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Marie-Thérèse Bitsch
Plan Schuman a aussi des "origines américaines" en raison des pressions exercées
par le Département d'Etat en faveur d'un rapprochement franco-allemand dans le
cadre d'une union européenne, voire des origines allemandes puisque bon nombre
de dirigeants d'outre-Rhin appellent de leurs voeux une internationalisation de la
sidérurgie afin d'échapper aux mesures discriminatoires liées à la défaite de 1945.
L'attitude favorable de Bonn et de Washington est de bon augure pour le plan
français mais les négociations de Paris ne sont pas faciles pour autant. Les premiers
contacts entre les Six, avant même l'ouverture de la conférence le 20 juin, montrent
que les discussions seront serrées sur les aspects institutionnels comme sur les
questions techniques. Les trois Etats du Benelux en particulier n'entendent pas se
laisser imposer par Paris – ou par un couple franco-allemand – des solutions contraires
à leurs intérêts. Le premier chapitre de l'ouvrage contribue à démolir une
légende tenace faisant des pays du Benelux des partisans depuis toujours inconditionnels
de l'idée européenne, y compris supranationale. Il montre comment les
délégués des trois Etats se concertent pour mieux défendre leurs positions et
obtenir un traité leur donnant toutes garanties. Benelux veut éviter une ingérence
trop forte de la Haute Autorité dans les politiques économiques nationales, donc
fixer ses pouvoirs et ses missions de manière claire et l 'encadrer par des gardefous,
notamment un contre-pouvoir intergouvernemental, le Conseil des ministres,
où chacun des Etats membres aura son représentant et qui devra donner son avis
conforme à certaines décisions de la Haute Autorité. Fruit de compromis, le traité
du 18 avril 1951 est bien plus précis et contraignant que le traité-cadre que Jean
Monnet envisageait au départ.
Il faut attendre encore plus d'un an pour voir naître effectivement la Haute
Autorité. La ratification finalement acquise dans les six pays s'est heurtée à l'hostilité
des milieux d'affaires – surtout en Belgique et en France – qui dénoncent le
danger de dirigisme international systématique et à l'opposition de presque toutes
les forces politiques de gauche qui s'abstiennent (socialistes du Benelux) ou votent
contre le traité (partis communistes, sociaux-démocrates allemands, socialistes
nenniens en Italie). Il faut aussi se mettre d'accord à Six pour savoir où installer la
nouvelle organisation. La première "bataille du siège" illustre bien les divergences
d'intérêt. Paris, "grande" capitale d'où était venue l'initiative de créer la CECA,
suscite la méfiance des partenaires de la France et n'a pratiquement aucune chance.
Mais le choix n'est pas évident entre les candidats potentiels: Liège, Luxembourg,
Sarrebruck, La Haye, Turin, Strasbourg. Sous-jacent au débat se profile l'alternative
entre une capitale unique et une dispersion des principales institutions entre plusieurs
villes. C'est en désespoir de cause, après une nuit blanche et une négociation
à rebondissements multiples, que les Six décident, sur la proposition de Joseph
Bech qui avait très bien préparé le dossier, de "commencer à travailler" à Luxembourg.
C'est donc dans une ville qui, au départ, ne se déclare même pas siège provisoire
que s'installent la Haute Autorité et les autres institutions de la CECA à
l'exception de l'Assemblée commune qui se réunit à Strasbourg.
❋
Telle qu'elle est prévue par le Traité de Paris, la Haute Autorité forme un collège de
neuf membres, dont huit choisis d'un commun accord par les gouvernements des