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Le Monde/ - Article, Sáb, 31 de Março de 2012<br />
CLIPPING INTERNACIONAL (Cour pé<strong>na</strong>le inter<strong>na</strong>tio<strong>na</strong>le)<br />
Alain Juppé et le réarmement moral de la<br />
diplomatie<br />
Le ministre des affaires étrangères français, Alain<br />
Juppé, le 12 avril 2011. | AP/Geert Vanden Wijngaert<br />
Voilà un homme érudit, reconnu de haute valeur,<br />
apprécié à l"étranger, et qui, non sans un certain<br />
mystère, charrie ses tourments - certains étant ceux de<br />
la France. Le Rwanda ? Difficile de pénétrer les<br />
défenses de d"Alain Juppé sur ce sujet, tant les<br />
arguments paraissent rodés, le discours blindé.A<br />
propos de sa mise en cause dans le drame du<br />
Rwanda de 1994 quand il était au Quai d"Orsay, Alain<br />
Juppé nous répondait, un jour d"août 2011 : "C"est un<br />
sujet sur lequel je suis d"une hypersensibilité. S"il y a<br />
une faillite à ce moment-là, ce n"est pas une faillite de<br />
la France mais une faillite du Conseil de sécurité qui a<br />
retiré la force de l"ONU et laissé le vide. Après, le vide<br />
a été comblé par notre opération (Turquoise)."Il n"est<br />
pas inutile de rappeler ce dossier d"abîmes - où les<br />
Nations unies, pourtant présentes au Rwanda avec un<br />
contingent, sombrèrent en n"empêchant pas<br />
l"abomi<strong>na</strong>tion - avant d"évoquer l"Alain Juppé<br />
d"aujourd"hui, celui qui prit part en 2011 aux "guerres<br />
justes" de Nicolas Sarkozy, en Libye et en Côte<br />
d"Ivoire.Il est surtout utile de mentionner la Bosnie du<br />
siège de Sarajevo et de l"enclave de Srebrenica,<br />
bourgade que l"ONU - toujours elle - était censée<br />
protéger des massacreurs serbes. Plus de 8 000<br />
hommes et adolescents musulmans abattus à bout<br />
portant en quelques jours par Mladic et ses reîtres,<br />
tandis que les Casques bleus restaient l"arme au pied<br />
non loin de là...A propos de ces crimes que l"Europe<br />
ne sut empêcher, Alain Juppé a eu en 2011 ce<br />
commentaire : "Je me suis aperçu que la mission de la<br />
Forpronu (Force de protection des Nations unies), qui<br />
consistait à regarder les gens se faire massacrer, était<br />
insupportable. Dans une certaine mesure, ça m"a<br />
traumatisé, outre le fait qu"on n"a pas fait pour<br />
Srebrenica ce que nous avons fait pour Sarajevo. (...)<br />
Le tour<strong>na</strong>nt a été le pont de Verbanja, quand Chirac a<br />
dit : "On ne tire pas sur des soldats français sans que<br />
nous ripostions." Cela, je n"aurai pas pu le faire avec<br />
Mitterrand. C"est Chirac qui l"a fait."Lorsqu"il tient ces<br />
propos - assis dans le salon de la Rotonde qui sert de<br />
bureau aux ministres français des affaires étrangères,<br />
et où, tapisseries, dorures et tableaux anciens aidant,<br />
se respire une certaine France nostalgique de<br />
grandeurs passées -, cela fait une semaine que la<br />
capitale libyenne, Tripoli, a été "libérée" de la tyrannie<br />
de Mouammar Kadhafi. L"ombre portée du Rwanda et<br />
de Srebrenica plane assurément sur la façon dont<br />
Alain Juppé a vécu l"épisode libyen.Ce ne fut rien de<br />
moins qu"un réarmement moral de la politique<br />
étrangère française, en phase avec un message<br />
d"accompagnement de la vague d"aspirations<br />
démocratiques dans le monde arabe - le grand<br />
événement inter<strong>na</strong>tio<strong>na</strong>l, politique et stratégique de<br />
l"année 2011. Kadhafi, s"il était resté au pouvoir,<br />
terrorisant sans relâche, aurait représenté un danger<br />
mortel pour la jeune révolution tunisienne voisine. Une<br />
révolution que l"Elysée, parmi d"autres motivations,<br />
voulut soudain "sécuriser" après l"avoir, on le sait,<br />
totalement ratée.Sous l"égide de la "diplomatie Juppé",<br />
c"est pour la Libye qu"a été activée, pour la première<br />
fois, au moyen d"une opération armée, la<br />
"responsabilité de protéger". Ce concept onusien est<br />
destiné à empêcher que des crimes de masse se<br />
perpétuent dans l"indifférence et l"i<strong>na</strong>ction du reste de<br />
la planète. Il a été élaboré, précisément, après le<br />
Rwanda et la Bosnie.Cela ne se voit pas forcément sur<br />
les photos officielles des grands rassemblements<br />
diplomatiques, mais il existe une sorte de "club<br />
bosniaque" secret, à l"échelle inter<strong>na</strong>tio<strong>na</strong>le. Il réunit<br />
ceux des décideurs d"hier ou d"aujourd"hui qui portent<br />
la mémoire d"années d"impuissance peu glorieuses<br />
face à l"horreur. Hillary Clinton, témoin à l"époque des<br />
hésitations de son mari Bill, en fait partie. Et Alain<br />
Juppé, quoi qu"en dise Ber<strong>na</strong>rd-Henri Lévy, qui a<br />
tendance à le taxer d"anti-interventionnisme<br />
impénitent, figure aussi parmi ces endoloris.Il a été le<br />
premier à souhaiter publiquement la chute du Guide<br />
libyen, le premier à dire qu"il fallait activer la Cour<br />
pé<strong>na</strong>le inter<strong>na</strong>tio<strong>na</strong>le, le premier à annoncer - sur<br />
son blog, sous l"intitulé "Notre honneur" - que les<br />
soutiens nécessaires à une campagne de "frappes<br />
ciblées" étaient en passe d"être trouvés à l"ONU. Mais<br />
sans la décision d"entrer en guerre prise par Nicolas<br />
Sarkozy, on peut se demander si Alain Juppé aurait<br />
été laissé à ses tourments. C"est l"étrangeté de ce<br />
couple politique, fait de contraires unis bien plus par<br />
raison froide que par élan d"amitié. Alain Juppé a un<br />
jour dit qu"il avait "servi" Jacques Chirac, tandis qu"il<br />
"travaille aux côtés de" Nicolas Sarkozy. Nuance non<br />
négligeable.Le "club bosniaque", on en retrouve un<br />
autre membre éminent, aujourd"hui, sur la crise<br />
syrienne : Kofi An<strong>na</strong>n. L"ancien secrétaire général de<br />
l"ONU, traumatisé par les échecs dans les Balkans,<br />
est chargé d"une médiation. Alain Juppé a fixé sur ce<br />
dossier - où Nicolas Sarkozy en campagne électorale<br />
paraît effacé depuis des mois - les règles d"une<br />
diplomatie "en mouvement". Condam<strong>na</strong>tions<br />
stridentes, isolement du régime, sanctions et même<br />
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