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106 Gérard Bossuat extérieures, conseilla d'invoquer à l'OECE les clauses de sauvegarde 142 . Le gouvernement se tourna vers l'étranger. Les Etats-Unis se dérobèrent. Ils sanctionnaient la politique algérienne de la France, ses ambitions commerciales et peut-être la visite de Christian Pineau et de Guy Mollet à Moscou le 15 mai 1956. Le gouvernement sauvegarda tant bien que mal la coopération à l'OECE car il lui était impossible d'accepter l'abaissement des droits de douane et la suppression des contingents dans le Marché commun et de les refuser à l'OECE 143 . Le paroxysme de la crise fut atteint en février 1957. Ramadier voulut suspendre la libération des échanges, mais il céda aux oppositions passionnées des "européens". Il le regretta plus tard 144 . Un programme d'économie, accompagné d'un contrôle des importations, fut décidé le 14 mars 1957. Félix Gaillard fut contraint de suspendre dans l'été 1957 la libération des échanges 145 . Le gouvernement de Guy Mollet s'est évertué à maintenir la fiction de la libération des échanges à l'OECE pour réussir le Marché commun au prix de contradictions manifestes. Le Plan Pinay de décembre 1958 remit les pendules à l'heure et permit à de Gaulle de faire participer la France à la première étape du Marché commun. Les Français et Monnet ont beaucoup travaillé sur Euratom. Les services du Quai d'Orsay posaient le problème du nucléaire dans le cadre du choix suivant: rester une puissance mondiale ou faire l'Europe qui deviendra le quatrième grand 146 . John Forster Dulles donna son appui au projet supranational pour arrimer l'Allemagne à l'Ouest et éviter la dissémination nucléaire 147 . Monnet souhaitait une renonciation de l'Europe aux armes nucléaires, choix que Guy Mollet avait antérieurement approuvé 148 . Mais la France pouvait-elle abandonner ses ambitions nucléaires militaires? L'ambassadeur américain à Paris, Douglas Dillon, n'était pas dupe. "Les Français ont déjà ou sont sur le point d'avoir la capacité de fabriquer des armes atomiques", écrivait-il en février 1956. Billotte, le ministre des Armées, exigeait que 141. 52 J 113, note manuscrite de Paul Ramadier sur les efforts de libération des échanges. 52 J 113, 26 mai 1956, C(56)109, rapport du comité de direction des échanges de l'OECE, Mesures d'aide aux exportations, réactions de Ramadier. 90-52 J 94, CGP, rapport Hirsch, étude en vue de la recherche d'un concours extérieur, 44 pages. 142. 52 J 113, Clappier, DREE, 5 juillet 1956, note sur les questions d'échanges qui seront traitées à la prochaine réunion du Conseil des ministres des l'OECE. 143. 52 J 113, G. Plescoff, note pour le Président, 17 juillet 1956. 144. 52 J 190. Notes de Ramadier. 145. 52 J 92, cab/SP, 24 avril 1957, à Jean Masson SEAEF. 146. DDF, 1995, tome 1, janvier-juin 1955, n˚ 239, note du département (fin avril-début mai 1955), p. 546. 147. 840.00/12-2755, (National Archives, Washington (DC)), D. of S. to Paris 2401, 12/27/55. 148. J. MONNET, Mémoires, t.2, Paris 1976, pp. 622-623. IPMF 1964 (Archives de l'Institut Pierre Mendès France comprenant des documents personnels de Mendès France, classés par année). Note sur la politique atomique en 1954-56, 18 janvier 1964, auteur inconnu.

Les hauts fonctionnaires français et le processus d’unité en Europe 107 la France puisse posséder des armes atomiques 149 . Christian Pineau approuva 150 . Le Département d'Etat comprit que Monnet était isolé 151 . Le Conseil des ministres des Six réuni à Bruxelles en février 1956 décida de ne pas renoncer aux armes atomiques. Guy Mollet fit un geste d'apaisement. Quatre ans s'écouleraient avant de procéder à une expérimentation d'armes nucléaires dans l'attente d'un accord général de désarmement 152 . Il trancha en faveur d'un programme atomique mixte, civil et militaire 153 . Sa droite (Chaban-Delmas) comme sa gauche mendésiste le pressaient de ne rien abandonner 154 . En janvier 1957, d'après le général Ailleret, la décision de construire une bombe avait été prise 155 et une coopération franco-allemande dans le domaine des armements, y compris les armes interdites, était engagée 156 . L'entente franco-allemande, réalisée lors de la rencontre entre Mollet et Adenauer le 6 novembre 1956, ouvrit la voie à la rédaction des traités européens. La France eut le droit de développer des armes atomiques sous le contrôle de la Communauté européenne. Un accord sur la politique sociale dans la future CEE fut trouvé. A l'automne 1956, l'Europe se construisait sur le couple franco-allemand, une Europe peut-être dotée d'armes nucléaires européennes. Monnet n'y croyait pas. Il assura péremptoirement Dulles "que le programme militaire atomique français est un mythe" 157 . La France n'atteignit pas tous ses buts dans Euratom. La construction de centrales nucléaires civiles d'origine européenne fut rejetée 158 . La France n'obtint pas le financement européen d'une usine de séparation isotopique 149. DDF 1956, tome 1, n˚ 40, à MM. E. Faure, Président du Conseil, Pinay, MAE, D. n˚ 0146 AG/ AL, ts, 24 janvier 1956. 150. 840.1901/2-456, from Paris to Secretary, n˚ 3490, February 4, 4 pm. 151. RG 469, Office of African and European Operations, Regional Organizations Staff, Subject Files 1948-57, Box 67, ou 840.1901/ 2-356, Dillon to Secretary of State, n˚ 3467, February 3, 2 pm. 152. RG 469, Office of African and European Operations, Regional Organizations Staff, Subject Files 1948-57, Box 67, Summary of Official minutes, ECSC Foreign Ministers' Meeting, Brussels, Feb 11-12, 1956, colux D 20, March 9, 56. 153. J. MONNET, Mémoires, p. 626. J. VAN HELMONT, Options européennes, 1945-1985, Perspectives européennes, Bruxelles 1986, p. 62. P. GERBET, La construction de l'Europe, Paris 1983, p. 214. P. GUILLEN, "La négociation du traité d'Euratom", Relations Internationales, hiver 1985, n˚ 44, p. 397-99, sur l'influence et la puissance du CEA dans les choix du nucléaire militaire. 154. IPMF 1956, (Archives privées, Fonds Pierre Mendès France, Institut Pierre Mendès France), Claude Cheysson, 13 avril 1956 à Pierre Mendès France, lettre manuscrite sur papier à en-tête du MAE, secrétariat d'Etat aux Affaires marocaines et tunisiennes, cabinet, et note jointe de Tiné, 10 avril 1956. 155. CH. AILLERET, L'aventure atomique française, Paris 1968, p. 226. 156. G. BOSSUAT, "Les relations franco-allemandes dans le domaine des armements", in Revue d'Allemagne, 1994. Pour l'historiographie de la question voir, C. BARBIER, "Les négociations franco-germano-italiennes en vue de l'établissement d'une coopération militaire nucléaire au cours des années 1956-1958", in Revue d'histoire diplomatique, 1990, n˚ 1-2, p. 81. 157. RG 469, Office of African and European Operations, Regional Organizations staff, Subject Files 1953-57, Box 68, ou 840.1901/7-1856, Memorandum of Conversation with Mr. Monnet on European Integration, Embassy, The Hague, July 18, 1956. 158. J. VAN HELMONT, Options européennes, p. 65.

Les hauts fonctionnaires français <strong>et</strong> le processus d’unité en Europe 107<br />

la France puisse possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s armes atomiques 149 . Christian Pineau approuva 150 .<br />

Le Département d'Etat comprit que Monn<strong>et</strong> était isolé 151 .<br />

Le Conseil <strong>de</strong>s ministres <strong>de</strong>s Six réuni à Bruxelles en février 1956 décida <strong>de</strong> ne<br />

pas renoncer aux armes atomiques. Guy Moll<strong>et</strong> fit un geste d'apaisement. Quatre<br />

ans s'écouleraient avant <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à une expérimentation d'armes nucléaires dans<br />

l'attente d'un accord général <strong>de</strong> désarmement 152 . Il trancha en faveur d'un programme<br />

atomique mixte, civil <strong>et</strong> militaire 153 . Sa droite (Chaban-Delmas) comme<br />

sa gauche mendésiste le pressaient <strong>de</strong> ne rien abandonner 154 . En janvier 1957,<br />

d'après le général Ailler<strong>et</strong>, la décision <strong>de</strong> construire une bombe avait été prise 155 <strong>et</strong><br />

une coopération franco-alleman<strong>de</strong> dans le domaine <strong>de</strong>s armements, y compris les<br />

armes interdites, était engagée 156 .<br />

L'entente franco-alleman<strong>de</strong>, réalisée lors <strong>de</strong> la rencontre entre Moll<strong>et</strong> <strong>et</strong> A<strong>de</strong>nauer<br />

le 6 novembre 1956, ouvrit la voie à la rédaction <strong>de</strong>s traités européens. La<br />

France eut le droit <strong>de</strong> développer <strong>de</strong>s armes atomiques sous le contrôle <strong>de</strong> la Communauté<br />

européenne. Un accord sur la politique sociale dans la future CEE fut<br />

trouvé. A l'automne 1956, l'Europe se construisait sur le couple franco-allemand,<br />

une Europe peut-être dotée d'armes nucléaires <strong>européennes</strong>. Monn<strong>et</strong> n'y croyait<br />

pas. Il assura péremptoirement Dulles "que le programme militaire atomique<br />

français est un mythe" 157 . La France n'atteignit pas tous ses buts dans Euratom. La<br />

construction <strong>de</strong> centrales nucléaires civiles d'origine européenne fut rej<strong>et</strong>ée 158 . La<br />

France n'obtint pas le financement européen d'une usine <strong>de</strong> séparation isotopique<br />

149. DDF 1956, tome 1, n˚ 40, à MM. E. Faure, Prési<strong>de</strong>nt du Conseil, Pinay, MAE, D. n˚ 0146 AG/<br />

AL, ts, 24 janvier 1956.<br />

150. 840.1901/2-456, from Paris to Secr<strong>et</strong>ary, n˚ 3490, February 4, 4 pm.<br />

151. RG 469, Office of African and European Operations, Regional Organizations Staff, Subject<br />

Files 1948-57, Box 67, ou 840.1901/ 2-356, Dillon to Secr<strong>et</strong>ary of State, n˚ 3467, February 3, 2<br />

pm.<br />

152. RG 469, Office of African and European Operations, Regional Organizations Staff, Subject<br />

Files 1948-57, Box 67, Summary of Official minutes, ECSC Foreign Ministers' Me<strong>et</strong>ing, Brussels,<br />

Feb 11-12, 1956, colux D 20, March 9, 56.<br />

153. J. MONNET, Mémoires, p. 626. J. VAN HELMONT, Options <strong>européennes</strong>, 1945-1985, Perspectives<br />

<strong>européennes</strong>, Bruxelles 1986, p. 62. P. GERBET, La construction <strong>de</strong> l'Europe, Paris<br />

1983, p. 214. P. GUILLEN, "La négociation du traité d'Euratom", Relations Internationales,<br />

hiver 1985, n˚ 44, p. 397-99, sur l'influence <strong>et</strong> la puissance du CEA dans les choix du nucléaire<br />

militaire.<br />

154. IPMF 1956, (Archives privées, Fonds Pierre Mendès France, Institut Pierre Mendès France),<br />

Clau<strong>de</strong> Cheysson, 13 avril 1956 à Pierre Mendès France, l<strong>et</strong>tre manuscrite sur papier à en-tête<br />

du MAE, secrétariat d'Etat aux Affaires marocaines <strong>et</strong> tunisiennes, cabin<strong>et</strong>, <strong>et</strong> note jointe <strong>de</strong><br />

Tiné, 10 avril 1956.<br />

155. CH. AILLERET, L'aventure atomique française, Paris 1968, p. 226.<br />

156. G. BOSSUAT, "Les relations franco-alleman<strong>de</strong>s dans le domaine <strong>de</strong>s armements", in Revue<br />

d'Allemagne, 1994. Pour l'historiographie <strong>de</strong> la question voir, C. BARBIER, "Les négociations<br />

franco-germano-italiennes en vue <strong>de</strong> l'établissement d'une coopération militaire nucléaire au<br />

cours <strong>de</strong>s années 1956-1958", in Revue d'histoire diplomatique, 1990, n˚ 1-2, p. 81.<br />

157. RG 469, Office of African and European Operations, Regional Organizations staff, Subject Files<br />

1953-57, Box 68, ou 840.1901/7-1856, Memorandum of Conversation with Mr. Monn<strong>et</strong> on<br />

European Integration, Embassy, The Hague, July 18, 1956.<br />

158. J. VAN HELMONT, Options <strong>européennes</strong>, p. 65.

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