Vol. XXXVIII / 1 - Studia Moralia
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136 RÉAL TREMBLAY<br />
que le Créateur avait inscrit ce désir dans le coeur des hommes.<br />
Mais il faut pousser encore plus loin notre réflexion. Tandis<br />
que dans le cas de la consommation d’un aliment appartenant<br />
uniquement à ce monde, c’est l’organisme assimilant qui s’empare<br />
de la substance de l’aliment consommé pour en être nourri<br />
et fortifié, dans le cas du pain et du vin eucharistiques c’est le<br />
mouvement inverse qui se produit. Certes, en tant que réalités<br />
matérielles, les éléments eucharistiques subissent le même sort<br />
que les autres aliments. Mais comme nourriture spirituelle contenant<br />
le corps et le sang du Crucifié ressuscité, c’est la substance<br />
des croyants qui se trouve comme attirée (cf. Jn 6, 44; 12, 32)<br />
en celle du “Vivant” et identifiée à lui pour en être vivifiée à<br />
jamais (cf. Jn 6, 58). Dans la foulée d’un texte de s. Augustin 15 , J.<br />
Ratzinger dit en substance la même chose en ces termes: “Les<br />
moyens normaux de nutrition sont moins forts que l’homme. Ils<br />
le servent: ils sont consommés de manière à ce qu’ils soient assimilés<br />
au corps de l’homme et qu’ils l’édifient. Mais cette nourriture<br />
spéciale - l’eucharistie - se situe, exactement à l’inverse, audessus<br />
de l’homme, est plus forte que lui et ainsi le processus<br />
vers lequel tend le tout est renversé: L’homme, qui consomme ce<br />
pain lui est assimilé, est assumé par lui, est fondu en ce pain et<br />
devient pain comme le Christ lui-même” 16 .<br />
grâce ressenti lors de sa première communion comme d’une “fusion”: “Ce fut<br />
un baiser d’amour, je me sentais aimée, et je disais aussi: «Je vous aime, je<br />
me donne à vous pour toujours.» […] Depuis longtemps, Jésus et la pauvre<br />
petite Thérèse s’étaient regardés et s’était compris… Ce jour-là ce n’était plus<br />
un regard, mais une fusion…” Manuscrit A 35r o , dans THÉRÈSE DE L’ENFANT-<br />
JÉSUS ET DE LA SAINTE-FACE, Oeuvres complètes, Paris, 1996, 125 (c’est Thérèse<br />
qui souligne). Un mois plus tard, lors de sa seconde communion, Thérèse fait<br />
pratiquement la même expérience en citant à l’appui Ga 2, 20: “... Je me répétais<br />
sans cesse à moi-même ces paroles de S t Paul: «Ce n’est plus moi qui vis,<br />
c’est Jésus qui vit en moi!…»” Ibid., 36r o , dans o.c., 127.<br />
15<br />
“«Je suis l’aliment des grands, grandis et tu me mangeras. Et tu ne me<br />
changeras pas en toi, comme l’aliment de ta chair, mais c’est toi qui seras<br />
changé en moi»” Conf. VII, x, 16 (traduction de l’édition de la Bibliothèque<br />
Augustinienne: Oeuvres de Saint Augustin 13. Les Confessions. Livres I-VII,<br />
Paris, 1962, 617). Pour d’autres textes patristiques de même veine, voir H. DE<br />
LUBAC, o.c., 135, note 121.<br />
16<br />
J. RATZINGER, Schauen auf den Durchbohrten, Einsiedeln, 1984, 75.<br />
(C’est l’auteur qui souligne et c’est moi qui traduis).