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Book reviews – Comptes rendus – Buchbesprechungen 149
tions de défense, l'auteur analyse ensuite l'origine et la portée stratégique du projet américain
de force multilatérale nucléaire (MLF) et s'attarde sur l'attitude adoptée par les stratèges
de la Maison-Blanche à l'égard des velléités françaises de développer unilatéralement une
force de frappe nucléaire nationale. Il précise ensuite les raisons qui ont conduit les
États-Unis à développer une nouvelle doctrine stratégique de riposte graduée mieux adaptée
à la menace soviétique en cas d'escalade nucléaire. Mais les Européens, qui réclament un
nouveau partage des responsabilités atomiques au sein de l'Alliance, ne parviennent pas à
s'entendre sur les moyens de la réformer. Dès lors, toujours plus isolée compte tenu de ses
ambitions d'indépendance nationale, la France s'engage dans ce qui apparaît bien comme
une logique de rupture et décide, en 1966, de retirer ses forces du commandement militaire
intégré de l'Alliance atlantique. A cet égard, le livre fourmille d'éléments qui mettent en
lumière, parfois au jour le jour, la complexité des relations, y compris personnelles, entre
Johnson et De Gaulle. «Débarrassés» de l'épine française, les États-Unis réactivent alors
leurs relations privilégiées avec la Grande-Bretagne et avec l'Allemagne fédérale qui, de
facto, dominent les débats au sein du Nuclear Planning Group (NPG) immédiatement créé.
La RFA, qui a fini par renoncer à la MLF et par accepter le principe d'un accord de non-prolifération
atomique, se trouve alors enfin associée aux décisions occidentales en matière
d'armement nucléaire. Un an plus tard, le rapport Harmel saura lui aussi consacrer le leadership
américain, présent et futur, au sein de la coalition atlantique.
Au total, sur fond de crise de l'Otan, de la transformation des relations Est-Ouest et des
péripéties qui secouent les relations franco-américaines, le livre met particulièrement bien
en lumière les difficultés de l'administration Johnson à composer avec les solidarités et les
antagonismes intra-européens et, dès lors, à conduire une politique à la fois collective et différenciée
à l'égard des Six malgré une approche de consultation multilatérale entre les Occidentaux.
Il décrit aussi avec nuance les efforts menés par la Commission Hallstein (tandem
J. Rey-R. Marjolin) pour personnifier l'Europe des Six et pour participer aux négociations
commerciales multilatérales au sein du GATT (Kennedy Round) en qualité d'interlocuteur
unique. Le Marché commun apparaît alors comme un rival commercial. Mais la diplomatie
américaine sait aussi tirer habilement profit de l'évolution des rapports de force franco-allemands,
qu'il s'agisse du dossier de l'adhésion du Royaume-Uni aux Communautés européennes,
de l'accès des produits agricoles américains au marché européen ou de la tourmente
monétaire de novembre 1968.
Particulièrement dense, l'ouvrage de Massimiliano Guderzo offre un panorama détaillé
des relations USA-Europe analysées surtout du point de vue américain et stratégique.
L'auteur démontre que la guerre du Viêt-nam n'a pas empêché la Maison-Blanche de s'impliquer
activement dans les affaires du monde et de l'Europe qui, au cours des années soixante,
est elle-même en butte à des luttes internes qui ne facilitent pas le dialogue qu'elle veut
nouer avec les États-Unis, notamment sur le terrain militaire et commercial. L'unité européenne
et atlantique sont au cœur du propos. Mais Guderzo retrace aussi l'action personnelle
du président Johnson en matière de politique internationale examinée notamment sous
l'angle conceptuel de la peacekeeping et de la peacemaking. Enfin, il passe au crible les
efforts poursuivis par l'administration démocrate en faveur de l'unité européenne bien perçue
par les Américains comme un gage essentiel de leurs propres sécurité et prospérité. Et de
s'interroger, pour conclure, sur la capacité, passée et à venir, des Européens à se doter
eux-mêmes des moyens nécessaires pour assurer leur défense et ainsi contre-balancer la
suprématie américaine.
Étienne Deschamps
Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve