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Constructing a Sociology of Translation.pdf

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8Jean-Marc Gouanvicvent que la traduction n’est pas un corps de métier homogène et qu’il est capitald’effectuer des distinctions entre les types de pratiques de traduction dont onparle dans les champs spécifiques. Elles prouvent également qu’on ne peut parlerde l’habitus comme trajectoire sociale sans tenir compte de l’état des champs oùles agents exercent leur pratique.Voyons trois cas d’agents traducteurs, pris dans les champs littéraires français,ayant exercé leur pratique en traduction de l’anglo-américain vers le français au20 e siècle: Maurice-Edgar Coindreau, Marcel Duhamel et Boris Vian. Ces troistraducteurs sont dotés d’habitus spécifiques liés à leur trajectoire sociale particulière.Coindreau est un agrégé d’espagnol qui n’a qu’une connaissance livresquede l’anglo-américain. Il fait ses premières armes (son “apprentissage”, Coindreau1974: 37) en traduisant Manhattan Transfer de John Dos Passos en 1928 (c’est ladate de publication du livre en français) aux États-Unis; car il a émigré aux États-Unis, où il est enseignant à l’Université Princeton. Après Dos Passos, et quelquesautres (dont Hemingway), il traduit principalement Faulkner et les écrivains duSud des États-Unis Flannery O’Connor et William Goyen, qu’il apprécie tout particulièrement.Pourquoi les écrivains du Sud ont-ils sa prédilection? Parce qu’ilvoit un parallélisme historique entre la situation des Chouans, ces contre-révolutionnairesvendéens vaincus auxquels il s’identifie pr<strong>of</strong>ondément (il est originairede Vendée), et les Sudistes également vaincus dont Faulkner, O’Connor et Goyenmettent en scène les descendants. Il n’a pas de mots trop durs pour les écrivains dela Lost Generation, les Hemingway, Scott Fitzgerald, etc., et il présente Hemingwaycomme un usurpateur, la vraie génération perdue étant celle de Faulkner.Pourquoi donc a-t-il traduit Hemingway? Parce que Gaston Gallimard le lui ademandé, et à Gaston Gallimard Coindreau ne peut rien refuser. 5 Ainsi il traduiraOf Mice and Men de Steinbeck et Tobacco Road de Caldwell, un peu contre songré, comme il l’explique dans Mémoires d’un traducteur (1974).Marcel Duhamel, lui, a une connaissance pratique de l’anglais familier: il l’aappris à 15 ans pendant la Première Guerre mondiale à Manchester, où il avait accompagnésa sœur employée dans un hôtel dont l’un de ses oncles était le propriétaire.Duhamel est l’exact opposé de Coindreau: ayant à peine dépassé le niveaudu certificat d’études primaires, sa connaissance de la langue anglaise est acquisesur le tas. À 16 ans, il parle anglais. De retour en France, après la Première Guerre5. Dans Mémoires d’un traducteur (1974), C. Giudicelli, qui l’interroge sur les raisons qui l’ontpoussé à traduire les deux romans le Soleil se lève aussi et l’Adieu aux armes d’Hemingwaydans lesquels il ne croyait pas, Coindreau répond: “Non [je n’aimais pas ces deux romans].Mais j’aimais Gaston Gallimard qui avait accepté tout ce que je lui avais proposé auparavant.[...] Aussi, quand il m’écrivit: ‘nous aimerions que vous traduisiez pour nous ces deux livresd’Hemingway’, je n’allais pas faire la fine bouche et refuser” (ibid.: 46).

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