LES ACTIVITÉS DU TRIBUNALDans une seconde partie, le D r Durand a suscitéun échange entre les participants à partir de situationsréelles rencontrées dans la pratique d’unmédecin de famille. Si les informations présentéesen première partie fournissaient quelques pistespour réfléchir sur des problèmes complexessoulevant plusieurs tensions (ex. autonomie/protection de la personne), elles permettaientaussi de mieux mesurer l’éten<strong>du</strong>e des questionsqui interpellent plus largement notre sociétévieillissante.La maltraitance envers les aînés : quelques développements récentsConférence de Mme Michèle Charpentier, professeure titulaire au Département de travail social del’UQAM et directrice scientifique au Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale(CREGÉS) <strong>du</strong> CSSS Cavendish.La maltraitance est un phénomène touchant toutesles couches de la société, dont les personnesaînées. Elle n’est pas divulguée aussi facilementque peuvent l’être les problèmes de santé physique.Par ailleurs, il n’existe aucune obligation légalede dénoncer la maltraitance envers les personnesâgées. En marge de la protection spéciale qui leurest accordée par l’article 48 de la Charte et par lesrégimes de protection pour les personnes inaptes,les personnes âgées disposent des mêmes recoursque les autres citoyens qui font l’objet d’abus.Il y a maltraitance lorsque des gestes isolés ourépétitifs ou une absence d’action se pro<strong>du</strong>isentdans une relation qui devrait être empreinte deconfiance et causent un tort à la personne âgéeou lui occasionnent de la détresse. Ce n’est pasla nature <strong>du</strong> geste ou l’intention de son auteurqui définit l’abus, mais l’effet négatif qu’il pro<strong>du</strong>it,comme, par exemple, une menace à son intégritéou à sa sécurité ou une contravention à ses droits.Certains cas extrêmes rapportés par les médiasoccultent et banalisent d’autres formes d’abusmoins graves, qui constituent néanmoins de lamaltraitance. Les abus et la négligence enversles personnes âgées peuvent prendre différentesformes : physique, psychologique, financière oumatérielle, sexuelle, systémique, etc.Mme Charpentier a fait état <strong>du</strong> Plan d’actiongouvernemental pour lutter contre la maltraitance(2010-2015), qui place le Québec à l’avantgardeen cette matière. Ce Plan constitue unereconnaissance que la maltraitance est nonseulement une problématique d’ordre privé, maisaussi un problème social et que la société assumeune responsabilité collective à ce sujet. Elle asouligné trois mesures prises en application dece Plan : la constitution d’une chaire de rechercheà Sherbrooke, l’implantation d’un coordonnateurdans toutes les régions de la province et la miseen place de la ligne Aide-Abus-Aînés. Soutenuepar une importante campagne de sensibilisation,cette ligne a généré des milliers d’appels depuissa mise en opération, le 1 er octobre 2010.Bien que les difficultés d’accès aux données empêchentune évaluation plus précise, Mme Charpentierestime qu’une proportion allant de 6 à 10 % despersonnes âgées est touchée par la maltraitance.Le contexte de dépendance dans laquelle se trouveune personne âgée constitue un facteur importantpour le développement de la maltraitance : enprésence d’un réseau social qui se rétrécit avecle temps, une personne âgée peut préférer tolérerla situation dans laquelle elle se trouve plutôt quede risquer de rompre le lien avec la personne quiprend soin d’elle. La violence conjugale exercéeà l’endroit des femmes, par exemple, peut <strong>du</strong>rerdes décennies, car il arrive que celles qui en sontl’objet espèrent toujours qu’elle prenne fin. L’isolementphysique est aussi un facteur important, desorte que la résidence dans un centre d’hébergementatténue le risque de maltraitance. Les troublesde comportement, de même que les pertescognitives, augmentent également les risques demaltraitance envers les aînés.De nombreux appels logés auprès de la ligneAide-Abus-Aînés provenaient d’aînés, ce qui peutdénoter une volonté de la part des personnesâgées de lutter elles-mêmes contre les situationsde maltraitance. Mme Charpentier a soulignél’importance d’un mode d’intervention fondé surl’empowerment des aînés et de leurs proches.Elle a défini cette notion comme un processus parlequel on met une personne âgée dans une positionqui lui permet de mobiliser ses ressources,ainsi que d’autres ressources qui lui sont offertes,pour prendre en main sa situation.58 <strong>Bilan</strong> d’activités <strong>2011</strong>-<strong>2012</strong>
De gauche à droite :M. Jean-Pierre Lavoie,l’honorable Michèle Pauzé.ASPECT SOCIAL DES DROITS DE LA PERSONNE :L’inclusion des personnesâgées immigrantes,entre culture et structureConférence de M. Jean-Pierre Lavoie, chercheur au Centre de recherche et d’expertise en gérontologiesociale (CREGÉS) <strong>du</strong> CSSS Cavendish et professeur associé aux écoles de service social desUniversités McGill et de Montréal.Débutant sa conférence en donnant un aperçusuccinct <strong>du</strong> phénomène de l’immigration auQuébec, M. Lavoie a, par la suite, présenté lesrésultats d’études qu’il a réalisées auprès despersonnes âgées immigrantes.Le Québec reçoit plus de 45 000 immigrantspar année, dont 66 % sont des immigrantséconomiques, 10 % sont des réfugiés et 24 % sontparrainés par un membre de leur famille. Plus de85 % de ces nouveaux arrivants s’installent dansla région de Montréal. Il est intéressant de noterque trois résidents sur dix de l’Île de Montréal sontnés à l’extérieur <strong>du</strong> Canada et qu’un immigrant surquatre est arrivé au pays depuis moins de cinqans. Près de 3 500 personnes âgées de 65 ans etplus et 19 000 personnes âgées de 45 à 64 ansont immigré au Québec entre 2006 et 2010. Enfait, Montréal compte plus de 5 000 immigrantsâgés de 65 ans et plus arrivés au cours des 10dernières années. Contrairement à ce que l’oncroit, la population immigrante est plus âgée (18 %)que la population non immigrante (14 %).Les cultures des populations immigrantes sontsouvent perçues comme homogènes, stableset parfois stéréotypées. En fait, la culture del’immigrant évolue sans cesse et la grande majoritédes immigrants proviennent d’univers culturelstrès divers, même ceux qui sont originaires<strong>du</strong> même pays. À cet égard, les études onttendance à expliquer l’intégration des immigrantsprincipalement par des facteurs culturels, etnégligent de tenir compte <strong>du</strong> contexte migratoireet des contraintes qu’il impose, ainsi que desfacteurs structurels de la société d’accueil.L’accès aux services sociaux pour les personnesimmigrantes âgées est souvent limité par labarrière linguistique, leur manque d’information etla méconnaissance de leurs droits. Cependant,la méconnaissance des droits des immigrantset de la variation de ces droits en fonction <strong>du</strong>statut migratoire de la part des intervenantsprofessionnels contribue à limiter l’accessibilitéaux soins de santé et aux services sociaux.La majorité des immigrants âgés arrivent dans lecadre <strong>du</strong> programme de regroupement familial; ilssont parrainés par leurs enfants, pour la plupart.Ceux-ci sont responsables de les soutenirfinancièrement pendant dix ans. Toutefois, ilsont droit à l’assurance maladie <strong>du</strong> Québec, auxservices à domicile et, dans certains cas, à unlogement subventionné. Ils ont aussi droit à larésidence dans un CHSLD à leurs frais ou auxfrais de leurs parrains. Ils recevront la pensionde la Sécurité de la vieillesse après avoir vécudix années au Canada et la Régie des rentes <strong>du</strong>Québec dans la mesure où ils y auront contribué.Si jamais l’immigrant parrainé devait recevoirdes prestations de la sécurité de revenu, leurremboursement serait éventuellement réclamé auxparrains.La personne âgée immigre pour de multiplesraisons qui vont, parfois, au-delà de sa volontéet elle se retrouve souvent dans une position devulnérabilité dans son milieu d’accueil. D’ailleurs,des études démontrent que le stress que vitl’immigrant âgé a souvent un impact négatif surson état de santé. La situation de parrainage place<strong>Bilan</strong> d’activités <strong>2011</strong>-<strong>2012</strong> 59