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Hashirigaki - Théâtre Vidy Lausanne

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Saison 2011-2012<strong>Hashirigaki</strong>De/ By/ Von Heiner GoebbelsLibération (FR)08.03.2001Heiner MachineLe théâtre de Nanterre accueille«<strong>Hashirigaki</strong>» du musicien et metteuren scène Heiner Goebbels.Gertrude Stein croise les BeachBoys dans un opéra multimédia surla dépression pas triste du tout.<strong>Hashirigaki</strong>, esquisses high-techSur un texte de Gertrude Stein etau Beach Boys, un spectacle multimédiasidérant de l’AllemandHeiner Goebbels. A Nanterre.Le jour descend sur le lac de Genève.Attablés sur une grande plagede gazon, les premiers spectateurspatientent en sirotant Au théâtre<strong>Vidy</strong>-<strong>Lausanne</strong>, où a lieu la créationmondiale de <strong>Hashirigaki</strong> (Faire desesquisses, en japonais), le nouveauspectacle de Heiner Goebbels, onest coutumier de l’excellence, deBrook à Wilson. Plus undergroundque les deux «classiques» de lamise en scène mondiale, Goebbelsest également musicien et rappelaitrécemment avec Max Black etEislermaterial sa maîtrise dans l’artd’orchestrer texte, musique, gesteset lumières, tout en déplaçant lesenjeux, réinventant les questions,et questionnant les préjugés duthéâtre. Mais voilà qu’on trahitdéjà le propos de <strong>Hashirigaki</strong>, puremachine à dessiller les yeux anesthésiésà a longueur de journéed’images 2 mortifères, à ouvrir l’ouïeà des g modes, des fréquences oudes I microtons inédits. Sur la dépression.<strong>Hashirigaki</strong> est un voyagenaïf et ludique, qui sidère bien plusqu’il n’exige de réfléchir, et dont onressort vaguement hilare. Sans tropsavoir pourquoi. Ou presque, car<strong>Hashirigaki</strong> est un spectacle jouissivementmaniaque sur la dépression,et la capacité de l’homme àassocier, à imaginer, à rêver, pours’en sortir. Point de départ, TheMaking of Americans, de GertrudeStein. L’écriture, si déconcertante,de l’Américaine d’origine juive allemande,née en Pennsylvanie en1874 et morte à Paris en 1964, secomprend aisément si l’on saitqu’elle s’est forgée dans la fréquentationde Matisse, Picasso, Braque,Apollinaire, Tzara et Satie. C’estune écriture qui danse, ouvre desperspectives obliques, répète desmotifs, touche avec ses couleursau coeur de l’inconscient, tout enrestant baignée d’une lumière saturnienne,«récente, je sens, je voistoujours la répétition qui se manifestechez tous [...], l’ensemble d’unêtre, mais c’est en quelque sorte unassemblage de morceaux; cela neforme pas un tout. [...] Répéter, répéteret répéter, commencer et finir,être jeune, moins jeune, puis vieillir,puis cesser d’exister, tout cela, je letrouve en moi-même, je le conçois.La relation entre l’être et la réflexionsur l’être, entre exister et vivre, entrece qu’on apprend et la part de bêtisequi est en chacun de nous, tout celaest maintenant bien en moi, biensensible, et j’attends.» Tai-chi dansla nuit. On pourrait disserter à l’infinisur la richesse et la concentrationde ce texte, sur ce qui y relève duperformatif et du constatif, sur safaçon de mettre en équation lesregistres poétique, analytique, moral,métaphysique, politique. Maisce style déconstructif, Goebbels achoisi de le mettre en scène. Troisfemmes en combinaison poubelle,du tai-chi dans une forêt la nuit. Unintérieur de bakélite, des entrées etsorties à un rythme infernal. «Je fecettechose, tu feras cette chose,et elle fera cette chose.» Les sixtiesde David Lynch, la sidération zen deBob Wilson tout cela passé au catalyseurtechno (lumières vidéo, spatialisationsonore), autant dire quela sollicitation du spectateur dans<strong>Hashirigaki</strong> est permanente. Puisdes relations mystérieuses s’établissententre un play-back lancinantdu God Only Knows des BeachBoys, une sorte de Delphine Seyrigsous ecsta et une Japonaise quijoue des mélodies de timbres surun instrumentarium tombé du ciel.L’enfance irrémédiablement perdue,comme la lumière de Magritte,l’aliénation suffocante comme unflash, la gestion impossible de larépétition et de la différence, voilàce que <strong>Hashirigaki</strong>, avec son dispositifconceptuel et technologiquetrès sophistiqué, la virtuosité de sestrois comédiennes-musicienneschanteuses,et son économie dela contamination, réussit à porteraincandescence. Certains jubilerontdu sens qu’ils investiront dans unetraction de ton, la superposition demodes et d’échelles inattendus,d’autres seront saisis de (ou rire à lavue de leurs propres manies, traverset bizarreries désamorcés avec ironieet bienveillance trash. Nul douteque <strong>Hashirigaki</strong> aura des fans, nes’intéressant ni à la littérature, ni àla musique savante, ni au théâtre,ni au design high-tech, mais qui leverront en toute confiance, commeun super film.Eric Dahan

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