journal of european integration history revue d'histoire de l ...

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Catherine Previti Allaire
terme, le document préconise la mise en œuvre du suffrage universel de l'Assemblée
des Communautés, prévu par les traités («une telle élection aurait une portée politique
qui dépasserait de loin la compétence principalement économique de l'Assemblée commune»).
Il recommande également «une coordination plus effective des politiques
étrangères par un système de consultations périodiques» et le développement d'une
organisation syndicale européenne. 86
Peu après l'installation de la Commission des Communautés européennes à
Bruxelles, Robert Marjolin obtient la nomination d'Emile Noël comme secrétaire
exécutif de ladite Commission en avril 1958. 87 Emile Noël sait les difficultés qui
l'attendent et sa responsabilité car «le Marché commun sera ce que nous le ferons». 88
Avec ce poste-clé se profile pour lui la possibilité de mettre en pratique ses idéaux et
ceux de ses maîtres afin d’«accroître les chances de la paix mondiale» 89 par la
construction d’une communauté librement consentie 90 et incarnant la «solidarité des
peuples libres». 91 Fédéraliste dans l'âme, socialiste de cœur, il cherchera à faire
progresser efficacement l'Europe, celant un authentique engagement sous une
apparente modération. Il lui arrivera cependant de faire partager à ses camarades - pour
mieux nourrir leurs revendications -, à la fin des années soixante, «le regret […] que
[…] si peu de progrès aient été jusqu’ici réalisés dans le sens d’une Europe
socialiste»; 92 tout en se réjouissant que «malgré les à-coups […], la Communauté
‘tien[ne] le coup’ et continue même à appliquer avec quelque succès la méthode des
‘petits pas’. […] Cela aide […] à garder un peu d’optimisme». 93 Sa patience, car «nous
avons appris la patience depuis que cette aventure a commencé», 94 le portera au faîte de
son action au travers de sa contribution fondamentale à l'Acte unique européen:
c'est-à-dire au premier changement qualitatif de la Communauté avec l'introduction de
la dimension sociale.
Emile Noël, idéaliste pragmatique, démontrera d'avoir fait sien le mot de Jean
Jaurès, érigé en devise par Henri Brugmans: «Aller à l'idéal et comprendre le réel».
86. Table ronde des Sages de l'Europe (Paris, 4, 5 et 6 octobre 1957). Thèmes possibles des
discussions. Document imprimé consultable dans le fonds Dehousse, op.cit.
87. R. MARJOLIN, Le Travail d’une vie …, op.cit., p.295.
88. Discours de G. Mollet lors du débat à l’Assemblée nationale sur le Marché commun, 22/01/1957.
89. Note d’E. Noël à G. Mollet intitulée «Politique européenne», 15/04/1959.
90. Cette liberté est fondamentale pour les socialistes évoluant dans le sillage de J. Jaurès selon lequel
l’organisation de la collectivité humaine ne doit pas relever de la contrainte. L’axiome du consentement
caractérisait déjà les théories communautaires de l’entre-deux-guerres (au contraire de l’embrigadement
forcé pratiqué par les régimes autoritaires). Il évoque l’accueil des chrétiens librement convertis comme,
sur le versant laïque et démocratique, certains aspects du ‘contrat’ rousseauiste.
91. Projet d’interview de G. Mollet par le journal Démocratie 60 préparé par E. Noël, 04/11/1960.
92. Projet de discours rédigé par E. Noël à l’intention de G. Mollet en vue de la manifestation du
Bureau de liaison des partis socialistes pour le 10 e anniversaire des traités de Rome le 23/03/1967.
93. Lettre d’E. Noël au professeur Mitchell, 15/04/1969.
94. Lettre d’E. Noël au professeur Mitchell, 22/05/1968.