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Les hauts fonctionnaires français et le processus d’unité en Europe 91
finances savaient pourtant qu'il faudrait briser le protectionnisme pour obtenir les
crédits américains 19 . Le gouvernement décida de défendre une protection douanière
moyenne pour faciliter l'adaptation de l'économie aux échanges mondiaux 20 .
Elle était un préalable à un appel aux Etats-Unis.
La conférence de Paris en juin-juillet 1947 (France, Grande-Bretagne, URSS)
sur l'offre de Marshall devait préparer des formes de coopération économiques
communes que Molotov refusa 21 . Dans l'été la conférence des seize pays européens
du plan Marshall décida que l'économie allemande devait "s'intégrer dans l'économie
européenne". Monnet proposa de faire de la Ruhr "un actif européen", dont la
France profiterait, contre l'abandon de sa politique de méfiance 22 . Cependant la
conférence ne réussit pas à imaginer une forme d'unité européenne opérationnelle.
Les fonctionnaires français aux Etats-Unis conseillaient d'amorcer "des projets
d'économie combinée et d'aide inter européenne". William Clayton exigeait durement
"un élargissement des frontières économiques par l'établissement d'une union
douanière". Alphand poussa le gouvernement Ramadier à accepter l'union douanière
européenne. Mais seule l'Italie manifesta de l'intérêt 23 .
Les Seize ne réussirent pas davantage à rendre transférables les monnaies européennes.
Les Belges pilotèrent les premiers projets 24 . Seuls la France, le Bénélux et
l'Italie adoptèrent (novembre 1947) un système de compensation imparfait. Un projet
ambitieux de "Fonds commun des monnaies européennes" échoua en 1948 25 .
Deux initiatives sur trois venaient des services français: l'organisation internationale
de la Ruhr (Monnet) et l'union douanière européenne (Alphand et les Américains);
l'accord de compensation monétaire européen (Ansiaux), soutenu par
Guillaume Guindey, directeur des Finances extérieures (FINEX), était d’origine belge.
Mais les projets d'unité en Europe occidentale, si ardemment exposés par les
Américains, butaient sur la place de l'Allemagne en Europe. Il n'était plus question
de détruire l'Allemagne mais de la relever. Les Américains furent maladroits en
parlant de remettre aux Allemands la gestion des mines, d'augmenter la production
d'acier et de réduire les démantèlements d'usines interdites (loi 75) applicable à la
19. CE 14, cr, réunion du 16 janvier 1946, présidence Nathan, Commission de politique douanière,
DREE. CE 14, DREE, 16 février 1946, Présidence Nathan, industries mécaniques.
20. CE 14, AL.DAEF, 16 mai 1946, note d'information pour la délégation française au Conseil économique
et social, a/s préparation à la Conférence mondiale du commerce et de l'emploi. CE 14, au
MAE, bureau d'Alphand, avec la participation de l'Economie nationale, de la Production industrielle,
de la direction des Douanes, préparation à la Conférence mondiale du commerce et de
l'emploi.
21. CE 45 ,25 juin 1947, H.A. "Projet d'ordre du jour".
22. AMF 14/1/3 et 14/1/4,22 juillet 1947,"Mémorandum de Jean Monnet pour G.Bidault, sur la conférence
de Paris, sur les causes du refus de l'URSS et sur la coopération avec la Grande-Bretagne et
les Etats-Unis face aux problèmes allemands".
23. Voir aussi G. BOSSUAT, L'Europe occidentale à l'heure américaine, 1945-1952, Coll. "Questions
au XXe siècle". Paris 1992, 350 pp.
24. B 33854,26 juillet 1947,( Archives du Ministère des Finances) "Echange de vues franco-anglais et
avec le Bénélux", à Calvet, Londres, origine: probablement la DFE [Guindey ?].
25. B 25434, 9 juillet 1948, s.o. probablement DFE, Guindey, 3 pp. fait suite à des notes de la DFE. F
60 ter, 382, 15 mai 1948, note (de qui ?) "Conversations Harriman, Tomlinson, ECA Paris".