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La Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier 133
relations avec les autres institutions de la CECA, avec les Etats membres, les tiers,
les organisations internationales tout en développant une action multiforme dans
les secteurs du charbon et de l'acier.
Le système institutionnel de la CECA qui, en 1957, sert à la fois de modèle aux
Traités de Rome qui reprennent l'architecture quadripartite – Commission, Conseil
des ministres, Assemblée, Cour de Justice – et de contre-modèle dans la
mesure où les éléments supranationaux sont atténués, fonctionne un peu différemment
de l'Union européenne. La Haute Autorité est un véritable exécutif qui peut
non seulement donner des avis et des recommandations mais aussi prendre des
décisions et ses présidents entendent bien lui faire jouer ce rôle sans trop se laisser
freiner ou influencer par les gouvernements. Monnet voudrait régler les conflits
de compétence en établissant la suprématie de la Haute Autorité par rapport au
Conseil des ministres qu'il traite avec désinvolture, le faisant attendre lors de ses
sessions, l'informant au dernier moment de certaines propositions, essayant d'intimider
son secrétaire pour modifier des procès-verbaux... Mais la Haute Autorité
a besoin de l'avis conforme du Conseil des ministres pour prendre certaines décisions
et, à la longue, il apparaît que très souvent la Haute Autorité consulte le Conseil,
même quand elle n'y est pas obligée, comme pour partager le fardeau ou pour
faire émerger une solution qui ne s'impose pas toujours d'emblée au sein d'un collège
parfois divisé. Ainsi s'établissent entre les deux exécutifs des relations
complexes du type coopération-rivalité-affrontement. En cas de désaccord, les
gouvernements peuvent aussi laisser planer la menace d'un recours auprès de la
Cour de Justice – ou la saisir effectivement – afin de faire annuler une décision de
la Haute Autorité.
Avec l'Assemblée commune, la Haute Autorité entretient des rapports à la fois
plus distants et moins conflictuels. Pourtant l'Assemblée, qui ne détient aucune
parcelle de pouvoir législatif ou budgétaire, apparaît comme un organe de contrôle
par excellence. Elle discute et approuve le rapport annuel de la Haute Autorité,
pose des questions écrites ou orales et peut censurer la Haute Autorité en réunissant
la majorité des deux tiers de voix exprimées et la majorité absolue des membres.
En fait, les deux instances n'en sont jamais venues à une confrontation dure. La
Haute Autorité traite l'Assemblée avec égards; son président – ou l'un de ses membres
– vient volontiers à Strasbourg expliquer sa politique en cherchant à trouver un
appui dans l'Assemblée qui, tout en n'épargnant pas les critiques, joue plutôt le rôle
d'aiguillon, notamment dans la politique sociale, que celui de censeur.
La Haute Autorité doit aussi définir la nature de ses relations avec les six gouvernements.
N'étant pas une organisation internationale de type classique, la Haute
Autorité – supranationale – n'est pas extérieure aux Etats membres. Monnet estime,
par conséquent, qu'il n'y a pas lieu d'établir de représentations permanentes des
Etats membres auprès de la CECA. Il veut au contraire pouvoir contacter directement
les gouvernements et les administrations. Mais qui (quel ministère ?) doit être
alors l'intermédiaire privilégié de la Haute Autorité ? A cette question, chacun des
six Etats donne une réponse qui lui est propre. A Paris, un comité interministériel
chargé des questions concernant la CECA devient l'interlocuteur privilégié de
Luxembourg. En République fédérale d’Allemagne (RFA), face à la rivalité entre