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La Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier 137
expose de nombreux exemples flagrants qui illustrent parfaitement les tâtonnements
et le manque d'emprise de la Haute Autorité sur les problèmes économiques.
Si la Haute Autorité parvient à mettre en route rapidement le marché commun
du charbon, du minerai de fer et de la ferraille (10 février 1953) et de l'acier (1er
mai 1953) avec comme objectif final un marché libre et concurrentiel où les prix
seraient relativement faibles, elle s'interroge sur les mesures à adopter dans l'immédiat
pour y parvenir dans les meilleures conditions. Comme les prix charbonniers
ont d'abord tendance à augmenter légèrement, elle use de son pouvoir de fixer des
prix maxima (par catégories de charbon) mais, du coup, elle semble légitimer le
maintien de prix élevés. D'ailleurs, il semble pratiquement impossible d'instaurer la
liberté des prix en raison de l'existence de cartels de vente comme COBECHAR
(Comptoir belge des charbons) en Belgique, et surtout le GEORG (Gemeinschaftsorganisation
Ruhrkohle) dans la Ruhr. Pour l'acier, la Haute Autorité n'a pas l'intention
de fixer des prix maxima mais elle voudrait arriver à la transparence des prix
par la publicité des barèmes qui limiterait les discriminations. Mais si certains pays
comme la France ou l'Italie sont prêts à publier et à respecter des barèmes, la RFA
y est hostile et accuse Monnet de vouloir mettre en place une politique des prix
dictatoriale. D'ailleurs beaucoup d'entreprises pratiquent des prix inférieurs à leurs
barèmes, si bien que la Haute Autorité en vient à fixer des règles qui autorisent des
écarts de prix par rapport aux barèmes, au grand mécontentement de la France et de
l'Italie qui veulent alors faire annuler ces décisions par la Cour de justice. Pour les
ferrailles qui connaissent de fortes disparités de prix d'un pays à l'autre, la Haute
Autorité – qui ne peut pas intervenir directement dans ce domaine – cherche à trouver
une solution en accord avec les sidérurgistes qui, eux, préféreraient garder complètement
le contrôle de ce marché. Après de longues discussions avec les
entreprises et le conseil des ministres, la Haute Autorité en arrive à mettre sur pied
– pour un temps – une caisse de péréquation financée par des taxes sur les consommateurs
de ferrailles de la CECA qui permet de subventionner des importations.
Mais la Haute Autorité n'a pas beaucoup de prise sur ce système qui est géré par un
Office des consommateurs de ferrailles qu'elle doit se contenter de "surveiller" en
vérifiant les comptes. Il est donc clair que la mise en route du marché commun
s'avère être une opération bien délicate et bien décevante pour la Haute Autorité.
Dans le domaine des transports, où la Haute Autorité dispose de peu de pouvoirs
(la politique des transports relève des Etats), elle dépense beaucoup d'énergie
et de patience pour essayer d'éliminer les discriminations et disparités de tarifs pour
les produits charbonniers et sidérurgiques. L'harmonisation des tarifs est en effet
une préoccupation importante car elle doit favoriser l'harmonisation des prix et
donc la libre concurrence. Mais l'action de la Haute Autorité se heurte au double
obstacle des difficultés techniques et des intérêts nationaux. Dans un premier temps
elle accorde l'essentiel de son attention aux tarifs des chemins de fer. Après avoir
réussi dès 1953 à éliminer quelques discriminations criantes, elle cherche à établir
des tarifs directs internationaux afin de diminuer les prix, plus élevés, à distance
égale, que ceux des transports intérieurs. Il s'agit en fait de supprimer les taxes aux
frontières et de pratiquer sur les tarifs une dégressivité sur l'ensemble du parcours.
Mais la Haute Autorité se heurte à l'opposition de la RFA, qui redoute une réper-