucé.Les autres juifs de Ia synagogue savaient <strong>qui</strong>nous étions. Aucun d'entre eux ne nous adressait Iaparole. Plusieurs fois nous essayâmes, mes camaradeset moi, d'entrer en contact avec eux. lis refusèrent,disant qu'il fallait éviter les complications,que les murs avaient des oreilles et que ceux <strong>qui</strong>priaient dans Ia synagogue n'étaient peut-ôtre pastous des juifs.A cet époque survint un événement inattendu.On nous distribua des formulaires envoyés par leConsulat du Canada, des demandes de visa quenous devions rempiir. Quelques jours pIus tard, nousfumes conduits, isolément, ou par deux, au Consulatcanadien. J'eus un três long entretien avec un fonctionnairede Ia légatlon. Je croyais Tavoir persuadode mes qualités professionnelles. II semblait admettreque j'étais un bon menuisier. Mais Ia déception ne seSa breve carrière d'esplon fut marquée par de nombreusesaventures. Dans un palsible jardln napolitain,Louk fraternise avec une blonde Allemande de Francfort,Edith, maman d'une fillette.fit pas attendre. Un móis pIus tard, Sayid nousinforma que toutes nos demandes de visa avaient étérepoussées. Cependant, beaucoup pius tard, quelques-unsde mes camarades réussirent à partir pourle Canada.Echec au Consulat d'AustraliePar Ia suite, nos gardiens nous emmenèrent au Consulatd'Australie. Nous rempllmes des formulaires et,deux semaines pIus tard, on nous informait que nosdemandes étaient refusées.J'étais três déçu. Ce fut sans doute ce <strong>qui</strong> mepoussa définitivement à m'engager dans les servicessecrets égyptiens. J'espérais ainsi trouver, d'unefaçon ou d'une autre, roccasion de <strong>qui</strong>tter TEgypte.Au cours d'une de nos excursions, je fis part à Sayidde mes Intentions. II me conseilla de faire une demandeócrite. Quinze jours pius tard, j'étais convoquechez le directeur general de Ia prison.Deux étrangers m'y attendaient. Sayid me présentaTun d'entre eux : « Capitaine Omar, de Tétatmajordes services secrets. » J'lgnore si c'est là sonvéritable nom. Cétait un homme de haute taiile,efflanqué, aux cheveux ondules et au visage couvertde cicatrices. Son compagnon, nommé Hussein, meposa deux ou trois questions. Je ne le revis jamaispar Ia suite. En revanche, j'eus roccasion de rencontrerOmar à plusieurs reprises.Ma lettre était posée sur le bureau. Je renouvelaide vive voix mon désir de travailler de n'importequelle façon avec les services secrets, pour échapperà ma captivité. Omar me demanda si je croyaispouvoir rendre des services réels. Je lui répondisque j'en étais persuade, car je parlais couramment letrancais, l'espagnol, Tanglais, Thébreu et trois dialectesárabes.— Que savez-vous des méthodes de Tespionnage?— J'ai lu beaucoup de livres sur ce sujet.Omar me demanda de lui raconter tous les détailsde mon enfance et de ma jeunesse. II consultaitsans cesse un volumineux dossier étalé devant lui.De ma place, je ne pouvais rien lire, mais j'étais certainqu'il s'agissait des procès-verbaux de mes int.errogatoiresà Ia prison de Gaza.Lorsque notre entretien fut termine, Omar m'ordonnade garder le silence le pIus complet sur cetteentrevue et de n'en <strong>parle</strong>r à aucun prix à mes camarades.La semaineprochaine:Pendant trois semaines, je n'entendis pIus <strong>parle</strong>rdes services secrets. Enfin, étrange nouvelle, onm'informa que le cônsul du Canada avait reexaminema demande. II m'accordait un visa pour le Canadaet je pourrais partir dans quelques jours. Je priscongé de mes compagnons. lis étaient tristes de mevoir partir. Pendant ces deux années de captivité,j'avais été, en quelque sorte, leur chef. La plupartd'entre eux me demandèrent d'écrire à leurs famillesrestées en Israel. Je pourrais le faire dès mon arrivéeau Canada. De Ia prison, nous ne pouvions correspondreautrement que par les cartes de Ia Croix-Rouge et dire seulement que nous étions en süreté eten bonne santé.Avant de <strong>qui</strong>tter définitivement Ia prison, je prisà part l'un de mes camarades, Max Amar, un Israéiien<strong>qui</strong> avait <strong>qui</strong>tté notre pays avec sa fiancée parce queles autorités leur refusaient Tautorisation de mariage.En Egypte, ils se faisaient passer pour le frère et Iasceur. Je convins avec Max de lui envoyer une cartepostale avec ces mots : « Salut et au revoir», si jepartais effectivement pour le Canada. Au contraire,si les Égyptiens ne me laissaient pas partir je devaisécrire : « Fidèlement à toi ».Le lendemain matin, le lieutenant Shams vint mechercher dans ma cellule. II me conduisit dans sapetite voiture jusqu'au centre de Ia ville. II prit congéde moi et me fit monter dans une luxueuse limousineOLi je retrouvai le capitaine Omar, assis à côtó duchauffeur, et deux autres personnages cales sur lesiège arrière. lis se présentèrent: Fouad et Ragheb.Cest avec eux que j'allais, pendant six móis, fairemon apprentissage d'espion.Nous arrivâmes devant un immeuble locatif, dansle quartier du Palais de Justice. Nous montâmes autroisième étage. Omar me conduisit à Ia chambre debains, me donna Tordre de me raser. Puis, après unbon repas prepare par le cuisinier Abdu, nous partlmesfaire des achats en ville: chemises, chaussures,sous-vêtements et un magnifique complet vert.Nous passâmes Ia soirée dans un casino, aubord du Nil. Pour dormir Ragheb s'installa dans machambre, oü nous avions deux lits jumeaux. J'étaistraité comme un camarade, mais Ia confiance nerégnait pas.Une semaine s'était passée depuis ma sortie deprison. J'envoyai une carte à Max avec les mots convenus: « Fidèlement à toi ». Au bout de trois semaines,Fouad et Ragheb semblaient persuadés de mafidélité. Bientôt nous changeâmes de quartier. Nousnous installâmes près de Ia prison des femmes, dansune villa oü Omar avait également son bureau, unepièce toute tendue de rouge oü il passait quelquesheures chaque jour. Aussitôt, Tentratnement intensifcommença dans cette maison <strong>qui</strong> allait devenir unevéritable académie d'espionnage. Après deux heuresd'exercices physiques, boxe, lutle et judô, commençaientles cours théoriques <strong>qui</strong> duraient jusqu'au soir.Vers Ia fin de cette période de formation. unancien SS allemand vint me faire passer un examen.Engagé comme instructeur dans Tarmée égyptienne,il passa longuement en revue mes connaissancesthéoriques et pratiques, de Tarme blanche au revolversilencieux, du poison au judô.Bientôt, les leçons de Fouad et de Ragheb furentsurtout consacrées au comportement qu'un agentdoit observer dans les pays étrangers : vivre discrètement,être constamment sur ses gardes, ne jamaisse laisser repérer. A plusieurs reprises, nous fímesdes exercices pratiques en ville. Fouad et Ragheb mesuivaient et je devais leur brúler Ia politesse sansqu'ils s'en aperçoivent. Cette école fut si pousséequ'aujourd'hui encore, je surveille mes moindresmots.Une grande partie de ma formation fut consacréeaux méthodes d'approche et de corruption. Commententrer en contact avec des inconnus ou avecdes agents du réseau ? Comment utiliser les difficultésfinancières d'un homme pour le compromettreou le railier ? J'appris à utiliser une caméra miniatureet tout un matériel indtspensable. Omar m'avouaque si j'avais été accepté dans les services secrets,c'est parce que j'avais Tart de séduire les femmes.Le 22 juillet 1963, Omar vint partager notre repas.II posa devant moi des documents et un passeport.— Tu pars demain. Tu fappelles Joseph Dahan.Ragheb te donnera tous les détails sur «ta» vieantérieure. Apprends-les par cceur.(Copyright by « L'lllustré>, Mordecai Louk and Yedioth Ahronoth)L'aventure commence en Italíe29


t>^) ^N , ^,/o x^ .o.eci,ACL . A-/'ii, p. ^<strong>Uhomme</strong> <strong>qui</strong> a<strong>fait</strong><strong>trembler</strong> <strong>Nasser</strong> <strong>parle</strong>:Dans Ia petite pension napolitaine du 30, via Annunciata, Mordecal Louk (icl confortablement Installé au balcon) allait connattre une vie •entimentale particulièrement compllquée.Résumé des deux premières parties : Mordecai Louk, fils d'un artisan juif duMaroc espagnoj, va s'installer avec sa famille à Oujda, à Ia frontière de l'Algérie.A 14 ans, après une fugue pleine d'embúches, il se Joint à des coreligionnaires<strong>qui</strong> se rendent en Israel. Dans sa nouvelle patrie, II accomplit sonservice mllltaire. Démobillsé et três tõt nuirlé, II se révòle d'eniblée un maribrutal et un père négligent Chassé de teus ses emplois à cause de sonmauvals caractère, II supporte mal le chõmage, s'enlvre, puls est condamnépour vol et agression. II fult en Egypte, pensant de là gagner le Canada,mais les Egyptiens le gardent en prison pendant pius de deux ans. Pouréchapper aux brutalltés de ses gardiens, Louk s'engage dans les Servicessacrets egyptiens et suit Ia dure école des espions de <strong>Nasser</strong>.FCendant Ia nuit du 22 au 23 juil-^ let 1963, rexcitation m'empêchade fermer Toeil. A quelques heuresdu départ, j'essayai d'oubliermon passe misérable et d'imaginer lesfelicites <strong>qui</strong> m'attendaient. Je n'avaispas du tout rintention de travaillerréellement pour les Services secrets42egyptiens et je comptais saisir au volIa première occasion <strong>qui</strong> se présenteraitde fausser compagnie à mes sbires.Mais mes síx móis d'école secretam'avaient si bien conditionné que jem'identifiais entièrement à mon personnaged'espion. J'étais dans un telétat de dédoublement que l'on peutbien appeler cela de Ia schizophrénie.Tout en espérant échapper aux griffesdes Egyptiens, je me réjouissais devivre Ia vie aventureuse d'un agentsecret, de fróquenter de belles femmes,de manier de Targent à Ia pelle...Aujourd'hui, en écrivant ces souvenirsdans ma prison israéiienne, jepense au juge d'instruction <strong>qui</strong> m'interrogeaitaprès mon retour d'ltalie.«Vous êtes un incorrigible rêveur, unsatané romantique», me disait-il. Cestvrai. Derrière mes barreaux, je m'imagineêtre le héros d'un film, dont jeserais également le principal acteur.Je tourne à Hollywood, bien entendu,et je rentre célebre et riche en Israel.Les jeunes policiers, <strong>qui</strong> m'avaient simal accueilli à mon retour de Rome,<strong>qui</strong> m'avaient jeté des regards si méprisants,me reconnaissent et rougissentde honte. Je rôve, bien sür, mais<strong>qui</strong> n'en ferait pas autant à ma place ?A Rome, après l'affaire de Ia malle,j'ai reçu de nombreuses propositionsde metteurs en scène et d'intermédiaires<strong>qui</strong> voulaient acheter «monhistoire ».Cheveux teints et doublepasseportAvant de me <strong>qui</strong>tter, le soir du 22 juillet,le capitaine Omar m'avait donnéTordre de me teindre les cheveux enmarron foncé, car ma chevelureblonde attirait trop Tattention. Ordreétrange, en vérité, car sur mon fauxpasseport, j'ai les cheveux clairs. Ragheb,le lendemain matin, me rassureen me donnant un second passeportque je dois utiliser pour mon prochainvoyage. Avant de partir, Ragheb me(Suite à Ia page 44)


6P) A^, 'hio K'^.0.£CI , ACL.4/'l^,f-9Chargé de recruier des Israéllens pourresplonnage égyptlen, Louk étaIt constammentsurveillé dans ses ailées et venues àNaples par le contre-espionnage Itallen.Mais son agent de llaison trouva blentõtLouk trop peu productif et cette photo futune des demières prises lors de son séjourà Naples : on avaIt décidé de le ramenerau Caire.44<strong>fait</strong> signer une déciaration selon laquelleje me suis engagé librement etvolontairement dans les Servicessecrets égyptiens.Au petit déjeuner, j'apprends que lecapitaine Ornar será du voyage. II medonne ses demières instructions. Nousnous séparerons avant de monter dansTavion. II prendra place en premièreclasse et moi en classe touriste. Nousreprendrons contact à l'aéroport,après Ia visite des bagages et le controledes passeports. Mais quel aéroport? A ce moment-là seuiement,j'apprends que nous partons pourFrancfort, en Allemagne, oü je doisséjourner un certain temps.A Francfort, le capitaine Omar m'attendaitdans le hail des passagers,près d'un kiosque à journaux. li mefit signe de le suivre et de monterdans un taxi, oü 11 me retira monpasseport égyptlen et me rendit monfaux passeport marocain. II me remitune valise pleine de vôtements fabriquesen Allemagne et un peu d'argent.Premières consignes«Maintenant, dit Omar, écoute-moibien. Tu fappelles Joseph Dehan.Pendant les jours <strong>qui</strong> viennent, promène-toidans ia ville. Achète un plan,apprends le nom des rues. li faut quetu connaisses Francfort comme si tuy avais séjourné plusieurs moís. li y abeaucoup de juifs ici et beaucoup d'lsraéliens.Essaie de te lier avec eux,mais sois prudent. Nous nous retrouveronsce soir à cette adresse.»II glissa dans ma main Tadressed'un petit café et fit signe au chauffeurde s'arrêter. Nous étions devantun modeste hotel, le «Victoria», prèsde Ia gare.Pour Ia première fois depuis pIus dedeux ans, j'étais libre. Je montai dansma chambre, changeai de vêtementset partis faire une promenade dansles rues.Au cours des deux semaines <strong>qui</strong>suivirent, je ne rencontrai le capitaineOmar que deux fois, mais je Taperçussouvent. II me surveillait de loin, mesuivait à Ia trace. A plusieurs reprises,je réussis à le dépister, comme onm'avait appris à le faire au Caire.En Egypte, je n'avais pas eu l'occasionde m'amuser beaucoup. Je merattrapai à Francfort. Chaque soir, jefaisais Ia connaissance d'une jeunefilie ou d'une femme esseulée. CétaitIa belle vie. J'espérais que cela dureraittoujours.Pendant ces premiers jours, je nefis guère d'effort pour entrer en contactavec des israéiites. Ma premièreexpérience faillit tourner en catastrophe.La propriétaire d'une boTte denuit, une juive, me chercha querelleparce que, de toute Ia soirée, jen'avais bu qu'une seule bière. Je luirépondis vertement, car je ne supportepas l'alcool et j'étais déjà surexcité.Deux serveurs se précipitèrent pourm'expulser. Je saisis une bouteille etmenaçai de les défigurer. Visiblement,ia patronne préférait éviter toute esclandreet fit signe aux garçons deme iaisser tran<strong>qui</strong>lle.J'étais stupide. Omar m'avait bienrecommandé de ne jamais me faireremarquer. Une entraíneuse, <strong>qui</strong> assistaità cette algarade, me prit pour un«dur». A Ia fermeture, elle m'invitachez elle. J'y restai jusqu'à Ia fin demon séjour à Francfort.Omar me laisse seuià FrancfortUn soir, le capitaine Omar m'appelaau téléphone et me donna rendezvousdans le petit café habituei. IIm'annonça qu'il devait rentrer d'urgenceen Egypte. II me dit que Tonétait assez satis<strong>fait</strong> de moi pour meIaisser désormais sans surveillance etme remit deux cents dollars :— Ne fais pas de folies ! II faut quetu gardes assez d'argent pour payerton billet pour Naples. Nous te donneronsde nouvelies instructions partéléphone. Une semaine après tonarrivée à Naples, nous nous retrouveronsau Buffet de Ia Gare. Compris?Les délices de Francfort ne durèrentqu'une semaine. Je reçus par téléphoneTordre de prendre le soir mêmele train pour Naples. Cétait Ia premièresemaine d'aoút. Au premiercontact, je tombai amoureux de cetteville <strong>qui</strong> allait devenir, pendant piusd'un an, ma nouveile patrie. Je pensechaque jour avec nostaigie à cettemerveilleuse cite grouiilante de vie.Je ne sais pas si, dans une ville pIusaustère, je serais devenu le modeledes espions. Mais à Naples, sous lesoleil du Sud, au bord de Ia mer sibleue, entouré de femmes à Ia beautélascive, je ne pensai qu'à Ia minutepresente. Cest peut-être pour avoirtrop aimé Tatmosphère napolitaine quej'ai abouti, à Rome, dans une valisediplomatique IPour rinstant, je n'avais qu'à meIaisser vivre. Comme j'en avais reçuTordre, je m'installai dans un hotelassez modeste, dont les fenêtres souvraientsur Ia gare, au numero 60 deia piace Garibaldi. La chambre étaitpropre et les propriétaires sympathiques.Par Ia suite, ils me procurèrentde temps en temps du travail en m'employantcomme guide pour les touristesqu'ils logeaient. Mais pendant lespremiers jours, je ne pensais guère àtravailler.Comme à Francfort, je commençaipar me familiariser avec Ia ville, apprenantle nom des rues, le plan desquartiers et quelques mots d'itallen.Je fis de rapides progrès, car Titalienressemble beaucoup à Tespagnoi, malangue d'origine. Au bout de troismóis, je parlais assez bien le dialectenapolitain pour être considere commeun homme «du pays».Selon les instructions recues, j'avaisrencontré le capitaine Omar une semaineaprès mon arrivée, au bar duBuffet de Ia Gare. li me salua cordialementet nous descendímes Ia ViaGrazi pour aller nous installer à iaferrasse du Café «Rosso e Nero».Assis devant un «expresso», il meraconta le pius calmement du mondequ'il avait <strong>fait</strong> courir le bruit, parmimes camarades de Ia prison du Caire,que je n'étais pas parti pour le Canadamais que j'avais décidé de retourneren Israel. Arrêté, j'avais été condamnéà 15 ans de réciusion. Cest l'une desméthodes utiiisées par le Service derenseignements égyptien pour impressionnerles transfuges israéllens et lesdécourager de retourner dans leurpays, surtout s'ils parviennent à <strong>qui</strong>tterI'Egypte.Pris entre deux feuxOmar n'était pas venu du Caire àNaples pour me raconter cette histoire.II avait certainement une autreidée en tête. Connaissant ses méthodes,j'imaginai plusieurs possibilites.En <strong>fait</strong>, il voulait surtout me «présenter»à quelques agents de son service.J'essayai de les repérer, maispersonne ne semblait faire attentionà notre présence. Beaucoup pIus tard,j'appris que ma supposítion était juste.Deux hommes profitaient de ma conversationavec Omar pour m'épier etfixer mes traits dans leur mémoire.Au cours des semaines suivantes, ilsme prirent en filature et me surveillèrentconstamment. Ils étaient tousles deux depuis longtemps repéréspar le contre-espionnage italíen. Ilsfinirent par me faire repérer moiaussi, si bien que je fus bientôt suivipar ces deux agents d'Omar et pardes agents du contre-espionnage italien.Ces derniers étaient si habiles etsi prudents que je ne me suis jamaisdouté de leur surveillance. Ils réussirentmême à me photographier sansque je m'en aperçoive. Nicolas Ciré,le commandant de Ia «questure» deRome, m'a raconté par Ia suite commentfonctionnait cette surveillance.Dès qu'ils eurent établi que je rencontraimes chefs égyptiens une foispar móis seuiement, les agents itaiienscessèrent leur espionnage permanent,me prenant en chasse seuiement pendantles quelques jours précédant mesrencontres avec Omar ou l'un de sesmessagers.Nous restâmes une bonne heure àIa ferrasse du «Rosso e Nero», letemps de permettre aux deux hommesd'Omar de bien m'identifier, puis nousnous rendímes en taxi vers le centrede Ia ville. Omar me fit entrer dansun grand immeuble locatif et appuyasur le bouton d'appel de lascenseur.Un homme, <strong>qui</strong> semblait fortementoccupé à réparer une boTte aux lettres,nous rejoignit. Cétait un colosseaux larges épaules, aux yeux bruns etdurs, âgé d'une trentaine d'années.Omar fit les présentations :— Sayed, l'un de mes collaborateurs.II te servira de «contact».Cest aínsi que je fis Ia connaissanced'Osman Sayed, premier secrétaire àTAmbassade d'Egypte de Rome. Pendantles 15 prochains móis, Sayed devaitêtre mon trésorier-payeur, monrival dans le cceur de rÁméricaineBetty et presque mon bourreau.Premier objectif: ie portSayed sortit une clé de sa poche etnous pénétrâmes dans un confortableappartement. Je n'y revins jamais parIa suite car Sayed me fixait toujoursrendez-vous dans un café ou dans Iarue. Notre hôte sortit une bouteille dewhisky et Omar m'expliqua, pour Iapremière fois, ce que devait être montravail en Italie.Ma mission à Naples n'était queprovisoire.— Notre intention, dit Omar, est definstaller en Israel. Mais auparavant,tu dois acquérir une nouveile personnalité,te faire un nouveau masque.Pour l'instant, efforce-toi de bien facclimaterici. Cherche du travail, trouvetoiune adresse fixe et demande unpermis de séjour.Connaissant mes ressources linguistiques,Omar me suggéra de chercheralors un emploi dans une agence devoyages.— Si tu t'en tires bien, nous fachèteronsune agence de voyages à Tel-Aviv. Cela te permettra de rencontrerbeaucoup de monde, de prendre descontacts sans que personne te soupçonne,et de voyager facilement àrétranger pour rencontrer Tun ou Tautred'entre nous.Les Égyptiens n'entendaient pasm'entretenir sans contrepartie. Omarm'expiiqua ce que Ton attendait demoi dans Timmédiat:* Enrôler des Israéllens dans lesServices secrets égyptiens, surtoutdes employés de Ia compagnie israélienned'aviation, des marins et destouristes.* Observer le mouvement des naviresisraéiiens dans le port de Naples,et notamment les unités militaires envoyéesd'lsraèl pour être réparées oumodifiées dans les ateliers de Ia marineitalienne.* Noter le pIus d'observations possiblessur les bases napolitaines del'OTAN, particulièrement sur les mouvementsde Ia 6e flotte américaine.J'objectai que les avions israéiiensn'atterrissaient pas à Naples, mais àRome, et que leurs é<strong>qui</strong>pages ne venaientjamais à Naples. Omar me réponditque cela n'avait pas d'impor-(Suite à Ia page 46)


t)'^}i^. , ^>^o \-i.o, t::/ ,/iCL .4-/'i''ií f-''^Se débattant dans une situation sentlmentaleinextrlcable (le voicl en compagnied'une jeune Yougoslave de passage à Naples),Louk devait être mis sans tarder« hors circuH ».46tance : « Ce <strong>qui</strong> compte, c'est le port.Je veux connaítre les mouvements detous les navires.»Une gentille petite pensionde familleJ'étals à court d'argent. Ornar me remit,à nouveau, deux cents dollars.— Cela doit te suffire pour un móis.Ce nest pas lourd, mais tu es jeune.Tu trouveras bien le moyen de te tirerd'affaire. Si nous te donnons tropd'argent, tu te feras remarquer pardes dépenses excessives.Omar me promit d'augmenter marétribution dès que je commenceraià fournir des renseignements utiles,puis Sayed me fixa rendez-vous pourIa fin du móis d'aoút, dans un cafédu nord de Ia ville. II me donna uneadresse et un numero de téléphoneoü Tatteindre en cas d'urgence et dedanger. Cétait Tadresse de son domicileprive, à Rome, et le numero detéléphone de Tambassade.Je rentrai à mon hotel et payai manote, ce <strong>qui</strong> diminua de moitié mes200 dollars. A quelques pas, aunumero 30 de Ia Via Annunciata, jerepérai une petite pension oü Ton meproposa chambre et nourriture pour40 000 lires par móis.En réalité, cette pension n'étaitqu'un vaste appartement, au 3e étaged'un vieil immeuble, abritant surtoutdes magasins et des bureaux. La maisonappartenait à Ia Signora LorettaBianchi, une septuagénaire <strong>qui</strong> ne sesouciait guère d'entretenir son ménage.Cétait Ia tache de sa nièceSarah, condamnée jour et nuit, septjours sur sept, aux travaux les piuspénibles. Cuisinière, femme de chambreet femme de lessive, elle s'occupaitde tous les pensionnaires, de leursvêtements, de leurs chaussures, sanscesse en proie à Ia mauvaise humeurde sa tante. Véritable esciave, Sarahne touchait aucun salaire et travaillaitavec Tespoir d'hériter un jour de Iamaison et de Ia pension.Sarah avait 40 ans. Toute menue,elle avait peut-être eu jadis un coeurtendre et sensible. Mais sa tante Tavaitdepuis si longtemps tourmentée quetout en elle n'était qu'amertume ettristesse.Presque toutes les chambres étaientlouées à des jeunes gens, surtout àdes étudiants de TUniversité de Naples.Pendant les vacances d'été,Mme Bianchi louait ses chambres auxtouristes de passage. Mais, été commehiver, elle gardait toujours deux chambresdisponibles pour les «brevesvisites » de notabilités napolitaines enmal d'émotions extra-conjugales.La pauvre Sarah n'était guère joiie.II était évident qu'elle avait amassetout au fond de son coeur des trésorsde tendresse, qu| ne manqueraient pasde jaillir en cascade sur Têtre <strong>qui</strong>saurait un jour Ia tirer de son néant.Ia proteger et lui rendre espoir. Dèsque j'entrai dans Ia pension Bianchi,je devins cet homme-là.Fiançailles pour un paplerOn a raconté les choses les pIusinvraisemblables sur mes aventuresféminines. En <strong>fait</strong>, les femmes que j'aifréquentées avaient un role três précisdans les plans de Tespionnageégyptien ou dans les plans personnelsque je mettais au point dans Tintentionde conquérir ma liberte.Le capitaine Omar m'avait ordonnéde me procurer à Naples un permis deséjour et un permis de travail. Ce n'estpas facile en Italie, pays surpeuplé, oüles travailleurs étrangers sont plutõtmal accueillis. Mais je savais qu'ilétait possible de vivre tran<strong>qui</strong>lle avecIa complicité d'une femme. On m'avaitdit aussi qu'en épousant une Italienne,n'importe que! citoyen étranger pouvaitobtenir un permis de séjour, unpermis de travail et même Ia nationalitéitalienne. II arrivait même, disaiton,que Ia police considere de simplesfiançailles comme suffisantes pour justifiertous les accommodements. J'appríspar Ia suite que ce n'était pas lecas.Persuade de servir mes plans, j'entreprisde faire Ia conquête de SarahBianchi. Mon but était de Ia persuaderde m'accompagner à Ia «questure»et de lui faire signer une promesse demariage. Bien entendu, je n'avais nullementTintention de Tépouser. Je nepouvais d'ailleurs épouser personne,puisque j'étais encore légalement mariéen Israel. La pensée de ma femmeet de mes quatre enfants ne me tourmentaitguère, car je pensais bien nejamais les revoir de ma vie. Mais jen'avais pas du tout envie d'être bigameet de m'exposer à de nombreux ennuispoliciers. Cest du moins ce queje pensais au début de mon séjour àNaples. Par Ia suite, Tidée d'un mariageme sembla moins désagréable.N'était-ce pas le seul moyen d'obtenirles papiers indispensables, ce <strong>qui</strong>permettrait, un jour ou Tautre, d'échapperaux griffes de mes maítreségyptiens ?Je connaissais assez Tltalie poursavoir que, dans ce pays, on arrive ãtout avec de Targent et des relations.Si je pouvais faire Ia connaissanced'une jeune filie de famille influenteet riche, cela faciliterait bien les chosesI Sarah devint bien vite un obstacleà mes projets. J'étais le premierhomme de sa vie. Elle me couvaitd'une passion désespérée, me suivantcomme une ombre, ne me laissantaucune minute de répit et veillant surmon bien-être avec une soilicitude detous les instants.Au début, je m'étais laissé faire etje navais pas proteste lorsqu'ellem'avait presente à sa tante commeson fiancé. La vieille tante avait toutde suite compris que je n'étais pasrhomme qu'il fallait à Sarah, mais pourne pas peiner sa nièce, elle ne tentapas de Ia décourager.Au controle des habitants, j'étaisinscrit comme étudiant, ainsi que tousles autres pensionnaires. Pour Ia vraisemblance,j'achetai quelques livreset des dictionnaires anglais et allemand.Je me mis sérieusement à Tétude,tandis que croissait Ia passion deSarah. Elle finit par me considérercomme sa chose à elle, sa propriétéprivée, et ne tarda pas à me faire deterribles scènes de jaiousie.La pIus pénible fut provoquée parEdith, une Allemande venue rejoindreà Naples son ancien ami Fernando, lepère de sa petite filie. Or Fernando,<strong>qui</strong> avait travaillé quelque temps enAllemagne, était déjà marié à Napleset il avait deux enfants legitimes. L'arrivéed'Edith le prit au dépourvu. IIavait surtout peur que sa femmeapprenne son infidélité passagère.Pour se tirer d'affaire, il me demandad'héberger Edith deux ou trois joursdans ma chambre, en attendant detrouver une autre solution. Je n'avaisaucune raison de refuser ce serviceà Fernando, dont j'avais <strong>fait</strong> connaissancesur le port et <strong>qui</strong> était devenumon associe dans certains petits traficsillicites.Hélas, Sarah, <strong>qui</strong> savait que j'avaisséjourné quelque temps en Allemagne,devint folie de jaiousie. Elle était persuadéequ'Edith était venue à Naplespour me rejoindre. En <strong>fait</strong>, elle n'étaitrien pour moi.Sarah, dans sa fureur, ameuta touteIa maison. J'en profitai pour lui direque je ne Taimais pas et que j'allais<strong>qui</strong>tter sur-le-champ cette affreusepension. Elle me suppiia de rester.— Seulement pour te voir, pourm'occuper de tes affaires. Je ne tedemanderai rien d'autre.Je cédai et je restai.Dora, Ia joiíe secrétaireCest alors que je fis Ia connaissancede Dora, une grande et belle filie de26 ans, secrétaire dun avocat connu.Elle ne se contentait pas de veiller surses dossiers, car elle vint à plusieursreprises faire avec lui une «brevevisite » dans Tune des chambres deIa pension.Dora nous surprit, Sarah et moi, enpleine scène de ménage. Elle tenta dem'apaiser et comme elle avait le sensde rhumour, eile y parvint sans peine.Je rinvitai à danser le lendemain. Eileaccepta. Si Dora n'avait pas été sipauvre, je Taurais bien épousée, carelle avait tout ce <strong>qui</strong> peut rendre unhomme heureux, sauf Targent. Maiscela ne Tempêchait pas, quand Ia findu móis s'annonçait trop difficile, deme prêter une partie de ses maigreséconomies. Cest grâce à elle que jefinis par obtenir mon permis de séjouret mon permis de travail.Après m'avoir presente à ses parents,<strong>qui</strong> donnèrent leur accord ànotre éventuel mariage, Dora parla demes difficultés à son patron. II meremit une recommandation pour Tundes chefs de service de Ia «questure».En quelques instants, j'obtins un permisde séjour pour une durée illimitée.Mais, pour avoir un permis detravail, je devais d'abord justifier d'unemploi. Le fonctionnaire me conseillade chercher du travail dans uneagence de voyages ou dans rhôtellerie,ce <strong>qui</strong> me permettrait d'obtenirrautorisation désirée, car à Naples onne refuse rien à ceux <strong>qui</strong> travaillentdans rindustrie Ia pIus rentable de Iaville.Maria et Lilian,les adorables soeursJ'avais beaucoup de peine à éviter lesrisques de coilision entre mes deuxcompagnes et mes relations avec mesmaítres égyptiens se tendaient visiblement.II n'y avait qu'une seule issuepossible : épouser une femme riche.J'avais <strong>fait</strong> Ia connaissance de deuxadorables soeurs, Maria, <strong>qui</strong> avait 23ans, et Lilian, <strong>qui</strong> n'en avait que 17,filies d'un ingénieur, toutes deux joiieset três désireuses de trouver un mari.Bien vite, je m'enfonçai dans une doubleet même triple existence.Ce fut le commencement de Ia fin.Pour apaiser mes soucis financiers,je me lançai dans d'innombrablesaventures de contrebande, puis dansune affaire de location de voitures,recrutant ma clientèle dans le personnelde TOTAN. Je me passionnai pourles canots à moteur, les pIus puissants,les pIus rapides. Lance dans Ia« grande vie », j'oubliai de remplir lesmissions que Tespionnage égyptienm'avait confiées. Sayed supporta pendantquelques móis mes désinvoltures,puis il m'annonça brutalement qu'ilavait demande au capitaine Omar deme rappeler au Caire.(Copyright by •LMIIustré-, Mordecai Louk and Yedioth Ahronotti)LA SEMAINE PROCHAINE:Enleve sur Ia Via Veneto,je me réveille dans une malle


<strong>Uhomme</strong> <strong>qui</strong>a<strong>fait</strong> <strong>trembler</strong><strong>Nasser</strong> <strong>parle</strong>:Résumé des chapKres precedente:Mordecai Louk, israéiite marocain,s'évade à 14 ans de Ia malson paterneile.II parvient à gagner Israel, paysdont 11 reçolt Ia nationallté. Après sonservIce mllltaire, II travaille tant bienque mal et se marie sans trop sesoucler de Tavenlr. Orguellleux, vlolent,alcoollque, li some Ia tempêtedans son foyer, se <strong>fait</strong> chasser de sesdiveis emplols. Condamné pour vol etviolences, II passe trois années en prison,puls, abandonnant sa femme etses troIs enfante, II se refugie enEgypte. Aussitõt emprisonné, maltraltépar ses gedllers, 11 s'engage dans lesServices secrets égyptiens, dans Tespolrd'étre envoyé à Tétranger. Aprèsavolr sulvl les cours d'une école d'esplonnage,II <strong>fait</strong> un bref séjour en Allemagne,puls reçolt Tordre de sMnstallerà Naples. Lò, au lieu de rempllr lesmissions <strong>qui</strong> lui sont confiées, II selalsse aller à Ia « doice vita ».La malle «diplomatique» dans laquelle Louk devait être condult au CaIre était soigneusement capitonnée et pourvuede courroies pour malntenir les poignets, les chevilles. Ia tête du prisonnier. Des trous lui permettaient de respirer.B lavíon partít sans moíDJ*étais à Naples depuis six móis.Le capitaine Ornar, mon grand{>atron, vint brusquement du Cairepour faire le bilan de monactivité. Osman Sayed, son correspondantde 1'Ambassade d'Egypte à Rome, Taccompagnait.Je m'attendais à des reproches,même à des menaces. Omar se contentade m'encourager à montrer désormaisplus de zele. II avait pour monavenir des plans précis et intéressants.Voyant ses bonnes dispositions, je luidemandai d'augmenter mon salaire. Sayedme coupa Ia parole:— Tu n'as pas besoin d'augmentation.Tu passes toutes tes nuits dans les cabaretset les dancings. Tu viens d*acheterdeux complets.Je répondis que j'átais obligé de fréquenterles boítes de nuit et d'être bien42Dam* MoMbw, apièt nvoir•ntMidu Ia mali* «ramuer»,•torta ia polica de raéroportvêtu pour {jouvoir glaner les renseignementsque Ton me demandait.— Quels renseignements peux-tu medonner, demanda Omar?J'énumérai toute une liste de navires<strong>qui</strong> venaient de faire escale à Naples.Cette liste, n'importe <strong>qui</strong> pouvait l'établiren consultant les joumaux napolitains<strong>qui</strong> donnent régulièrement les noms desbateaux <strong>qui</strong> font mouvement dans le pon.Sayed se fâcheAprès le départ du capitaine Omar, Sayedme dit qu'il en avait assez de venir àNaples.— Cest toi <strong>qui</strong> viendras me faire tesrapports à Rome.A deux reprises, je ne répondis pasaux convocations de Sayed. II envoyaTun de ses sbires à ma recherche. Cétaitle chauffeur de Tambassade.Je lui racontai, pour expliquer madéfection, que j'avais été retenu à Naplespar une affaire importante. J'avais <strong>fait</strong>Ia connaissance d'un Israélien et j'avaispresque réussi à l'enrôler dans les Servicessecrets égyptiens, comme on me Tavaitdemande.En réalité, je m*étais rendu à Parispour y rencontrer mon frère Josef. UneAméricaine m'avait accompagné pendantce voyage en France. Je suis persuade,aujourd'hui, que cette Américaine étaità Ia solde de l'Ambassade d'Egypte.Pour apaiser Sayed, je gonflai Timportanced'une incursion que j'avais <strong>fait</strong>eà Ia piscine de l'OTAN, à Naples, oíij'avais passe toute une demi-joumée enccMnpagnie d'officiers supérieurs. La réa-(Suite à Ia page 44)


(Suite de Ia page 42)lité de cette affaire n'a pas grand rapp>ortavec l'espionnage.Ce jour-là, nous avions décidé d'allernous baigner à Ia plage publique, monamie Lilian et moi. Fernando, mon associedans le commerce de voitures, proposade nous accompagner avec Edith, sonamie allemande. II y avait foule sur Iaplage.— Nous serions mieux à Ia piscine derOTAN, suggéra Lilian.Fernando protesta. II craignait des difficultésà Tentrée, sévèrement gardáe pardes sentinelles. S'il avait des ennuis, safemme pourrait apprendre son escapadeavec Ia belle Edith.Mais tout se passa le mieux du monde.Nous étions en costume de bain. La sentinelles'approcha pour contrôler Ia voiture.Je lui fis un petit signe protecteuret lui dis :— It's ali right. Corporal!Le soldat me réf)ondit par le salutmüitaire et me fit signe de passer.Tout au long de l'après-midi, je prisdes photos d'Edith et de Lilian en m'arrangeantpour avoir toujours au secondplan des officiers de TOTAN, colonelsou majors. Ccmime ils étaient presquetous en tênue de bain, j'aurais beau jeu,en montrant ces photos à Sayed, de i>arerces baigneurs de galons et de noms ronflants.Cest à cela que se boma monespionnage de Ia 6e Flotte américaine!Le vent commenceà tournerEn septembre 1964, Ia chance m'abandonna.Le patron de Dora m'informaqu'il avait Ia possibilite de me faire obtenirun permis de travail définitif, et mereclama 200 000 lires.— Cest une garantie qu'il faut déposerà Ia préfecture, dit-il.Un i>eu plus tard, il declara qu'enréalité cette somme devait servir à graisserIa patte de quelques foncrionnaires.Je profitai de mon prochain voyage àRome pour réclamer cette somme à Sayed.II tempêta, jura, mais ouvrit son ptortefeuilleet me remit Targent, puis il mefixa un nouveau rendez-vous pour le15 novembre.A mon retour à Naples, je trouvaiLilian effondrée. Elle avait des ennuisde tous genres. Elle ne savait plus quedevenir. Ce n'était qu'une gamine de dixseptans et demi, filie de bourgeois fortunés,rigides, à cheval sur les príncipes.Mes 200 000 lires y passèrent.Un malheur n'arrive jamais seul. Lasaison touristique était terminée. Le marchedes voitures ne rapportait plus unsou et mon travail de guide n'avait plusaucune raison d'être. A Ia fin d'octobre,il ne me restait pas Tombre d'un centime.Le commencementde Ia finCest dans les locaux de TAmbassade Árabe Unie de Rome que Louk futseqüestre, li y passa ia nult sous survelllance. Le lendemain matin, on lui fitboire du thé drogue, puis II fut pique à deux reprises avant d'ôtre enferme etligoté dans Ia maile diplomatique.44g^ Á^Ai, y>^o ^(-'i.G. fcri,^CL •4^/11^ pMÍ-II fallait à tout prix trouver de Targent.Pourquoi ne pas en demander à Rome,une fois de plus? Pour payer mon billetde train, je vendis ma montre.De Ia gare de Rome, je téléphonai àTambassade et demandai Osman Sayed.— II n*est pas ici. II est au Caire.J'étais presque certain que c'était Iavoix de Sayed lui-même. Je lui expliquaima situation, disant que je n'avais pasmême de quoi payer mon billet de retourpour Naples.— Allez attendre Via Veneto, devantle Café de Paris.Une heure plus tard, une voiture portantle CD diplomatique s'arrêta au borddu trottoir. Le chauffeur me fit signe demonter et me conduisit à Ia gare, ou ilme remit 10 000 lires:— Cela doit te suffire jusqu'au retourde Sayed. II t'attendra le 16 novembreà sept heures du soir devant le Café deParis.Le chauffeur, en me <strong>qui</strong>ttant, me jetaun regard plein de mépris. Je sentais quec'était le commencement de Ia fin.A Naples, tout allait de plus en plusmal. Lilian refusait de me recevoir. Jedus <strong>qui</strong>tter ma chambre d'hôtel et réintégrerIa f)ension de Sarah. Le 16 novembre,pour retoumer à Rome, je dus vendredeux complets, les meilleurs.Sayed était à Theure precise au rendezvous.II m'attendait au volant de sa voiture,une Fiat 1500 d'un blanc édatant:— Monte!Sayed conduisait sans un mot. A mesureque défilaient les rues de Rome, jesentais mon angoisse monter. Je me raf>p>elaisIa vieille menace de Sayed: «Je teferai rappeler en Egypte!»La voiture s'arrêta devant un immensebâtiment. J'étais si absorbé, si in<strong>qui</strong>et, queje ne réalisai pas que nous étions devantle Palazzo Savoia, siège de TAmbassadede TArabe Unie.Sayed me poussa dans 1'ascenseur.PrisonnierLa pièce ou j'entrai n'avait rien de i>articulier,au premier abord. Elle ressemblaità n'importe quel banal bureau. Unrideau, descendu devant Ia fenêtre, m'empêchade voir qu'elle était munie desolides barreaux.Un homme était assis devant un pupitred'angle, si profondément perdu dansLes deux agents égyptiens chargés deconvoyer Ia malie de Rome au CaIren'étalent pas des enfants de choeur.lis ont été expulses d'ltaiie.son travail que je mis un certain tempsavant de m'apercevoir de son existence.Cétait un garçon três jeune, aux cheveuxcoui>és court mais absolumentblancs. II avait le teint gris et brouillédes victimes de Ia malaría. Personne nenous présenta Tun à Tautre. Plus tard,lorsque je fus interrogé par Ia police italienne,on me demanda si ce mystérieuxpersonnage n'était pas Fakhri AbduUahMukhesin, le chef des Services d'espionnageégyptiens pour l'ensemble de TEurope.Je fus incapable de répondre à cettequestion.Nous n'étions pas seuls dans Ia pièce.A côté de moi se tenait un inconnu d'unetrentaine d'années, três grand, à Ia lèvreinférieure ourlée d'une cicatrice. J'entendisOmar rapp>eler Akhmed.Akhmed m'ordonna de m'asseoir dansun fauteuil, près d'une petite table à café.II se placa à côté de moi, bientôt imitepar Sayed. Ce demier manipulait unrevolver, qu'il arma brusquement, en meregardant dans les yeux, puis il le glissaentre sa ceinture et son pantalon. Sonattitude valait tous les discours. J'étaisprisonnier.Sayed attaqua:— Hé bien, dis-moi, qu'as-tu <strong>fait</strong> pendamtoute cette année à Naples? Quanddonc te décideras-tu à travailler pournous?Je répondis que j'^vais passe tout montemj>s à chercher des informations. Acause de cela, j'avais perdu mon emploide guide.— Quels sont tes projets?Je répondis, assez désinvolte:— Je vous propose de me donner dixà <strong>qui</strong>nze millions de lires pour ouvrir uneagence de voyages à Naples.Akhmed bondit de son siège:— Quinze millions! Tu n'es pas fou?En <strong>qui</strong>nze móis, tu n'as rien <strong>fait</strong>, rien.tu n'as même i>as réussi à enrôler un seulIsraélien et tu voudrais...— Inutile de crier, coupa Sayed. Nousallons le renvoyer en Egypte. Il s'expliqueraavec Omar. II passera Ia nuit ici.L*avion part demain à midi.Sayed me montra un fauteuil :— Nous n'avons pas de lit. Tu dormirasdans ce fauteuil. Cest assez bon pourtoi.Toute Ia nuit, Akhmed et Sayed se relayèrentp>our monter Ia garde dans Iapièce. L'un après l'autre ils se mirent àmanger et à boire sous mon nez, sans rienm'offrir. En revanche, ils me laissèrentpuiser dans leurs paquets de cigarettes. Jefumai sans répit, essayant de calmer mafaim et mes appréhensions.Qu'allait-il advenir de moi? Quitteraisjevivam cette maison ? Ce n'était pas certain.S*ils m'emmenaient réellement enEgypte, il était probable que le capitaineOmar ne me donnerait pas de nouvellechance. Au mieux, j'irais terminer mesjours en prison. Quant au pire, autant n'ypas penser !Je finis par m'endormir.Drõle de thé!Le solei! entrait à flots dans Ia pièce quandje m'éveillai. Sayed m'épiait de ses yeuxmi-clos.— Du thé ?— Non.Une heure plus tard cependant, Thommeau visage gris ouvrit Ia porte, apportantdeux tasses sur un plateau. J'avais Iabouche sèche. Je tendis Ia main pour prendreune tasse, mais Thomme écarta le plateaupuis m'offrit Tautre tasse. Rien qu'auparfum, je compris que ce thé était drogue,mais j'avais si soif que je vidai Iatasse d'un trait.— Quand panons-nous ? demandai-jeà Sayed.— Bientôt !Je ne tardai pas à m'assoupir. Dans undemi-sommeil, j'entendis Sayed répondreau téléphone :— Khadar, ya Bey !Son interlocuteur devait être un impK)rtantpersonnage.L'homme au visage gris s'absenta quelquesinstants, puis revint avec une seringue:— Je vais te faire une piqüre pour tecalmer. Tu trembles de nervosité.J'étais três calme, au contraire, si assomméque j'étais incapable de reagir.Akhmed et Sayed dégrafèrent ma ceinture,baissèrent mon pantalon. Je sentisà peine Ia piqüre dans ma cuisse droite.Je sombrai dans un profond sommeil.Quand je m'éveillai, trois hommesétaient penchés sur moi. Je fis semblantde continuer à dormir. De temps entemps, je saisissais quelques bribes de conversation.J'appris que Sayed avait eud'abord Tintention de me tuer sur placeet de n'envoyer au Caire qu'un cadavre.Mais, sur Tordre de l'Ambassadeur, ilavait dfi changer ses plans.Le temps passait lentement. A nouveauj'ouvris les yeux. Sayed s'en aperçut. Furieuxil m'ordonna :— Lêve-toi. Enleve tes pantalons.J'étais trop faible pour faire le moindremouvement. Sayed et Thomme gris me dévêtirentet me firent une nouvelle piqüre,à Ia gaúche cette fois. Avant de p>erdreconnaissance, j'eus le temps d'entendreSayed affirmer :— II a son compte !Les deux hommes m'assirent sur un fauteuil,me lièrent les poignets et les pieds,pour m'emp>êcher de tomber. Une nauséeterrible me fit ouvrir Ia bouche. Sayed(Suite à Ia page 46)


^nnH, r-jO X^. o. toir me rassura dès que je visles uniformes italiens. Mais j'étais encoresi secoué que je declinai ma fausse identitélorsque l'on m'interrogea : Joseph Dehan.Cest sous ce nom que j'avais vécu pendantseize móis à Naples.Une heure plus tard, cependant, à Iapréfecture de Rome, je retrouvai tous mesesprits et mon véritable nom :— Je suis Mordecai Louk, citoyen israélien.A plusieurs reprises, et devant plusieurspoliciers différents je dus raconter monhistoire. Tous m'interrogèrent avec bienveillance.La police italienne, après unesérieuse enquête, refusa de me considérercomme un espion. Je ne fus pas incuipé.— Que pensez-vous faire, maintenant .•me demanda le docteur Nicola Sciré, chefde Ia p>olice.— Retourner en Israel.— Cest bien dangereux. Les Israéliensvont vous arrêter pour trahison. Vous serezjugé et condamné. Ne préférez-vouspas rester en Italie ? Nous vous trouveronsasile dans un endroit tran<strong>qui</strong>lle. Sivous le préférez, nous vous aiderons àpasser dans un pays étranger.Non, je voulais retourner en Israel.J'étais soudain Ias de toutes ces aventures.Je voulais revoir ma femme, mes parents,mes enfants. Je ne savais même pas le nomde mon dernier fils, né après ma fuite enEgypte.Le cônsul d'Israel s'occupa de toute lesformalités.— Je ne vous promets rien de bienagréable. Vous serez certainement condamné.Je termine ici ce récit, dans Ia celluleou j'attends mon jugement. On m'a plusieursfois demande ce que je comptaisfaire à ma sortie de prison. Même si mesrêves de cinema ne se réalisent pas, celan'a pas d'importance. J'ai un métier, jesuis un bon menuisier. Je trouverai bien,quelque part en Israel, un endroit oij recommencerma vie, avec ma famille. Enfinje pourrai donner à mes enfants ce<strong>qui</strong> leur a manque depuis si longtemps.Et peut-être me faire pardonner !FIN(Copyright by - L'lllustré>, Mordecai Louk and Yedioth Ahronoth)MINISTRY OF F0REI6NFAIRS OF THE UNíTtO ARABREPUBLiCLes agents egyptiens <strong>qui</strong> convoyaient ia malle à l'aéroport de Rome refusèrentde l'ouvrir devant les douaniers. Inscrite comme « valise diplomatique», elle portait les sceaux de i'ambassade. Grâce à cette protection,Tenlèvement de Louk falllit réussir.fe\*H»*SC.R C M Aa I « í I í : O \ ? Ie t » T z Vifr^*Mo» Tmr il H'u>:.««wr« «««U JíStÊrt W%M^ it^_ íàf • _^Jf-I;mmi1La malle était accompagnée du certificat exige des bagages diplomatiques,attestant son honnête contenu : des documents officlels. Mais Louk, mal« endormi», ne se résignait pas au role d'archives mortes. 11 poussa plusieursappels desesperes.

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