Vol. XXXVIII / 1 - Studia Moralia

128 RÉAL TREMBLAY
la présence terrestre du Seigneur dans la trame historique du
plan du Père en faveur de l’homme, manifester pour elle de la
nostalgie dans le temps de l’Église ne reviendrait-il pas en définitive
à porter ombrage au mystère pascal, plus encore à en
méconnaître les virtualités profondes au point d’en remettre en
cause la consistance (I)? Après avoir essayé de répondre brièvement
à cette question, je m’attacherai à montrer où et comment
se condensent au maximum les possibilités du Crucifié ressuscité
à se rendre présent aux croyants dans le temps de l’Église.
Nous les verrons se précipiter dans le pain et le vin eucharistiques
qui, comme tels, se présenteront comme une véritable
apparition du Crucifié ressuscité (II). En exerçant sur les
croyants le pouvoir d’attraction et de communion qui émergera
de ce qui précède, cette apparition sera d’une part supérieure à
celle du Jésus de l’histoire et d’autre part inférieure à la venue du
Christ glorieux sur les nuées du ciel à la consommation des siècles,
sans toutefois qu’il y ait pleine discontinuité entre l’une et
l’autre puisque l’épiphanie eucharistique du Crucifié ressuscité
sera le lieu de l’émergence du “désir”, du marana tha de l’Église,
ayant justement pour objet cette venue sans le voile sacramentel
(cf. Ap 22, 17). Nous nous proposons de revenir brièvement sur
ce point en conclusion de notre travail.
I. Présence du Christ et accomplissement du mystère
pascal
Il serait vain de vouloir circonscrire dans nos catégories la
présence mystérieuse du Crucifié ressuscité auprès des siens
pendant les jours qui précédèrent son départ définitif pour le
ciel à l’Ascension (cf. Lc 24, 51; Mc 16, 19; Ac 1, 9). Nous sommes
placés en face d’un mystère qui nous dépasse. Jamais Dieu
en personne n’a été si proche de l’homme soumis au temps et à
l’espace 3 . Dès lors toutes tentatives de l’esprit humain de mesurer
l’exacte densité de cette présence sont intempestives et doivent
céder le pas à une crainte révérencieuse et à l’adoration, un
3
Les barrières de la “chair” terrestre et de la “chair semblable à celle du
péché” (Rm 8, 3) en effet n’existent plus.