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Gérard Bossuat
Les Français résistèrent. Les neutres (Suisses, Suédois) refusaient une OECE "otanisée"
58 . Le gouvernement français décida de défendre l'OECE 59 . Une fusion du
Conseil de l'Europe et de l'OECE fut même envisagée 60 . Une nouvelle organisation
européenne, plus politique, risquait de mettre la France en difficulté à propos de la
Sarre ou des marchés en rapport avec le réarmement 61 .
L'OECE prit la décision de définir un objectif d'augmentation de la production
des pays membres de 5% par an pendant 5 ans, pour satisfaire les opinions publiques
agacées par le réarmement 62 . Jean-Marie Soutou comprit que l'objectif n'avait
plus de rapport avec l'unité européenne. Il conseilla de chercher une entente avec
les Britanniques et de marquer l'interdépendance des économies européennes et
américaines 63 . Le Quai d'Orsay joua la carte anglaise, proposa un plan commun de
développement économique européen que la Grande-Bretagne refusa 64 . Le réarmement
tétanisait les imaginations. L'esprit européen s'effondrait. Monnet fut sarcastique
à la lecture de la déclaration de Robert Marjolin: "Ce document frise le
scandale", il est "d'une pauvreté affligeante" 65 .
A partir de 1952, l'OECE était en sursis. Les services et le ministre la défendirent
encore: "L'OECE est la seule organisation économique où se rencontrent les
pays atlantiques avec des neutres et avec l'Allemagne", écrit Robert Schuman 66 .
Bientôt les difficultés de paiements mirent la France à "l'index". Certes, en janvier
1952 la Grande-Bretagne avait ramené son pourcentage de libération à 46%, mais
la France revenait sur toutes les libérations le 19 février 1952. L'OECE éclatait
puisque les autres pays poursuivaient le processus de libération. Bientôt le soupçon
des partenaires de la France se transformait en accusation de complaisance pour un
protectionnisme honteux. Un cycle de repli crispé s'annonçait pour la France. La
dérive libérale était en marche en Europe. L'OECE ne serait jamais cette organisation
de concertation intereuropéenne que Petsche, un homme de la droite modérée,
désirait tant qu'elle fut.
Que faire? Les services exigèrent de Georges Bidault une clarification. Kojève
présenta une formule idéale. A défaut d'une dévaluation honteuse ou d'une impossible
augmentation des droits de douanes, il imagina une taxe temporaire de compensation
de 15% sur les transactions commerciales en devises étrangères 67 . Bidault
58. CE 83, Charpentier, p.o. OW 16 septembre 1950 à Berne, "Rapport OECE/ Pacte atlantique".
59. F 60 ter 384, B de M à Gregh, 27 janvier 1951 SGCI 1951, n˚ 88.
60. CE 79, DGAEF CE, JMS 24 avril 1951, note pour le Président, "a/s relations avec le Conseil de
l'Europe".
61. CE 79, PH 2 juin 1951, note, DGA politique du MAE (Europe); CE 79, CE 27 juin 1951, note pour
la direction d'Europe, "a/s contrôle des cartels internationaux".
62. Europe généralités, 1949-55, 64; FS 4 août 1951, note, "Manifeste relatif à l'augmentation de la
production".
63. F 60 ter 468, JMS, CE, MAE, 17 août 1951, "Note".
64. CE 04 Charpentier, 1 er septembre 1951, circul. n˚ 172.
65. F 60 ter 468, document du CGP, pas de signature, mais document annexe de Monnet du 28 août
1951.
66. CE 05, CE 07, Schuman, JMS, coop économique, 29 janvier 1952 14h 50 à Londres 2213/20; et
CE 70, "Aide-mémoire de Schuman à Eden", remis le 31 janvier 1952.
67. CE 68, AK, 30 janvier 1954, note pour M. Clappier, objet: libération des échanges.