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Les hauts fonctionnaires français et le processus d’unité en Europe 99
Stafford Cripps pour créer un front commun des partisans de la coopération à
l'OECE 87 . Ainsi se développait un débat entre ceux qui voulaient poursuivre l'effort
français à l'OECE et ceux qui comme Monnet estimaient l'institution dépassée.
Kojève recueillit le soutien de hauts fonctionnaires du SGCI. Il trouva un appui
à la DFE (Guindey). Bernard de Margerie proposa de remplacer la Haute Autorité
par un bureau international composé d'entreprises privées et contrôlé par les
Etats 88 . Robert Buron comme Olivier Wormser, au Quai d'Orsay, voulaient assimiler
le Fonds européen d'intégration du plan Stikker avec la Haute Autorité du Plan
Schuman 89 . Le 3 juillet 1950, Petsche présenta un plan de libération des échanges.
Il salua sans plus le Plan Schuman mais insista sur la Banque européenne d'investissement
(BEI). On peut parler d'un contre-plan Schuman qui fit long feu. René
Massigli, ambassadeur français à Londres, demandait à Paris la participation anglaise
au prix "de quelques sacrifices de doctrine" qui parurent inacceptables à Schuman
et Monnet 90 .
Monnet et Schuman prirent un risque en privilégiant l'Allemagne. Celui-ci était
à la mesure des déceptions causées par la Grande-Bretagne en matière d'unité européenne.
Les services stigmatisèrent cependant l'absence de l'Angleterre, ils regrettèrent
le désaveu de la politique française à l'OECE et le renforcement du potentiel
sidérurgique allemand. Le Plan Schuman n'avait pas leur faveur.
Des politiques, au contraire, forçaient la marche vers l'intégration. Pierre Pflimlin,
ministre de l'Agriculture, fit une proposition de pool agricole européen, rejeté immédiatement
par Monnet car "il ne faut pas essayer de tout faire à la fois" dit-il 91 . Le projet
servait trop les thèses des agriculteurs et ne s'inspirait pas assez de la déclaration du 9
mai 92 . C'était tout dire! Mais le Quai d'Orsay refusa une seconde Haute Autorité 93 .
Pourtant le gouvernement entérina le projet.
Les services du ministère de l'Agriculture définirent une organisation commune
et progressive des marchés agricoles avec une autorité commune de type CECA 94 .
Le ton du document rappelait le langage de la Révolution nationale pétainiste; les
86. F 60 ter 474, ' "Combinat", texte amendé de la déclaration de M. Schuman du 9 mai 1950', le 19
mai 1950, texte Kojève; CE 89 AK, Paris le 16 mai 1950, note pour M. Filippi, "La proposition
Schuman et l'OECE".
87. R. BULLEN, "The British government and the Schuman Plan, May 1950-March 1951", in K.
SCHWABE (sous la direction de), The Beginnings of the Schuman-Plan, Baden-Baden 1988, p.
208.
88. F 60 ter 474, note de BM 20 mai 1950,"Note sur le projet de pool européen du charbon et de
l'acier"; BM à Filippi, 20 mai 1950.
89. CE 89, OW CE, 14 juin 1950, "Note pour le Président".
90. 4 AU 57 dr 3 , Alphand, Paris 30 mai 1950, 22h à Londres n ˚ 4448-54. 4 AU 57 dr 4 Londres, 9
juin 1950, 19h 50, 2117-20; idem ou papiers Massigli, n˚ 2061-71, Londres, le 6 juin 1950 à 16h.
91. AMG 5/1/6, note du 29 juin 1950.
92. AMG 26/2/46, Monnet à Pflimlin, 28 décembre 1950, et AMG 26/2/47, Monnet à Pflimlin, 12 février
1951.
93. CE 89 LBN, 31 juillet 1950, note pour M. Charpentier, "a/s projet d'organisation européenne des
marchés agricoles".
94. 457 AP 41, "Note du gouvernement français du 29 mars 1951, mémorandum".