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La Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier 139
(à la majorité simple mais comprenant la France et l'Allemagne) que la Haute Autorité
ne parvient pas à arracher. Pourtant, pendant trois mois, de mars à mai 1959, elle a
multiplié les contacts et réaménagé plusieurs fois son projet d'intervention fondé sur le
principe d'une forte réduction des importations de pays tiers et d'une légère diminution
de la production dans les six pays de la CECA. Si les trois du Benelux sont ralliés à
cette proposition, Paris, Rome et Bonn sont irréductiblement hostiles. L'Italie n'est pas
prête à renoncer aux importations de charbons américains moins coûteux; l'Allemagne
déclare les mesures insuffisantes: en fait, à l'instar du gouvernement français, Bonn ne
veut pas accepter que la Haute Autorité joue un rôle majeur pour résoudre la crise. Le
couperet tombe le 14 mai: le Conseil des ministres rejette la déclaration de la crise
manifeste, par trois voix contre trois. C'est l'avertissement que les Etats sont décidés à
rogner les ailes de l'institution supranationale. Face à cet échec grave, la Haute Autorité
envisage un moment de démissionner mais le collège reste finalement en place en
attendant le renouvellement général.
La lutte engagée contre les cartels et les concentrations se termine également
sans gloire pour la Haute Autorité. Il y a, en fait, deux problématiques différentes.
D'une part, en ce qui concerne les concentrations, la Haute Autorité n'a pas à intervenir
contre les entreprises qui existent au moment de sa création; elle doit seulement
empêcher, en vertu de l'article 66, les nouvelles concentrations qui gêneraient
la concurrence. D'autre part, la Haute Autorité se trouve confrontée aux cartels du
charbon qui de toute évidence empêchent la liberté du marché; les principaux sont
des cartels de vente: COBECHAR fixe les prix de pratiquement tous les charbonnages
belges, l'OKU (Oberrheinische Kohlenunion) contrôle les ventes en Allemagne
du Sud et le GEORG règne en maître dans la Ruhr. En France l'ATIC
(Association technique de l’importation charbonnière) détient le monopole des
importations de charbon. D'après le traité, la Haute Autorité a l'obligation de
démanteler ces cartels mais elle sait qu'il ne sera pas facile d'y parvenir et que le
premier et le plus difficile à abattre doit être le GEORG.
L'action contre le cartel de la Ruhr est, pour la Haute Autorité, un véritable combat
de Sisyphe. C'est dès 1954 qu'elle engage des négociations en vue d'une réforme
du GEORG qui paraît d'autant plus urgente que la liaison charbon-sidérurgie se
développe à nouveau dans la Ruhr après les déconcentrations de l'après-guerre. La
Haute Autorité envisage d'abord de donner l'autonomie aux six comptoirs constitutifs
du GEORG mais, face à l'obstruction des milieux d'affaires de la Ruhr fortement soutenus
par Bonn, elle accepte d'étudier en détail de nombreuses variantes en vue d'une
réforme, pourvu qu'elle permette d'introduire un minimum de concurrence. Après de
pénibles marchandages, un nouveau système prévoyant trois comptoirs de vente avec
un bureau commun est mis en route le 1er avril 1956 pour trois ans. En fait, l'accord
n'est pas respecté dans son esprit, les trois comptoirs s'arrangent pour fixer des prix
identiques et fonctionnent comme un cartel unique. Au sein de la Haute Autorité,
Spierenburg – qui est le principal artisan de la politique anticartel – et quelques autres
dénoncent cette mascarade mais le collège, divisé, proroge le système à plusieurs
reprises faute de trouver un accord pour une meilleure solution.
Malgré un combat d'arrière-garde à épisodes multiples, la Haute Autorité ne
peut empêcher la survie d'une organisation centralisée de ventes. Dès décembre