journal of european integration history revue d'histoire de l ...
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Book reviews – Comptes rendus – Buchbesprechungen 125<br />
français sur le traité <strong>de</strong> Maastricht en septembre 1992, puis la réponse du prési<strong>de</strong>nt français<br />
aux défis sécuritaires posés par l’effondrement du bloc soviétique.<br />
Bruck voit dans l’attitu<strong>de</strong> hésitante, sinon négative, <strong>de</strong> François Mitterrand vis-à-vis <strong>de</strong> la<br />
réunification alleman<strong>de</strong> – elle emploie plutôt le terme d’union (Vereinigung) – le souci du<br />
prési<strong>de</strong>nt français <strong>de</strong> préserver à tout prix la stabilité et l’équilibre européen tel qu’il était<br />
issu <strong>de</strong> la guerre froi<strong>de</strong>. Outre sa crainte <strong>de</strong>s bouleversements géopolitiques internationaux<br />
que la réunification ne manquerait pas, <strong>de</strong> son point <strong>de</strong> vue, <strong>de</strong> provoquer, Mitterrand<br />
s’inscrivait tout à fait dans la lignée du général <strong>de</strong> Gaulle et cherchait, en priorité, à<br />
préserver les intérêts <strong>de</strong> la France. Or, l’indécision mitterrandienne vis-à-vis <strong>de</strong> la<br />
réunification alleman<strong>de</strong> met en lumière le conflit latent entre ses conceptions sécuritaires et<br />
son soutien <strong>de</strong> principe à la liberté et à la démocratie (p.125).<br />
Pour sortir <strong>de</strong> cette indétermination, une seule issue s’imposait à ses yeux: promouvoir la<br />
poursuite <strong>de</strong> l’intégration européenne, notamment en posant les jalons <strong>de</strong> l’union monétaire,<br />
afin d’ancrer fermement l’Allemagne réunifiée en Europe et <strong>de</strong> stabiliser les pays <strong>de</strong> l’Est. A<br />
cet égard, la position <strong>de</strong> Mitterrand fait preuve d’une constance remarquable, car il voyait<br />
dans l’intégration européenne un moyen <strong>de</strong> rappeler l’Allemagne à ses <strong>de</strong>voirs européens,<br />
sinon <strong>de</strong> «diluer» la réunification alleman<strong>de</strong> dans l’union européenne (p.173). L’intégration<br />
européenne était donc autant un «filtre <strong>de</strong> perception» qu’un instrument <strong>de</strong> sa politique<br />
alleman<strong>de</strong> (pp.177-178). Néanmoins, la volonté affichée par le prési<strong>de</strong>nt français d’utiliser<br />
la coopération franco-alleman<strong>de</strong> comme moteur <strong>de</strong> la construction européenne était parfois<br />
moins évi<strong>de</strong>nte qu’il ne l’aurait voulu, car Mitterrand éprouvait un certain embarras<br />
vis-à-vis <strong>de</strong> la nouvelle «égalité» entre les <strong>de</strong>ux pays, résultante <strong>de</strong> la réunification<br />
alleman<strong>de</strong>. Face à cette remise en question radicale <strong>de</strong> l’équilibre antérieur, fondé sur une<br />
asymétrie entre la force politico-militaire <strong>de</strong> la France et la force économique <strong>de</strong><br />
l’Allemagne, Mitterrand réagissait selon un schéma «partenaire/adversaire» (p.196).<br />
En matière sécuritaire, c’était surtout le développement d’un vi<strong>de</strong> stratégique au cœur du<br />
continent européen suite à une éventuelle neutralisation <strong>de</strong> l’Allemagne et un Son<strong>de</strong>rweg<br />
allemand qui alimentaient les craintes mitterrandiennes. La perception <strong>de</strong> l’Allemagne <strong>de</strong><br />
l’ancien prési<strong>de</strong>nt était donc, dans ce cas précis, directement liée à la question <strong>de</strong> l’équilibre<br />
européen, et par conséquent, à celle <strong>de</strong> la sécurité européenne (p.227). C’était toutefois la<br />
notion <strong>de</strong> partenariat franco-allemand qui dominait nettement, en particulier du fait <strong>de</strong><br />
l’adéquation entre la perception mitterrandienne <strong>de</strong> l’Allemagne et les intérêts sécuritaires<br />
<strong>de</strong> la France tels que le chef <strong>de</strong> l’Etat les concevait (p.264). Les débuts du conflit yougoslave<br />
et les positions divergentes que les <strong>de</strong>ux pays adoptaient, venaient rompre cette relative<br />
harmonie.<br />
Pour l’auteur, les trois étu<strong>de</strong>s mettent en évi<strong>de</strong>nce, chez Mitterrand, une image <strong>de</strong><br />
l’Allemagne qui reflètent, d’une manière générale, les «traditionnelles» ambivalences françaises<br />
à l’égard <strong>de</strong> l’Allemagne dans toutes leurs facettes. Elle i<strong>de</strong>ntifie également plusieurs catégories<br />
<strong>de</strong> perceptions qui agissent à divers niveaux politiques et acquièrent, selon les pério<strong>de</strong>s, une<br />
importance variable, c’est-à-dire qu’elles ont une influence plus ou moins prononcée sur la<br />
pensée et les décisions du prési<strong>de</strong>nt français. Elle constate que différentes catégories sont<br />
activées parallèlement et sont actives avant et au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> 1989-1992 (p.310). Il y a<br />
donc une relative continuité, au moins dans les gran<strong>de</strong>s lignes, <strong>de</strong>s schémas <strong>de</strong> pensée<br />
mitterrandiens. Le caractère ambivalent voire contradictoire <strong>de</strong> la politique <strong>de</strong> Mitterrand à<br />
certaines époques résulterait principalement du conflit entre différents modèles <strong>de</strong> perceptions,<br />
d’où son impuissance à prendre, à l’occasion, une décision dite «rationnelle».<br />
Cette étu<strong>de</strong> montre l’influence, souvent sous-estimée, <strong>de</strong>s processus inconscients qui<br />
influencent, chez les dirigeants politiques, la prise <strong>de</strong> décision <strong>de</strong> politique étrangère. Sans<br />
être naturellement le seul, c’est un schéma d’explication qui <strong>de</strong>vrait intéresser historiens et<br />
politologues analysant le processus <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> décision politique.<br />
Carine Germond<br />
Université Robert Schuman, Srasbourg III<br />
Universität Duisburg-Essen