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102 Gérard Bossuat L'esprit du 9 mai 1950 avait été un feu de paille. Monnet avait perdu son combat pour l'Europe unie et fédérale, ce qui fut sanctionné pathétiquement par le vote négatif sur la CED en août 1954. IV L'idée européenne n'était pas morte en France, mais les services français n'eurent rien à voir avec la relance de Messine. L'initiative vint de Paul Henri Spaak et de son ami Jean Monnet. Toutefois le Quai d'Orsay (François Valéry) travaillait sur de nouvelles hypothèses de coopération en Europe. Le Plan Pinay de "conseil confédéral européen" proposé en avril 1955 à Adenauer, prévoyait seulement des rencontres régulières de diplomates européens 113 . Le Quai d'Orsay était intéressé par le développement de l'énergie atomique. Le Commissariat a l’Energie Atomique (CEA) espérait construire en commun une usine de séparation isotopique, très onéreuse 114 . La problématique européenne de la France était donc utilitaire et prudente en avril 1955. Spaak, le 4 avril 1955, proposa aux Six de relancer l'Europe en faisant de Monnet le Président d'une CECA élargie à l'énergie et aux transports 115 . Pierre Uri rédigea le 13 avril 1955 un document comportant "à la fois la coopération politique, le Marché commun, l'Euratom, et pour faire plaisir à la Haute Autorité, l'énergie" 116 . Beyen remplaça le texte d'Uri par son propre texte sur le Marché commun. Spaak s'en servit dans le mémorandum des pays du Benelux 117 . Le 18 mai 1955, Spaak remit aux Six le mémorandum des pays du Benelux sur la relance. Il proposait la fusion progressive des économies par la création d'un Marché commun et la constitution d'une autorité atomique commune 118 . Olivier Wormser, directeur des Affaires économiques au Quai d'Orsay, manifesta ses réticences pour le Marché commun libéral. Il repoussait l'intégration économique totale et n'acceptait qu'une coopération dans le domaine des transports et 112. CE 84 ou CE 63, OW, 10 décembre 1953, DGAEF, CE, note "a/s politique économique et financière extérieure de la France". 113. DDF, 1955, annexes, tome 1, p. 39-42, compte rendu de la conversation Pinay-Adenauer du 29 avril. 114. P. GUILLEN, "La France et la négociation des Traités de Rome: l'Euratom", in E. SERRA, La relance européenne et les Ttraités de Rome, p. 514. 115. 363 AP 33, Jean Monnet à René Mayer, programme d'action pour les Etats-Unis d'Europe, secret, confidentiel; Europe généralités 49-55, 64, Bruxelles, Spaak à Adenauer, 4 avril 1955, publiée par les DDF, n˚ 171, 1955, tome 1, janvier-juin 1955, p. 399. 116. P. URI, Penser pour l'action, un fondateur de l'Europe, Paris 1991, p. 115. Le texte a été publié dans Fragments de politique économique, Grenoble 1989. 117. P. GERBET, "La "relance" européenne jusqu'à la conférence de Messine", et témoignage d'Uri, in E. SERRA, La relance européenne, p 61 et seq. p. 166. 118. Europe généralités 1949-55, 64, Paris, DG pol Europe, 18 mai 1955, note. SGCI, Réunion des ministres des Affaires étrangères des Etats membres de la CECA, secrétariat, Mémorandum des pays du Benelux aux six pays de la CECA, ref; 465 f/55 gd, 5 pages dactylog.

Les hauts fonctionnaires français et le processus d’unité en Europe 103 de l'énergie atomique 119 . A la conférence de Messine, Antoine Pinay, ministre des Affaires étrangères, exprima seulement son "intention de contracter" un accord. Il posa avant tout la question de l'organisation atomique européenne 120 . Néanmoins, le gouvernement français accepta de s'engager dans la première étape de quatre ans d'un Marché commun à de multiples conditions. Il demandait des harmonisations sociales, un fonds de réadaptation, l'abaissement des droits de douanes par grandes catégories de produits, un tarif extérieur commun, un régime spécial pour l'agriculture. Félix Gaillard, chef de la délégation française, sut rassurer ses partenaires. Robert Rothschild, le directeur de cabinet de Spaak, expliqua que c'était "la première proposition constructive d'intégration émanant du gouvernement français en trois ans" 121 . Cependant la question d'un Marché commun général l'emportait sur la création d'ententes fonctionnelles 122 . Guy Mollet, le nouveau vainqueur des élections de janvier 1956, avait fait depuis longtemps des choix européens. De vrais Européens étaient aux Affaires étrangères, Christian Pineau, ministre des Affaires étrangères, Maurice Faure, secrétaire d'Etat. En mai 1956, le gouvernement répondit au rapport Spaak du 21 avril 1956. Sa réponse réintroduisait la notion d'harmonisation volontaire des économies et des sociétés. Elle mettait à l'ordre du jour la question agricole et celle des TOM. Elle était restrictive sur le fédéralisme 123 . Le travail d'élaboration de la position française fut l'oeuvre des cabinets des ministres "européens", d'Emile Noël, chef du cabinet de Guy Mollet, Président du Conseil, du secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes, Maurice Faure, et du Comité du Marché commun présidé par Alexandre Verret 124 . L'avis des services sur le rapport Spaak fut sollicité à la veille de la conférence de Venise en mai 1956 125 . 119. Cité par E. KOCHER, Le rôle de la France dans les négociations des traités de Rome, vol 1, p. 30, maîtrise Paris-I, sous la direction de R. Girault, 1989. DDF, 1955, janvier-juin 1955, n˚ 288, note de la direction des Affaires économiques et financières, extension de la politique européenne, Paris, le 18 mai 1955, p. 665. 120. DDF 1955, tome 1, janvier-juin 1955, n˚ 332, M. Pinay; MAE aux représentants diplomatiques de France à l'étranger, 10 juin 1955, 23h 30, circulaire n˚ 49. 121. FRUS IV, 1955-57, 121, teleg. from the Ambassador in Belgium (Alger) to the D. of State, Brussels, october 21, 1955, 5 p.m. 122. DDF 1955, tome 2, juillet-décembre 1955, n˚ 297, note de la DAEF, coopération économique, établissement d'un marché commun général, 13 octobre 1955, annexe; Mémorandum de la délégation française au Comité intergouvernemental créé par la conférence de Messine, doc n˚ 337, Bruxelles, le 14 octobre 1955. 123. 52 J 114 (Archives départementales de l'Aveyron, fonds Paul Ramadier), Comparaison du projet de mémorandum du gouvernement français sur l'établissement d'un marché commun -2e rédaction- 22 mai 1956- et du rapport du Comité intergouvernemental du 21 avril 1956. 124. Ce comité fait la liaison entre la délégation française à Bruxelles et les départements ministériels. Il est composé de François-Poncet, Wormser, Marjolin, Mille, Valery, Vedel (AE), Soudet (Justice), Plescoff (Finances), Larre (Budget), Gonot, Menahem (économie), Beaurepaire, Gros, Valabrègue (Commerce), Cépède (Agriculture), Juvigny, Raffin (Affaires sociales),- Demaille, Moussa (FOM), Veron, Hirsch (CGP), Ardant (Production), Guntzberger (Défense), Simoneau (Intérieur), Alby, Donnedieu de Vabres (SGCI). 125. 52 J 114, 25 avril 1956, G. Plescoff, G. Paul-Boncour, "Note pour Monsieur le président Ramadier au sujet de l'organisation du Marché commun".

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Gérard Bossuat<br />

L'esprit du 9 mai 1950 avait été un feu <strong>de</strong> paille. Monn<strong>et</strong> avait perdu son combat<br />

pour l'Europe unie <strong>et</strong> fédérale, ce qui fut sanctionné pathétiquement par le vote<br />

négatif sur la CED en août 1954.<br />

IV<br />

L'idée européenne n'était pas morte en France, mais les services français n'eurent<br />

rien à voir avec la relance <strong>de</strong> Messine. L'initiative vint <strong>de</strong> Paul Henri Spaak <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

son ami Jean Monn<strong>et</strong>. Toutefois le Quai d'Orsay (François Valéry) travaillait sur <strong>de</strong><br />

nouvelles hypothèses <strong>de</strong> coopération en Europe. Le Plan Pinay <strong>de</strong> "conseil confédéral<br />

européen" proposé en avril 1955 à A<strong>de</strong>nauer, prévoyait seulement <strong>de</strong>s rencontres<br />

régulières <strong>de</strong> diplomates européens 113 . Le Quai d'Orsay était intéressé par<br />

le développement <strong>de</strong> l'énergie atomique. Le Commissariat a l’Energie Atomique<br />

(CEA) espérait construire en commun une usine <strong>de</strong> séparation isotopique, très onéreuse<br />

114 . La problématique européenne <strong>de</strong> la France était donc utilitaire <strong>et</strong> pru<strong>de</strong>nte<br />

en avril 1955.<br />

Spaak, le 4 avril 1955, proposa aux Six <strong>de</strong> relancer l'Europe en faisant <strong>de</strong> Monn<strong>et</strong><br />

le Prési<strong>de</strong>nt d'une CECA élargie à l'énergie <strong>et</strong> aux transports 115 . Pierre Uri rédigea<br />

le 13 avril 1955 un document comportant "à la fois la coopération politique, le<br />

Marché commun, l'Euratom, <strong>et</strong> pour faire plaisir à la Haute Autorité, l'énergie" 116 .<br />

Beyen remplaça le texte d'Uri par son propre texte sur le Marché commun. Spaak<br />

s'en servit dans le mémorandum <strong>de</strong>s pays du Benelux 117 . Le 18 mai 1955, Spaak<br />

remit aux Six le mémorandum <strong>de</strong>s pays du Benelux sur la relance. Il proposait la<br />

fusion progressive <strong>de</strong>s économies par la création d'un Marché commun <strong>et</strong> la constitution<br />

d'une autorité atomique commune 118 .<br />

Olivier Wormser, directeur <strong>de</strong>s Affaires économiques au Quai d'Orsay, manifesta<br />

ses réticences pour le Marché commun libéral. Il repoussait l'intégration économique<br />

totale <strong>et</strong> n'acceptait qu'une coopération dans le domaine <strong>de</strong>s transports <strong>et</strong><br />

112. CE 84 ou CE 63, OW, 10 décembre 1953, DGAEF, CE, note "a/s politique économique <strong>et</strong> financière<br />

extérieure <strong>de</strong> la France".<br />

113. DDF, 1955, annexes, tome 1, p. 39-42, compte rendu <strong>de</strong> la conversation Pinay-A<strong>de</strong>nauer du 29<br />

avril.<br />

114. P. GUILLEN, "La France <strong>et</strong> la négociation <strong>de</strong>s Traités <strong>de</strong> Rome: l'Euratom", in E. SERRA, La<br />

relance européenne <strong>et</strong> les Ttraités <strong>de</strong> Rome, p. 514.<br />

115. 363 AP 33, Jean Monn<strong>et</strong> à René Mayer, programme d'action pour les Etats-Unis d'Europe,<br />

secr<strong>et</strong>, confi<strong>de</strong>ntiel; Europe généralités 49-55, 64, Bruxelles, Spaak à A<strong>de</strong>nauer, 4 avril 1955,<br />

publiée par les DDF, n˚ 171, 1955, tome 1, janvier-juin 1955, p. 399.<br />

116. P. URI, Penser pour l'action, un fondateur <strong>de</strong> l'Europe, Paris 1991, p. 115. Le texte a été publié<br />

dans Fragments <strong>de</strong> politique économique, Grenoble 1989.<br />

117. P. GERBET, "La "relance" européenne jusqu'à la conférence <strong>de</strong> Messine", <strong>et</strong> témoignage d'Uri,<br />

in E. SERRA, La relance européenne, p 61 <strong>et</strong> seq. p. 166.<br />

118. Europe généralités 1949-55, 64, Paris, DG pol Europe, 18 mai 1955, note. SGCI, Réunion <strong>de</strong>s<br />

ministres <strong>de</strong>s Affaires étrangères <strong>de</strong>s Etats membres <strong>de</strong> la CECA, secrétariat, Mémorandum <strong>de</strong>s<br />

pays du Benelux aux six pays <strong>de</strong> la CECA, ref; 465 f/55 gd, 5 pages dactylog.

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